Le Forum du numérique et de l’intermédiation financière (FONI), édition 2023, tenue les 4 et 5 mai à l’initiative de Afrik Créances, a été un moment de réflexion et d’anticipation stratégiques sur le futur de la finance. L’objectif était,ainsi que le rappelle Blaise Ahouantchedé, Président d’Afrik Créances, de poser les bases d’une profonde réflexion sur les principaux enjeux auxquels est confrontée l’industrie bancaire et financière en Afrique.
L’open banking était l’un des thèmes centraux de cette rencontre qui a réuni régulateurs et acteurs du marché. En résumée, les participants invitent les banques et les opérateurs financiers à adopter des architectures ouvertes en lieu et place des logiques verticales en silos. Les structures horizontales permettent la transmission des données à des tiers de confiance dans un cadre réglementaire à mettre en place et à harmoniser afin de garantir à l’arrivée une meilleure satisfaction du client. Pour l’heure, seul le Nigeria s’est doté d’un embryon de réglementation en Afrique Subsaharienne à travers une circulaire de la Banque Centrale du Nigeria (CBN) adressée aux banques de dépôt, aux opérateurs de mobile mobile banking et aux fournisseurs de services financiers en général. “L’adoption de l’open banking au Nigeria facilite les échanges de données entre les banques et les tierces parties pour des produits orientés client”, lit-on dans la circulaire. In fine, les banques et les services financiers pourront se libérer de tâches récurentes et orienter leurs efforts vers l’inclusion financière.
À Lomé, la réflexion a porté sur un benchmark en matière d’open banking. Le modèle indien et britannique basé sur une interconnexion de tous les acteurs à travers un agrégateur de données sous réserve de normes à remplir et de certification à détenir a fait l’objet d’échanges pratiques et techniques. Beaucoup plus développé que le modèle nigérian, qui fonctionne pour le moment en mode Consumting, l’indien accélère l’innovation et démultiplie la quantité et la qualité des services au client.
Attention seulement, avertit un expert, à ne pas confondre open banking et screen scrapping ou grattage d’écran. La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), bien représentée lors du FONI 2023, ne fera pas l’économie d’un texte réglementaire. Le respect des données à caractère personnel, la primauté du secret bancaire sont des éléments essentiels dans l’interaction entre un secteur de la banque hyper réglementé et un univers de la Fintech encore en zone grise.
Anticipant sur les tendances, les experts préconisent de basculer directement dans l’open finance en interconnectant tous les acteurs financiers, à l’instar des banques et des assurances. D’autres recommandent de pousser la réflexion encore plus loin et de fixer l’open data comme horizon à l’instar de la Malaisie et de Singapour qui font le link entre tous ces services avec les impôts et la sécurité sociale, à travers un numéro d’identification unique.
Il s’agit d’interconnecter les utilitaires fournisseurs de services , les acteurs de la finance et tous les intervenants dans l’univers du consommateur. La question pour les opérateurs serait en définitive de comment bénéficier des données tout en préservant leur marque. La possibilité du développement en marque blanche tranche la question. Pour autant les risques d’usurpation d’identité imposent des protocoles sécurisés d’identification des personnes morales et physiques. La directive européenne sur les services de paiement (DSP2/DSP3) appréhendent ces différentes problématiques mais ne pourrait pas être transposé en l’état en Afrique.
Digitalisation et desintermediation du marché financier
Le FONI a du reste réservé une grande partie de ses échanges à l’évolution du marché financier régional. La Bourse en ligne qui a enregistré 115 milliards de FCFA de transactions en 2022 est encore à ses balbutiements en zone UEMOA mais devrait prendre son envol avec l’accélération des échanges de données et l’évolution de la réglementation. Les États qui ont mobilisé 3700 milliards de FCFA à travers la syndication en 2022 et 1 500 milliards de FCFA au premier trimestre 2023, comme le rappelle Badanam PATOKI – Président dd l’AMF-UMOA, ont tout intérêt à permettre aux épargnants de souscrire à une émission avec le téléphone, sans se déplacer. L’instruction 63 relative aux émissions des titres publics par syndication prise récemment permet d’améliorer la célérité alors que l’instruction 47 révisée qui relève le plafond des opérations de placement privé à 20 milliards de FCFA montrent que le régulateur est à l’écoute.
Dans l’ensemble, opine Edoh Kossi Amenounvé, directeur de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), la desintermediation, la réduction des intermédiaires, l’usage ds la technologie et des datas doit concourir aux objectifs ultimes d’une inclusion financière élargie.
Pour sa part , Valentin MBOZO’O, DG du Groupement monétique de l’Afrique Centrale (GIMAC), s’appuyant sur l’expérience GIMACpay, qui a permis le décloisonnement des paiements depuis 2017, rappelle que le régulateur de l’Afrique Centrale a autorisé à tous les établissements de paiement à ouvrir un compte à la Banque Centrale.
Au final, le marché financier devrait s’adapter. “L’on est parti d’un système à la criée à la cotation électronique”, rappelle Ripert BOUSSOUKPE, secrétaire général de l’Autorité du marché financier(AMF-UEMOA). Les risques liés au système d’information, au blanchiment d’argent (directive révisée en mars 2023) et les risques opérationnels devant être appréhendés dans une approche holistique.