Exit la 15è conférence ordinaire des chefs d’Etat de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) dont Yaoundé, la capitale du Cameroun a abrité les travaux le 17 mars 2023. Pour ce sommet qui regroupait tous les dirigeants de la sous-région en présentiel depuis 2019, c’est-à-dire, Paul Biya (Cameroun), Faustin Archange Touadéra (Centrafrique), Dénis Sassou Nguesso (Congo), Ali Bongo Ondimba (Gabon), Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale) et Idriss Mahamat Deby Itno (Tchad), d’importantes décisions étaient attendues dans le sens de la consolidation de l’intégration en Afrique centrale et du renforcement des économies de la sous-région.
Des attentes qui découlaient de l’ordre du jour portant principalement sur l’avenir du Franc CFA en zone CEMAC, l’introduction de la cryptomonnaie comme moyen de paiement, l’implémentation du programme des réformes économiques et financières, la consolidation de l’union monétaire, le renforcement des politiques structurelles, et l’amélioration du fonctionnement des institutions communautaires avec la fusion de la CEMAC et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). A cet agenda s’ajoutaient les conséquences économiques de la guerre russo-ukrainienne et le contexte sécuritaire régional et ses conséquences sur les économies.
Les conclusions de cette grand’messe démontrent que les chefs d’Etat ont évité des sujets sensibles ou qui fâchent et ont opté pour des généralités comme pour se satisfaire entre eux, et satisfaire leurs partenaires et alliés au détriment du bien-être communautaire des 66 millions d’habitants de la CEMAC. Pas de surprise donc puisque finalement aucune grande décision n’a été prise.
Ainsi, au sujet du Franc CFA, après avoir prescrit « une réflexion approfondie » au comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC) et à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC), les chefs d’Etat ont demandé de leur « remettre les conclusions conjointes à brève échéance, en planifiant suivant un échéancier précis, les mesures à prendre à court, moyen et long terme ». Conclusion, non seulement la sortie du Franc CFA n’a pas été officiellement évoquée, la création d’une monnaie commune n’est pas envisageable en l’état actuel. Difficile également de savoir ce qui en est de la clôture du compte d’opération dans les livres de la Banque de France, ce qui permettrait aux pays de la CEMAC de disposer de la totalité de ses réserves de change contre 50% actuellement et de l’avenir des représentants de la France au sein du conseil de décision de la BEAC.
Le Franc CFA, la cryptomonnaie, le passeport, la fusion CEMAC-CEEAC …
L’avenir de la cryptomonnaie comme moyen de paiement dans la sous-région reste en pointillée. Le projet porté par la Centrafrique n’a pas connu une once d’avancement. Au contraire, « il a été question de voir comment accompagner ce pays frère en sortir la tête haute », a confié une source proche du dossier. Autrement dit, Bangui paie cash les frais de son « entêtement » et de sa marche « solitaire ».
Sur le Programme économique régional (Pref-CEMAC) de deuxième génération qui s’articule autour d’un portefeuille de douze projets intégrateurs prioritaires, susceptibles d’accélérer l’intégration physique et commerciale de la CEMAC, les Etats pourraient y consentir une enveloppe globale de 1700 milliards de FCFA (2,7 milliards de dollars). Dans cette optique, « il nous faudra également accélérer la mise en circulation du passeport biométrique CEMAC. Toutes ces actions vont favoriser un meilleur maillage de nos Etats, une circulation accrue des hommes et des biens, ainsi qu’une amélioration de la performance de nos économies », a déclaré le président camerounais Paul Biya.
Le maillage des Etats est-il possible dans un environnement de restrictions sur la libre circulation ? Difficile de l’envisager sérieusement. Encore qu’à l’arrivée, aucune mesure coercitive n’a été prise ni envisagée contre le Gabon et la Guinée équatoriale qui continuent d’imposer le visa aux ressortissants intra-communautaires foulant au pied, des traités et conventions communautaires auxquels ils ont librement adhéré. Dans ce contexte, il y a lieu de s’interroger comment « notre communauté remportera de nouvelles victoires sur le chemin de son intégration et de son émergence économique », comme l’a indiqué l’hôte du sommet.
Rien également de concret ni de précis n’a été acté au sujet de la rationalisation des Communautés économiques régionales (CER) en l’occurrence, la CEMAC et de la CEAAC. Indépendamment du fait que cette fusion fait partie des orientations de l’Union africaine (UA), l’Afrique centrale reste la seule partie du continent à disposer de deux communautés économiques distinctes. Quid des mesures « concrètes » visant à accroitre des échanges commerciaux intra-régionaux qui oscillent autour de 3% seulement.
En définitive, des ressortissants communautaires et tous ceux qui s’attendaient à des décisions « fortes » devant booster l’intégration et le développement des pays de la sous-région devront encore attendre. Pour le reste, certaines nominations attendues au sein des institutions communautaires ont été confirmées sur la base des réformes en vigueur depuis 2016 préconisant notamment la rotation des responsables par pays suivant l’ordre alphabétique.