C’est un fait depuis le début de l’année. Les taux s’envolent et l’argent se fait rare sur le marché des titres publics, tant sur le guichet de l’adjudication que sur celui de la syndication.
Il faut le dire, dès le 11 janvier, un petit mistral soufflait déjà sur les écrans des salles de marché. Ce jour-là, le Mali qui cherchait à mobiliser 35 milliards de Franc CFA par adjudication est parvenu à couvrir son émission (103%) mais à un rendement de 6,74% sur trois ans. Trop élevé, relèvent les observateurs.
Un jour plus tard, le Bénin faisait oublier la contre-performance de Bamako en mobilisant 25 milliards de Francs CFA par un impressionnant taux de couverture de 271%. Mieux encore, Cotonou enregistre le plus bas rendement sur les trois ans au cours du mois de janvier, soit 5,41%. La signature Bénin appréciée par le marché enregistre encore un rush sur les émissions des 26 janvier et 9 février à des coupons bas et des rendements inférieurs à ceux des autres pays.
La lueur d’espoir soulevée par ce pays, bien noté au demeurant, sera oubliée le 13 janvier, un moment important dans la tendance actuelle de crise de liquidité. En effet, le Togo qui cherchait 30 milliards de Franc CFA ne parviendra pas à couvrir son offre, couverte à 87% par une demande gourmande au taux de 5,59% sur les trois ans et 6,14% sur les 7 ans. Dès lors, la surchauffe se poursuit. Le 18 janvier, le Burkina Faso annule de justesse sa sortie, qui plus est, le jour-même de l’adjudication de son émission de 40 milliards de Franc CFA.
24 heures plus tard, le Niger réussit à mobiliser les investisseurs pour son émission de 30 milliards mais contre un rendement élevé de 6,38% sur cinq ans. Le 20 janvier, le Sénégal couvre faiblement son émission de 50 milliards de FCFA adjugée à un rendement de 5,85% sur trois ans. Le résultat est jugé élevé. La Guinée Bissau et le Mali suivront pour des taux de couverture respectifs de 91% et 80%. Les rendements associés aux deux sorties sont élevés, entre 6 et presque 7% sur des maturités allant de 3 à 5 ans.
En février, la tendance s’est poursuivie avec un resserrement net des liquidités par rapport au mois de janvier. Le Niger parviendra à couvrir sa première sortie mais à un rendement marginal élevé de 6,66% sur trois ans et à un prix marginal de 9 425 FCFA. Le Sénégal relève son coupon de 5,2 à 5,3% et sort malgré ces gages avec un prix marginal de 9 521 Franc CFA. Idem pour la Côte d’Ivoire qui ne parvient pas à contenir les appétits du marché en dessous du rendement de 5,3% sur trois ans. Durant le mois de février, le Niger, le Mali, la Guinée Bissau, le Togo et la Côte d’Ivoire échoueront à couvrir leurs émissions.
Le constat est simple. Soit les émissions ne sont pas couvertes, soit elles le sont à des taux très élevés ! ce qui rend le crédit déjà cher, plus cher dans la zone UEMOA, qui a un fort besoin d’investissement.
Plus encore que janvier et février, c’est le mois de mars qui sonnera le hallali d’un marché quasiment asséché. Le Burkina Faso et le Niger font faux bond au début du mois en annulant leurs adjudications le jour j. La Guinée Bissau qui cherchait 5 milliards reçoit une gifle avec un taux de couverture de 21%. Aucune offre ne sera finalement retenue.
Le 8 mars 2023, le Mali est à son tour secoué: son offre de 30 milliards de FCFA ne sera couverte qu’à hauteur de 34% et, au terme des dépouillements, seuls 7 milliards de FCFA seront retenus. La loi des séries se poursuivra. L’émission ne sera pas non plus couverte par le Togo qui obtiendra 9 milliards sur une prétention de 25 milliards de Francs CFA. Les revers se sont enchainés durant le mois de mars.
Méfiants, les investisseurs privilégient les maturités courtes. La Côte d’Ivoire arrivera bien à couvrir son offre du 17 mars mais tout en notant le boycott des investisseurs sur ses titres à cinq ans. Le 21 mars, Abidjan ne parviendra même pas à couvrir son émission (couverture de 10%) malgré les courtes maturités. Les offres sont finalement rejetées.
Le 28 mars, seuls les investisseurs ivoiriens (ce qui est inédit) répondront à l’appel pour couvrir de justesse une offre de 85 milliards de FCFA. L’élan patriotique n’aura pas suffi cependant pour vaincre l’aversion au risque sur les maturités de cinq ans boudées au profit des échéances de trois ans.
Bref, face à la dégradation des conditions de financement, les investisseurs ont du mal à anticiper. Les hausses successives de taux, la montée de l’inflation, le retour de l’adjudication à taux variable sur les guichets hebdomadaires et mensuels de la BCEAO et la fin de la couverture intégrale des besoins exprimés par la BCEAO sont autant de paramètres qui ont abouti à assécher le marché.
Dans un contexte où l’argent coûte plus cher sur les marchés européens et américains et où les pays occidentaux et asiatique font face à des défis sur leurs propres économies, les pays africains, notamment ceux de la zone UEMOA, devraient avoir des approches plus innovantes et plus disruptives pour réussir à mobiliser les ressources nécessaires au financement de leurs économies.
En fait, la question à laquelle il faut répondre, c’est de qui la BCEAO est-elle la Banque ? Le Conseil des ministres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) de ce jour devra aider la banque des banques à trouver la bonne réponse.