Le meurtre d’un tunisien de 40 ans à Sfax, lundi 3 juillet, a réveillé le discours de la haine dans cette ville du centre-est de la Tunisie. La nouvelle de la mort s’est rapidement répandue via une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux par un député de Sfax, Tarek Mahdi, montrant le corps de la victime tunisienne dans la rue et une traînée de sang.
Les agresseurs sont « Africains », affirme alors Tarek Mahdi, qui leur reproche d’« être partout » et réclame une réaction de la population sfaxienne. « Il faut que les gens se bougent », enjoint-il son public.
«Nous allons venger sa mort », a lancé un groupe de jeunes lors des funérailles du défunt selon une vidéo publiée par le collectif Syeb Trottoir qui milite contre l’immigration clandestine à Sfax.
Depuis, la chasse aux subsahariens fait rage dans la deuxième ville de Tunisie, point de départ d’un grand nombre de traversées illégales vers l’Italie. En 2023, plus de 30 000 personnes ont déjà rejoint l’île italienne de Lampedusa depuis cette cité portuaire.
Face aux violences, le silence des autorités est vu dans certaines chancelleries africaines comme une circonstance aggravante.
Loin de condamner ces incidents, le président Saied a répondu de biais, affirmant que son pays « n’accepte pas sur son territoire quiconque ne respectant pas ses lois, ni d’être un pays de transit (vers l’Europe) ou une terre de réinstallation pour les ressortissants de certains pays africains ».
Devenu coutumier des discours complotistes, le président tunisien avait déclaré le 21 février lors d’une reunion du conseil de sécurité nationale que «des hordes d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne» avaient déferlé sur la Tunisie et étaient à l’origine « de violences, de crimes et d’actes inacceptables ».
Kaïs Saïed avait ensuite martelé que c’était une situation « anormale » qui s’inscrivait dans le cadre d’un plan criminel conçu dans le but de « métamorphoser la composition démographique de la Tunisie » et de la transformer « seulement en un État africain qui n’appartienne plus au monde arabo-islamique ».
Des propos dénoncés en leur temps par le Président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki MAHAMAT, “condamnnant fermement les déclarations choquantes faites par les autorités Tunisiennes contre des compatriotes Africains, qui vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit de notre Organisation et de nos principes fondateurs”.
De son côté, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) avait, début avril, demandé aux plus hautes autorités de s’abstenir de tout discours qui contribue à « la haine à caractère raciste et à la discrimination raciale à l’encontre des migrants provenant de pays africains du Sud du Sahara ».
Face au tollé international, le pays du Jasmin avait fait un petit pas en arrière annonçant debut mars de nouvelles mesures pour faciliter le séjour des migrants. Aucune renonciation ou excuse formelle suite aux propos du président de la république. Ces nouveaux incidents sont révélateurs d’un certain racisme.
L’ONG de défense des droits humains, Human Rights Watch (HRW), a exhorté les autorités à mettre fin aux « expulsions collectives » dans le désert, où les migrants sont abandonnés à leur sort.
La plupart des subsahariens qui viennent en Tunisie tentent de gagner l’Europe au prix de leurs économies et souvent de leurs vies.