Chronique de Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des universités
Nous devrions assister à une nouvelle configuration internationale, s’orientant vers un monde multipolaire, avec les impacts du conflit en Ukraine, le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie Saoudite et les nouvelles adhésions de nombreux pays importants aux BRICS.
Le monde devrait connaître un grand bouleversement à travers le poids croissant des BRICS, composés de cinq pays, le PIB en 2021 étant : – le Brésil, (1608 milliards de dollars de PIB), la Russie (1750 milliards de dollars de PIB), l’ Inde (3250 milliards de dollars de PIB), la Chine (18 460 milliards de dollars de PIB et des réserves change de plus de 3000 milliards de dollars) et l’Afrique du Sud, (420 milliards de dollars de PIB).
Ensemble, les BRICS représentent 45% de la population de la planète sur 8 milliards au total et près du quart de sa richesse. Paradoxe, ayant été à l’origine de plus de 50% de la croissance économique mondiale au cours des dix dernières années, les Brics ne disposent que de 15 % des droits de vote à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI). Ce bloc, selon le quotidien allemand Die Welt, pourrait être l’amorce d’une alliance anti-occidentale, composée de quatre puissances nucléaires (Russie, Chine, Inde, Pakistan), avec l’adhésion selon la formule proposée par la Chine, le Brics+, d’autres pays prochainement , l’Algérie, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, l’Iran, l’Egypte, l’Argentine, le Mexique et le Nigéria.. Avec les nouvelles adhésions, le PIB des Brics pourrait passer de 25% en 2022 à 30%..
Mais pour l’instant, entre 2022 et 2023, les USA et l’Europe y compris la Grande Bretagne, pour moins d’un milliard d’habitants, accaparent, sur un PIB mondial de 100.000 milliards de dollars en 2022, environ 40%.du total(1).
Le poids des Brics remet en cause l’architecture actuelle des relations internationales. D’une manière générale, l’action des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés dans un esprit dépassé de domination, comme le déséquilibre de l’économie mondiale. C’est sous l’impulsion des BRICS que le G20 a transformé le forum de stabilité financière en conseil de stabilité financière, les BRICS ayant soutenu le rapport sur les G-SIFI pour réduire les risques moraux des institutions financières systématiquement et globalement importants, les fonds de couverture, le shadow banking, les produits dérivés financiers des marchés offshore et les agences de notation ayant été ramenés pour la première fois sous la supervision.
Mais c’est pour échapper à la dépendance de l’hégémonie du dollar que les BRICS ont décidé de créer une nouvelle banque de développement à travers la contribution des banques centrales des BRICS, une partie des réserves de devises étrangères pourrait être concentrée, de même, par l’émission d’emprunts sur le marché financier international, on pourrait concentrer des fonds pour servir à la construction des infrastructures dans les BRICS. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement tournerait autour de trois axes directeurs : premièrement de mieux utiliser leurs devises étrangères afin de réduire le risque d’inflation et de rétrécissement de leur réserve de devises étrangères, et de mieux servir leurs économies réelles; deuxièmement, les bénéfices que la banque de développement pourrait tirer de l’investissement dans les économies réelles dépasseraient largement ceux que les banques centrales pourraient tirer de l’achat de bons du Trésor des pays développés, et l’investissement dans les infrastructures pourrait stimuler la demande intérieure de ces pays, entraînant la croissance économique; troisièmement, la Nouvelle Banque de développement ferait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar, bien qu’en baisse mais dominant dans les transactions internationales suivi de l’euro. En somme, la création de la Nouvelle Banque de développement traduit la volonté des BRICS d’une rénovation de leur gouvernance interne.
En conclusion, la stratégie des Brics est de favoriser le co- développement, se fondant sur le respect du choix souverain du système politique et économique de chaque nation, tenant compte de son histoire et de son anthropologie culturelle. L’Algérie- et cela est reconnu par la majorité de la communauté internationale, comme acteur stratégique sur le plan énergétique et de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, a tous les atouts de par sa position géostratégique, pour servir de pont pour le développement de l’Afrique, enjeu du XXIème siècle expliquant les rivalités des grandes puissances notamment entre les USA et la Chine. Comme l’a souligné le président de ce pays, pour consolider sa position stratégique, l’Algérie doit doubler son PIB de 350/400 milliards de dollars entre 2023/2025, étant en 2022 selon le FMI à 193 milliards de dollars, ses exportations composées d’hydrocarbures, étant orientées essentiellement à 85/90% vers l’Europe, devant mener de profondes réformes structurelles pour une économie diversifiée, si elle veut avoir une influence sur les décisions internationales au sein des zones de libre échange ; qu’elle soit arabe, Afrique, Europe, et au sein des BRICS avec son éventuelle adhésion en été prochain en Afrique du Sud, en présence des deux plus grands producteurs d’hydrocarbures, plus de 10 millions de barils de pétrole/j à savoir la Russie de l’Arabie Saoudite . Il faut être réaliste, chaque pays défend ses propres intérêts car dans la pratique des relations internationales et surtout économiques, il n’existe pas de fraternité ni de sentiments, mais que des intérêts .
1- (voir Pr A. Mebtoul American Herald Tribune USA en anglais novembre 2018). les nouveaux enjeux géostratégiques mondiaux, l’Algérie acteur majeur de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, et le magazine Futuribles Paris France juillet 2022, Guerre en Ukraine : quels scénarios à l’horizon 2025, collectif sous la direction de Marie Ségur).