Pour entrer véritablement dans une trajectoire de croissance pérenne, l’assurance africaine doit sortir de la culture du statu-quo en faisant preuve d’agilité. Comme souvent dans les entreprises, nos assureurs ont tendance à reproduire la recette grâce à laquelle «ils ont toujours gagné de l’argent». Le problème est que cette dernière a vieilli, elle serait même périmée face aux transformations de l’industrie des assurances.
Les assureurs africains devraient prendre gare au syndrome Nokia ou BlackBerry, qui, par myopie stratégique, ont été balayés du marché des smartphones par la rupture technologique qu’apporta l’Iphone. Quinze ans (ndlr : on dirait qu’il s’est passé 50 ans) après l’irruption du smartphone d’Apple sur le marché, plus personne ne souvient de Nokia et encore moins, de BlackBerry. Les compagnies d’assurance africaines savent au moins le contre-exemple à éviter si elles veulent continuer à créer de la valeur pour leurs actionnaires et leurs assurés. Des risques nouveaux émergent tandis que les attentes de clients/assurés évoluent. En face, les recettes doivent donc évoluer.
Quelle que soit la branche, les assureurs sont condamnés à reconfigurer leur offre pour anticiper et garantir les conséquences de risques émergents, les cyber risques et les dégâts liés aux changements climatiques. Hors micro, les opérateurs concèdent que peu d’entre eux disposent d’une offre de cyber assurance (ils ne savent pas encore fixer un tarif qui puisse en garantir la rentabilité) tandis que l’assurance agricole serait encore perçue comme un gadget dans un continent pourtant exposé à des sécheresses récurrentes et aux inondations.
Mais il serait injuste de ne pas reconnaître ici le rôle de pionnier que jouent quelques réassureurs au Maghreb et en Afrique du Sud pour mieux intégrer le risque climatique avec le soutien des gouvernements.
Les assureurs africains devraient par ailleurs revitaliser l’expérience client en plaçant l’assuré au cœur du parcours client et pas seulement dans le discours. C’est cela qui fera élargir la demande de l’assurance en plus de la sensibilisation des populations et des opérateurs économiques à anticiper leurs risques et peut-être, à se tourner vers un assureur.
Trois formules de financement des risques catastrophiques
Pour certaines, ces évolutions sont déjà en marche. Tout d’abord, on peut relever quelques modalités émergentes de prise en charge de risques catastrophiques, qui par nature, sont systémiques. Pour l’instant, le schéma le plus répandu sur le continent consiste à loger la «cat nat» auprès du réassureur national. Le financement provient en partie d’un prélèvement sur chaque police d’assurance vendue sur le marché.
L’autre technique de financement consiste à émettre des «catastrophe bonds» dits «cat bonds» qui permettent aux assureurs (réassureurs) de reporter une partie du coût du risque sur le marché financier et les investisseurs. Elle consiste pour l’assureur à émettre des obligations pour constituer une réserve de fonds disponible en cas de sinistre. La libération des fonds sera néanmoins soumise à la réalisation de plusieurs conditions, notamment liées à la réalisation d’un risque catastrophique dont la qualification relève d’un texte réglementaire. Ainsi, en pareil cas, l’assureur fera supporter au moins une partie des coûts par les investisseurs dont l’investissement sera alors consommé par la libération des fonds.
Une troisième option concerne un changement d’appréhension du risque avec l’essor de l’assurance paramétrique. Ce modèle d’assurance entend apporter une solution forfaitaire aux conséquences des risques émergents, en se fondant sur des indices objectifs et précis pour déterminer les cas dans lesquels un sinistre dit catastrophique peut être garanti.
L’assureur détermine par avance les indices ou les seuils qu’il considère être révélateurs d’un sinistre nécessitant le recours à sa garantie ; et, lorsque ces indices sont réunis ou ces seuils dépassés, sa garantie est automatiquement engagée, suivant un forfait prédéfini, sans que l’assuré n’ait besoin de justifier du quantum de son dommage.
L’objectif est de permettre à l’assureur de disposer d’une certaine visibilité sur les coûts à engager mais aussi d’assurer l’indemnisation rapide des clients. La coopération entre les assureurs et l’Etat est aussi un élément important de la prise en charge de ces nouveaux risques émergents à caractère systémique car, lorsque les conséquences s’avèrent catastrophiques, il sera généralement fait recours à la solidarité nationale.
Ici, on attend de l’assureur de jouer avec diligence le rôle d’intermédiaire entre les assurés et l’Etat, en prenant à sa charge une grande partie des coûts de réparation, avant de se retourner vers l’Etat pour obtenir le remboursement des sommes versées.