Ministre de l’Économie maritime, de la Pêche et de la Protection côtière depuis octobre 2020, Kokou Edem Tengue estime que le «Port de Lomé est le meilleur de l’Afrique de l’Ouest». Le statut de port franc, terminal d’éclatement centre et ouest-africain en eaux profondes, confère à cette plateforme et, au delà, au Togo entier, une position de hub logistique et industriel qui vient conforter une place acquise de longue date de centre financier africain, siège des holding et des grands groupes bancaires à l’instar de Ecobank Transnational Incorporated, Oragroup, BIDC, BOAD, etc. Entretien.
Quelle est la place de Lomé dans l’écosystème portuaire ouest africain?
Lomé est le meilleur port sur la côte ouest africaine par lequel on peut atteindre plusieurs capitales en un seul jour. Le Port de Lomé offre ainsi l’avantage d’acheminement des marchandises à des délais et des coûts très compétitifs. Il agit comme bras de mer des pays sans littoral que sont le Burkina Faso, le Niger, le Mali et même le Tchad. Le bassin du Port est délimité par deux digues de 950 m et 1720 m de long qui le protègent de l’ensablement. Par ailleurs, Lomé bénéficie d’un marnage faible (1.20 m) et de vents modérés. Ces conditions permettent ainsi un accès au Port 24 heures sur 24 à tout type de navire. Grâce au statut de port franc dont jouit le Port de Lomé, la manutention et le transfert des marchandises dans l’enceinte portuaire s’effectuent sans contraintes douanières, permettant ainsi un gain de temps dans les opérations de traitement des navires et des marchandises.
Le Port de Lomé abrite une vaste zone franche à vocation industrielle où sont implantées des unités de production industrielles. Le port a acquis depuis fin 2020, une notoriété certaine en Afrique Subsaharienne en devenant le premier port à conteneurs de la région et le 4 -ème de l’Afrique, derrière Tanger Med au Maroc, Port Saïd en Egypte et Durban en Afrique du sud et devant le 99 ème port à conteneurs mondial. Depuis, la place portuaire de Lomé a conforté sa position en passant à la 98 ème place en 2021 et à la 96 -ème place en 2022. Le hub logistique togolais n’est plus un vœux pieux mais une réalité en construction. Au delà des conteneurs, plusieurs importations d’hydrocarbures, de clinker, de blé et d’engrais pour les pays de la sous région passent par le port de Lomé qui ne cesse de travailler à son amélioration constante.
Quelles ont été les réformes majeures à l’origine de ces performances?
Il faut ici saluer la clarté de la vision du chef de l’Etat, le président Faure Gnassingbé qui a compris avant la plupart de ses homologues que l’amélioration des capacités logistiques des ports par des partenariats public-privé bien structurés était une condition importante au développement. Le Togo a donc commencé par faire évoluer son port d’un modèle de port opérateur à celui de port propriétaire ou landlord ( Autorité portuaire) en signant avec des sociétés dont le cœur de métier est l’exploitation des terminaux des concessions. La plus aboutie est celle entre le Togo et la LCT, une joint-venture entre le groupe Italo suisse MSC et la China Merchant Holding avec le soutient financier de la SFI. Ces réorientations stratégiques valent aujourd’hui au Togo son succès.
Peut-on dire que l’objectif du Togo est de structurer un hub logistique, financier et industriel ?
Absolument ! Nous avons évoqué la première place de la plateforme portuaire Togolaise en Afrique subsaharienne en ce qui concerne les conteneurs. Vous n’êtes pas sans savoir que les flux physiques de marchandises sont souvent accompagnés de flux financiers pour le règlement des commandes de ces marchandises. Lomé concentre en plus de ces performances portuaires, le siège de plusieurs banques à vocation régionales comme la Banque Ouest africaine de développement BOAD), la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO qui est la BIDC, le siège du groupe Ecobank qui est un groupe Panafricain ainsi que celui d’Oragroup qui a une vocation sous régionale aussi. Sans oublier également que Lomé abrite le siège de la compagnie aérienne panafricaine ASKY. Il est possible de joindre toutes les capitales ouest africaines à partir de Lomé par la mer, les airs ou la route. Lomé est donc une porte d’entréz de l’Afrique de l’Ouest. Le Togo n’est donc plus loin de son rêve de devenir le hub logistique et financier d’Afrique de l’ouest.
Quelles étaient vos attentes par rapport à la COP 27 en tant qu’acteur portuaire d’un pays où l’érosion maritime constitue une menace immédiate ?
Nous espérions une prise en compte des efforts du secteur maritime dans les plans nationaux de réduction d’émission. Nous pensions également que des normes internationales de construction d’infrastructures maritimes, notamment en termes de rétablissement du transit sédimentaire, allaient faire l’objet de discussions. Enfin, nous nous attendions à ce que des recommandations fortes soient adoptées pour les carburants moins polluant. Si le transport maritime était un pays, il serait le 10 -ème pollueur de la planèt. Il faudra garder cela à l’esprit. Mais, malgré les espoirs déçus, cette COP signe une meilleure compréhension des défis et des opportunités que présente le secteur maritime pour l’agenda climatique.
comment réformer l’industrie portuaire et maritime à la lumière des défis climatiques?
De nouveaux carburants, de nouvelles technologies et de nouveaux modes opératoires sont nécessaires a une évolution vers une navigation verte. Cela ne fait l’ombre d’aucun doute. D’autres mesures pratiques pour réduire les émissions aujourd’hui incluent la réduction de la vitesse (slow steaming), bien qu’il faut en étudier l’impact sur l’offre et la demande de transport maritime internationales.
Finalement, la digitalisation est également une piste. A mesure que les navires se digitalisent, il sera facile de comprendre de mieux en mieux les performances de la flotte en matière d’émission, l’impact des mesures prises pour réduire les émissions, les meilleures pratiques pour optimiser l’efficacité énergétique, ce qui facilitera les décisions d’investissement dans le secteur.
Quid de l’encadrement de la pêche maritime dans un contexte de fortes pressions sur les ressources et, s’agissant de l’Afrique de l’Ouest, de la montée de la pêche illicite ?
L’encadrement de la pêche est nécessaire car c’est un moyen de subsistances pour nombre de nos compatriotes. il faut lutter contre la surpêche, les méthodes de pêches non légales et non règlementaires ainsi que la pêche clandestine dans les eaux de nos pays par des bateaux étrangers ne disposant pas de licences de pêche.
Nous devons également encourager et tendre vers des pratiques de pêche soutenable comme les repos biologiques a l’échelle sous régionale.