Un choix cornélien entre l’inflation et la crise de liquidité
C’est un très attendu conseil des ministres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui aura lieu ce 31 mars 2023 à Dakar, Sénégal. La conférence se tient alors que quasiment tous les Etats ont de plus en plus mal à se financer au niveau du guichet de l’Agence UMOA-Titres. Mieux, les banques qui se prêtaient entre elles facilement exigent de plus en plus des garanties (sous forme de gages pour accumuler des titres publics dans leurs portefeuilles). Comme si cela ne suffisait pas, les établissements de crédit s’appliquent des taux de plus en plus élevés entre eux.
La situation, combinée aux relèvements successifs du taux directeur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), actuellement à 3%, ajouté à la suspension des conditions favorables prises en faveur des banques lors de la pandémie (taux fixe de refinancement désormais remplacé par un taux variable), ont abouti à créer les conditions de la rareté de l’argent sur le marché financier régional.
Voila comment pour lutter contre une inflation importée, on installe une crise financière qui rajoute à une crise économique due à la COVID et à la crise Russo-Ukrainienne.
Durant le premier trimestre 2023, l’encours mobilisé sur le marché des titres publics était de 1 062 milliards FCFA en baisse de 33,8% sur une année glissante. La crise est particulièrement vive sur le mois de mars où les montants mobilisés par adjudication n’ont pas dépassé 159 milliards de FCFA, en baisse de 66% par rapport à mars 2022. De l’avis des spécialistes, la timide réaction de la BCEAO, qui a légèrement relevé son montant de refinancement des banques, de 5 500 à 7000 milliards de FCFA, n’est pas suffisante pour contrer la crise de liquidités. Mieux, elle aggrave ladite crise en fermant les guichets de secours !
Attention, avertissait l’économiste et banquier Cheikhna Cissé dans nos colonnes, « dans la zone de l’Union Économique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), la situation risque d’aller plus vite que l’on ne croit. Elle pourrait échapper au contrôle de l’Autorité de supervision plus préoccupée à lutter contre l’inflation galopante et à sauvegarder la valeur de sa monnaie ». Les autorités monétaires sont presque appelées à faire le choix, à leur corps défendant, entre le maintien de l’inflation, actuellement à 6% et l’injection de liquidités afin de permettre aux Etats de se refinancer à des conditions favorables. Dans un contexte international tendu marqué par des relèvements de taux, l’UEMOA devrait faire preuve d’innovation en maintenant les acquis en matière d’inflation et en déliant les cordons de la bourse de manière à faciliter le refinancement des banques et, derrière, le financement des Etats. Pas facile en ce moment d’être à la place et des Directeurs Généraux de Banque et du nouveau Gouverneur Jean Claude Kaci Brou. ET c’est ce qui explique le nombre élevé de réunions entre ces deux groupes, réunions inaperçues car organisées en visioconférence….