Avocat, professeur, ancien conseiller Afrique du président français Nicolas Sarkozy, personnage central de la « Françafrique », Robert Bourgi est surtout et avant tout un Sénégalais maîtrisant parfaitement les arcanes politiques de son pays depuis des décennies. Dans cette interview exclusive accordée à Financial Afrik, il revient sur la décision du président Macky Sall, un ami de très longue date, de ne pas briguer de 3èmemandat tout en analysant le paysage de son pays à l’aune de cette décision.
Étiez-vous au courant de la décision de Macky Sallde renoncer à briguer un troisième mandat ? Que vous inspire ce choix ?
C’est une décision courageuse. Il l’a prise seule. J’insiste sur ce dernier point. Il n’a recouru à aucune personne pour se faire conseiller. Elle a été murement réfléchie. Lorsque je l’ai rencontré ces dernières semaines, j’ai ressenti, de sa part, une grande gravité. Le président Macky Sall n’a jamais cédé à la peur qui a gagné son camp face à la montée de la pression venue de l’opposition.
Quand s’est-il décidé ?
Il s’est véritablement décidé il y a deux mois. Il était conscient que quelque chose ne tournait plus rond dans son pays avec des pics de violences comme rarement celui-ci en a connus. Les jeunes ne répondaient même plus aux injonctions des chefs religieux ce qui a été, pour lui, extrêmement, préoccupant. Ce qui l’a tout particulièrement affecté, c’est que Touba elle-même, ville Sainte par excellence, a connu des casses et des violences malgré les appels au calme du Khalife général des Mourides. Khalife lui-même insulté et conspué.
Indépendamment du cas Ousmane Sonko, la violence est donc le moteur de sa prise de position ?
La violence oui et, il faut le dire, peut-être une certaine lassitude du pouvoir. Le système politique sénégalais étant ultra-présidentiel tout a reposé sur lui ces dernières années. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le président Macky Sall a encouragé un système plus équilibré avec le chef du gouvernement, particulièrement Amadou Ba. J’ai clairement ressenti cette lassitude.
Pourquoi avoir laissé durer le suspense concernant le 3ème mandat et ne pas avoir clarifier la situation plus tôt ?
Dans son camp, sa famille politique, mais aussi au sein de sa propre famille, au sens de la parenté, certains et certaines ont tout fait pour l’empêcher d’arrêter d’exercer la fonction suprême. Sa femme et les membres du cercle familial qui l’ont accompagné récemment à la Mecque, tout comme les Imams les plus proches de lui, semblaient suivre cette logique Mais la décision était prise. Macky Sall était conscient, de surcroît, du risque de faire le combat de trop. On l’a vu avec le président guinéen Alpha Condé, qu’il n’a d’ailleurs jamais ménagé sur ce point.
Quelles personnalités politiques sortent renforcées de ce retrait ? Qui peut désormais tirer son épingle du jeu ?
C’est la grande incertitude. Autant Macky Sall s’est confié à moi intimement, le 14 juin dernier au Palais de Dakar, autant il ne m’a rien dit sur qui que ce soit. Toutefois, je lui ai vanté l’attelage qu’il forme avec Amadou Ba. Beaucoup étaient contre cette nomination. Elle s’est avéré, au contraire, très pertinente.
Amadou Ba, le dauphin désigné ?
Il n’a pas prononcé ce terme. Amadou Ba a toutefois prouvé sa loyauté et a prouvé qu’il était un homme de dossier. Macky Sall m’a confié que son chef de gouvernement l’avait soulagé dans l’exercice de sa fonction. C’est un homme fidèle. Des qualités qui lui ont été confirmées par le Khalife à Touba lorsqu’il a demandé à Macky Sall quel serait son avenir politique. Ce dernier connaît Amadou Ba depuis 1989. Il était alors le 5ème dans l’ordre de succession au Khalifat. Amadou Ba ne s’est jamais épanché sur qui que ce soit, ni aucun homme politique, ce qui est une qualité rare.
Le retrait de Macky Sall affaiblit-il arithmétiquement le candidat Ousmane Sonko ? A supposer que ce dernier puisse se présenter à la présidentielle au regard de sa récente condamnation ?
La non-candidature de Macky Sall a vidé d’un seul coup le discours de Sonko. D’ailleurs, depuis la déclaration de Macky Sall, beaucoup de soutiens d’Ousmane Sonko le quittent, et l’on entend de plus en plus, de la part des Sénégalais, qu’il représente un danger, non seulement pour les femmes, mais il semble symboliser l’antichambre de l’entrée de l’islam radical au Sénégal. Les Sénégalais savent parfaitement qu’il n’y avait pas que des Sénégalais parmi les émeutiers de ces dernières semaines…
Que fera Macky Sall dans les prochains jours ?
Lorsque je ne le vois pas, j’échange avec lui tous les jours via Watsapp. Il parle beaucoup de piété. Il m’a confié qu’il ne s’est jamais aussi bien senti que, mercredi matin, pendant le Fajr, avant de se plonger dans le Coran. C’est assez frappant. Dans les prochains jours, je pense qu’il va observer une sorte de retraite spirituelle, puis voyager.
Et après son mandat ?
Il a été sollicité par les plus hautes autorités mondiales pour le poste de secrétaire général des Nations unies. Nicolas Sarkozy lui a suggéré cette candidature, en 2021, lors d’un entretien à Paris auquel j’ai assisté. Emmanuel Macron est sur la même ligne tout comme les responsables européens et l’administration Biden. Il serait le nouvel africain qui succéderait à Koffi Annan à la tête des Nations unies.
Propos recueillis par Alexandre Varel
Un commentaire
Ce n’est pas seulement le discours d’Ousmane Sonko que la non candidature de Macky Sall a vidé mais le discours de toute l’opposition sénégalaise qui n’était axé que sur: « Non à la troisième candidature ». C’est pour cela qu’ils sont devenus aphones, groguis car le président leur a coupé l’herbe sous les pieds. Ils n’ont plus aucun argument. Nullards !