Financial Afrik a échangé avec Dare Okoudjou, PDG de l’infrastructure de paiements MFS Africa, en marge de l’Inclusive Fintech Forum tenu du 20 au 22 juin 2023 à Kigali. Au menu de cet entretien exclusif, les projets actuels et futurs de la société, le bilan à mi-parcours de son aventure américaine et la petitesse de la taille des marchés sur le continent, le plus grand problème des fintech en Afrique, dit-il.
Propos recueillis à Kigali par Nephthali Messanh Ledy
Présentez MFS Africa aux lecteurs de Financial Afrik.
MFS Africa est une infrastructure de paiement que nous mettons à disposition des fintech un peu partout en Afrique, mais aussi des opérateurs de Mobile Money, des banques, des opérateurs de transfert d’argent aussi bien sur le continent qu’en dehors du continent. Nous touchons aujourd’hui plus de 400 millions de Mobile Wallets dans une quarantaine de pays. Nous facilitons essentiellement les transferts et paiements intra Afrique, mais nous facilitons également les paiements depuis l’Afrique vers le reste du monde et depuis le reste du monde vers l’Afrique. Nous sommes une équipe de 650 personnes réparties entre l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun, la Tanzanie, le Nigeria, les Etats-Unis et l’Angleterre.
Il y a un an, vous avez annoncé une première acquisition aux Etats-Unis. Quel est, aujourd’hui, le bilan à mi-parcours de votre aventure américaine ?
Effectivement, cela fait exactement un an que nous avons fait l’acquisition de GTP, et je peux dire que jusque-là, c’est vraiment un succès. Notre priorité, c’était d’abord de continuer à servir nos clients, les clients de GTP qui sont essentiellement des banques et des fintech. Suite à l’acquisition, nous avons renforcé nos équipes techniques et commerciales qui travaillent sur les produits de cartes Visa et MasterCard ; et avons fait de l’interopérabilité carte mobile wallet notre fer de lance. En réorganisant notre activité en structures régionales (l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, l’Afrique francophone, et l’Afrique de l’Ouest anglophone avec le Nigeria, le Ghana, le Gambie et la Sierra Leone), nous rapprochant encore plus l’activité de GTP de nos clients tout en continuant à maintenir une équipe dorsale à Tulsa, Oklahoma, qui est reste pour nous un techhub de développement futur de notre gamme de produits ; et nous continuons à nous appuyer sur cette équipe pour progressivement étendre nos activités aux Etats-Unis.
Quels sont vos projets sur le court et le moyen terme ?
Sur le court terme, notre priorité reste de continuer à mieux servir nos clients actuels tout en poursuivant l’intégration des différentes acquisitions que nous avons faites ces dernières années. Entre 2020 et maintenant, nous avons fait 4 acquisitions ; il faut avouer que c’est beaucoup.
A plus moyen terme, nous avons des initiatives importantes sur la crypto. Nous servons déjà un certain nombre de clients dans ce secteur et avons récemment annoncé notre partenariat Ripple .
Finalement, nous continuons de travailler à faciliter les paiements entre l’Afrique et la Chine. Depuis environ deux ans, nous aidons un certain nombre d’exportateurs et de marchands en Chine à recevoir des paiements depuis les importateurs de différents pays africains.
De votre expérience, quelles sont les difficultés des fintech en Afrique, et quelles pistes de solution proposeriez-vous ?
Il y a d’abord les problèmes classiques : les financements, surtout en amorçage, et les problèmes de talents. Mais je pense que le plus grand problème, sur le plus long terme, c’est la taille des marchés dont nous avons parlé tout à l’heure ici à Kigali. La réalité, c’est que la plupart de nos marchés sont trop petits pour arriver à produire de véritable champions Africains. Quand les fintech lèvent de l’argent auprès des investisseurs, le but, c’est d’arriver à créer des champions (plus d’un milliard de dollars de chiffres d’affaires). Je pense que cela va être difficile pour une fintech au Tchad d’atteindre cet objectif si son marché est limité au Tchad. Mais si on commence à élargir ce marché à la région CEMAC, à l’UMEOA, à la Zambie, au Rwanda, à Madagascar ou à la RDC, etc., on commencerait alors à donner plus de chances.