Le litige entre l’industriel camerounais Baba Ahmadou Danpullo, président-directeur général du groupe éponyme et directeur général de Bestinver, une entreprise installée notamment en Afrique du Sud, et les filiales des groupes de droits sud-africains, en l’occurrence, la Mobile telephon network (MTN) et CHOCOCAM, propriété de la firme agro-alimentaire Tiger Brand pourrait connaître un dénouement dans les prochaines semaines. D’après des sources, l’entrée en scène de la diplomatie devrait déboucher sur un accord des parties en conflit.
Pour mieux comprendre cette affaire, il faut remonter à l’origine du conflit entre la société Bestinver qui, pour une créance de 22 milliards de FCFA (37 millions de dollars) indique-t-on, a vu la banque sud-africaine, First National Bank (FNB), saisir le 12 juin 2022 des biens immobiliers de l’homme d’affaires camerounais qu’il estime à plus de 300 milliards de FCFA (500 millions de dollars). En représailles, le groupe Bestinver s’est attaqué aux intérêts sud-africains au Cameroun, précisant que MTN et Chococam auraient pour principal actionnaire, Public Investment Corporate, fonds de pension des fonctionnaires sud-africains, également actionnaire de First Rand Bank, dont la filiale est FNB.
Dans la foulée, Danpullo saisira la justice camerounaise, et dans une décision rendue le 05 septembre 2022, le Tribunal de première instance (TPI) de Douala-Bonanjo ordonne la saisie des comptes de MTN et leur mise sous contrôle du greffe dudit parquet. Depuis dix mois, ce sont plus de 250 milliards de FCFA (416 millions de dollars) de cette entreprise qui sont bloqués. Par ailleurs, une ordonnance du 9 juin 2023 du TPI enjoint à Afriland First Bank, Ecobank, Société commerciale de banque (SCB) et United Bank for Africa (UBA) de transférer au greffier en chef du TPI de Douala-Bonanjo les fonds de MTN Cameroon qu’elles ont saisis. Sans quoi, ces établissements de crédit s’exposent à une amende de 100 millions de FCFA (166 mille dollars) par jour de retard.
Au cours d’une déclaration à la presse le 14 juin 2023, le directeur général de MTN-Cameroun, Mitwa Ng’ambi, a clairement réfuté tout lien entre MTN Cameroon et la First National Bank. Selon elle, le camp Danpullo « cherche donc à récupérer, auprès de sociétés sud-africaines basées au Cameroun, un montant de 259 milliards de FCFA (431 millions de dollars) présenté comme la valeur des biens immobiliers dont Bestinver aurait été spolié ». MTN-Cameroun conteste la saisie de ses comptes, qu’il considère comme « abusive, frauduleuse et inacceptable étant donné que MTN-Cameroon n’a aucune relation avec Bestinver et son banquier sud-Africain ».
L’opérateur de téléphonie mobile dit ne pas comprendre comment une ordonnance peut être émise pour saisir les comptes bancaires de MTN Cameroon, alors qu’elle n’est liée ni à Bestinver, ni à First Rand Bank. Au regard des éléments versés au dossier, les conseils de MTN-Cameroun demandent également à la Cour d’appel du Littoral (Douala) de condamner le groupe Danpullo à payer la société MTN, à titre de dommages intérêts, la somme de 250 milliards de FCFA (416 millions de dollars).
Cette position de la filiale camerounaise de la multinationale de téléphonie mobile sud-africaine est battue en brèche par les conseils de Danpullo. Selon eux, « il convient de noter que ce lien existe et une fois de plus, nous ne pouvons révéler notre stratégie du fait que la procédure est encore pendante. Il existe bel et bien un lien entre la banque, MTN et Chococam. Cela se prouvera dans les procédures pendantes ». Pendant qu’on y est, une évolution notable est intervenue en début de semaine dans ce dossier. Sur requête de Chococam, le Tribunal de première instance de Bonanjo a jugé non-fondée sur la forme, l’ordonnance de transfert de fonds prononcée par cette même juridiction contre l’entreprise agroalimentaire, en avril 2023 d’un montant de 5,6 milliards de FCFA (9 millions de dollars) logés auprès de quatre banques locales.
Par ailleurs, ce que des observateurs considèrent comme situation défavorable pour Danpullo, c’est la décision de la Caisse des dépôts et consignation du Cameroun (CDEC) rappelant que « l’ordonnance de référé dont défenses en exécution est sollicitée viole manifestement la loi ». En d’autres termes, des fonds que le tribunal demande de mettre sous séquestre au greffe du parquet devraient plutôt être transférés à la CDEC qui de par la loi, est la seule instance compétente en matière de dépôts, consignations et séquestres.
En attendant la décision finale du tribunal, des sources proches du dossier espèrent de plus en plus une « décision politique », la diplomatie des deux pays ayant été mise en branle. Dans ce sillage, est annoncée, une rencontre « imminente » entre les autorités camerounaises et sud-africaines à l’effet de trouver une solution définitive à ce conflit qui pourrait être lourde de conséquences pour l’économie camerounaise.