Par Serge KOUAMELAN, Directeur Exéctutif APBEF-CI.
Les transactions en cryptomonnaies ont atteint 100,6 milliards de dollars en Afrique subsaharienne, entre juillet 2021 et juin 2022, selon une note de recherche publiée, récemment, par Chainalysis, une société spécialisée dans l’analyse de données relatives à la blockchain.
Bien qu’il soit en hausse de 16% par rapport à la période juillet 2020 – juin 2021, ce montant ne représente que 2% des transactions en cryptomonnaies recensées à l’échelle mondiale. En Afrique de l’Ouest, outre le Nigeria, le phénomène reste marginal dans l’espace de l’Union Economique et monétaire ouest africaine (Uemoa). Selon les experts, son adoption collective implique une politique publique qui rassure les plus sceptiques qui craignent un outil de prédilection des terroristes ou des acteurs de blanchiment d’argent.
Bien plus, la monnaie numérique a besoin d’un environnement technique qui assure sa véritable efficience. Le système financier international devra mieux cerner les facettes de ce nouvel instrument de paiement et apprécier son impact sur le développement durable.
Son entrée dans les mœurs dans l’espace Uemoa devra nécessiter l’élaboration d’un plan d’actions efficace pour tirer le meilleur de ce phénomène financier qui promet dans le futur. Depuis l’année 2009, date de création du bitcoin, initié par un informaticien ou groupe anonyme d’informaticiens connu sous le pseudonyme Satoshi Nakamaoto, les cryptomonnaies ont pris une place de plus en plus importante dans les transactions financières mondiales. Une cryptomonnaie peut être définie comme une monnaie numérique dont le support repose sur un réseau décentralisé d’utilisateurs faisant usage des techniques cryptographiques pour régler les transactions entre pairs sans recourir à une institution financière.
Actuellement, les deux cryptomonnaies largement dominantes sur le marché sont le bitcoin et l’ethereum. Aujourd’hui, plus de 9.600 différentes cryptomonnaies ont été recensées sur le site spécialisé CoinMarketCap. Les transactions sont décentralisées et fonctionnent par le biais des chaînes de blocs (blockchains), une technologie de registres partagés. Les cryptomonnaies offrent des opportunités à travers la technologie sous-jacente à leur utilisation.
En effet, la technologie des registres partagés, support des cryptomonnaies, permet la réalisation des transactions entre opérateurs très distants, sans l’intervention d’une institution financière et l’unité de transaction est potentiellement. En outre, contrairement aux transferts bancaires, la compensation et le règlement des transactions sont rapides et sans intermédiaires, ce qui est particulièrement intéressant pour les paiements internationaux, qui sont relativement coûteux et compliqués.
En contournant les réseaux de correspondants bancaires, les nouveaux services utilisant la technologie des registres distribués ont fortement raccourci les délais : les paiements transfrontaliers arrivent à destination en quelques secondes au lieu de quelques jours. Malgré ces éléments trompe –l’œil, nous pensons et cela est notre conviction profonde que l’avènement de cryptos actifs émis par des acteurs privés en Afrique ne doit pas être encouragé, comme c’est le cas dans plusieurs pays africains ou cela a été interdit comme au Nigeria malgré l’engouement suscité au niveau des populations.
Plus de 10 000 cryptomonnaies sont présentes sur le marché actuellement et chacune possède ses caractéristiques bien particulières. Toutefois, elles ont toutes un point commun : leur tendance à subir des hausses (et des baisses) soudaines de leur valeur. Les prix sont déterminés principalement par l’approvisionnement en actifs des « mineurs de Bitcoin », et la demande de ces actifs par les acheteurs. Cette dynamique de l’offre et de la demande peut générer des gains élevés. Le prix de l’Ethereum, par exemple, a quasiment doublé entre juillet 2021 et décembre 2021.
La cryptomonnaie, dans l’espace Uemoa n’a, toutefois pas, d’avenir. En 2021, Tiemoko Meyliet, alors Gouverneur de la Bceao, a clairement récusé la cryptomonnaie. « Pour nous, une monnaie a obligatoirement, à un moment, une contrepartie et, cette contrepartie, il y a quelqu’un qui la garantit. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas quelque chose de contrôlable et nous ne pouvons donc pas la conseiller à nos populations », a-t-il indiqué. Autrement dit, les cryptomonnaies présentent la faille congénitale de n’être adossées à aucune institution de type banque centrale qui puisse en garantir la valeur et la convertibilité. Et la forte volatilité de leurs cours à l’image du bitcoin, constitue un risque majeur pour les économies, avait-il encore laissé entendre.
Nous soutenons cette position, car il nous apparait clairement, que le domaine de la monnaie doit rester entre les mains de l’autorité centrale pour se prémunir contre les risques liés à l’utilisation des cryptomonnaie (volatilité des prix, blanchiment des capitaux, évasion fiscale etc.). La BCEAO concède n’avoir pas particulièrement communiqué sur la question en raison du fait que ces monnaies virtuelles ne sont pas admises dans la zone contrairement à certains pays. « Il n’y a aucun responsable de ces monnaies et nous estimons que nous ne pouvons pas assumer la responsabilité de les laisser circuler dans notre zone », souligne l’institution monétaire. Qui enfonce le clou en annonçant, récemment, qu’ « il n’y a rien de nouveau qui permette de bouger par rapport à cette position ».
A propos de Serge KOUAMELAN
Serge KOUAMELAN a rejoint l’Association Professionnelle des Banques et Établissements Financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI) en Août 2003, en qualité d’Assistant du Secrétaire Administratif de l’APBEF-CI, après une riche carrière tant en cabinet, en enseignement, qu’en entreprise. Depuis 2010, il est le Directeur Exécutif et assure la coordination de l’activité de la direction exécutive de cette organisation. Il totalise à ce jour, vingt années d’expérience dans le secteur bancaire.
Serge KOUAMELAN, diplômé en Droit, en Économie, en sociologie. Il est en outre diplômé de l’ESG Paris : option administrateur certifié Indépendant en Conseil d’Administration, diplômé en bourse et titulaire d’un master en Diplomatie, relations Internationales. Il est également Conseiller Consulaire à la Cour d’appel de Commerce d’Abidjan. Serge KOUAMELAN est officier de l’ordre national Ivoirien.