Par Hélène PATY KOUNAKE, Avocate au Barreau du Bénin
L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) vise l’intégration des marchés – financiers, en réduisant les obstacles à la libre circulation des individus, des biens et des capitaux entre les Etats pays qui la composent. A cet effet, ces pays entretiennent une relation étroite au niveau des Entreprises et Institutions qui négocient leurs actifs financiers.
Des explications sur l’utilité du marché de capitaux dans la croissance économique des pays les moins avancés abondent de plus en plus la littérature. Le marché de capitaux doit fournir les instruments financiers permettant aux Entreprises, quels que soient leur taille, leur niveau de développement ou leur secteur, d’obtenir des financements à des conditions compétitives pour se développer. De même, un marché de capitaux doit canaliser l’épargne à long terme des particuliers et des Entreprises avec un rendement qui compense le temps et le risque de l’investissement. L’un des grands avantages des pays développés par rapport aux pays en développement est que les premiers disposent des marchés de capitaux profonds et liquides, qui attirent à la fois les investisseurs et les entreprises, non seulement de leur propre pays, mais également d’autres pays qui, à l’ère de la mondialisation, peuvent se permettre les coûts d’exploitation sur les marchés développés. Les pays en développement, quant à eux, sont confrontés au défi de s’assurer que leurs marchés de capitaux locaux ont la profondeur et la liquidité. La plupart des Entreprises de ces pays sont de petite et moyenne taille, leur financement est assuré presque entièrement par le système financier et elles ne peuvent pas accéder aux marchés internationaux en raison des coûts et de la taille du financement.
En 2022, 3 072 milliards FCFA ont été levés par les Etats par syndication. Ces chiffres confirment les bonnes conditions de liquidité du marché.
Au niveau de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), les indicateurs d’activité du marché affichent une tendance à la hausse. L’indice global BRVM composite est passé de 145,37 points en 2020 à 203,22 points en 2022, soit une progression de 40 %. De même, la capitalisation boursière des actions est passée de FCFA 4 367 676 058 891 en fin 2020 pour s’établir à 7 560 177 047 753 au 30 décembre 2022, soit une progression de 73 %. Par ailleurs, la capitalisation boursière des obligations cotées à la BRVM s’est accrue de 48 % sur les trois dernières années en passant à 8 926 897 662 945 en fin 2022. Au 30 décembre 2022, 46 actions et 110 obligations sont cotées à la BRVM.
Cependant, cette évolution satisfaisante ne se traduit pas par une évolution conséquente de la formation brute de capital fixe dans les Etats membres de l’Union. Cette situation à rebours des anticipations de la théorie économique amène à s’interroger sur l’incidence du cadre institutionnel, légal et réglementaire du marché de capitaux sur le financement de l’économie dans l’espace UEMOA. En effet, l’une des principales composantes du système financier est le marché des capitaux, où, par l’achat et la vente de titres à long terme tels que les actions et les obligations (Gitman et Joehnk, 2009, p. 33), l’on parvient à promouvoir l’investissement et l’épargne dans une zone économique (Oprea et Stoica, 2018, p. 24). En outre, il favorise la croissance économique en attirant des fonds du secteur privé, car il s’agit d’un marché régi par des règles définies, à leur tour, par des autorités. De la même manière, le marché de capitaux facilite la circulation des fonds à long terme en servant de mécanisme plus efficace pour l’investissement et le financement des agents économiques. En favorisant ce marché, les contraintes d’acquisition de crédits pour les petites et moyennes entreprises seront réduites, ce qui contribuera à créer de nouveaux emplois et une plus grande consommation des Ménages. De même, il inspire une plus grande confiance aux investisseurs, favorisant ainsi la prise de décisions d’investissement et générant in fine la croissance économique (Rodríguez, 2007, pp. 105-107).
D’un autre côté, l’absence d’un marché de capitaux solide et stable peut entraîner des conséquences dévastatrices. Comme cela a déjà été démontré lors de la crise de Wall Street, il y a 90 ans lors de la Grande Dépression, où des événements se sont produits tels qu’une chute substantielle des prix à un tel niveau qu’en 1933, le PIB réel était jusqu’à 30 % inférieur à celui de 1929 (Mankiw, 2014, pp. 168, 434). A l’évidence, toutes les leçons de la crise induite par le « jeudi noir » n’ont pas été tirées. En effet, près de 75 ans plus tard, la crise financière de 2008, a eu un effet tout aussi dévastateur sur l’économie mondiale avec une augmentation considérable du taux de chômage aux États-Unis (Mankiw, 2014, p. 50).
Ces événements démontrent le caractère indispensable du marché de capitaux pour le développement durable puisqu’il s’agit de ressources à long terme qui favorisent, entre autres, l’investissement, les travaux d’infrastructure, etc.
Rojas-Suarez (2015) reconnait que l’existence de marchés de capitaux solides et stables, en particulier dans les économies en développement, nécessite la sécurité macroéconomique, un système bancaire stable, le prestige institutionnel et des cadres réglementaires avec une supervision adéquate. Appuyant ce point de vue, Mishra et al. (2010) ajoutent qu’un marché de capitaux émergent avec des déficiences de fonctionnement n’est pas loin d’une insuffisance de liquidités, ce qui le rendrait moins attractif pour les investisseurs étrangers en raison du coût élevé de leurs transactions, limitant simultanément la possibilité pour les étrangers de capter les capitaux des entreprises locales et de les emmener vers d’autres marchés extérieurs. Au regard de l’importance du marché de capitaux bien documentée par la littérature, cet article s’attache à savoir si : les cadres institutionnel, légal et règlementaire du marché de capitaux dans l’espace UEMOA ont une incidence sur le financement de l’économie ? En d’autres termes : Quelle analyse peut-on faire des cadres institutionnel, légal et règlementaire des pays membres de l’UEMOA en la matière ?
Cette recherche vise donc à déterminer l’incidence des cadres institutionnel, légal et règlementaire du marché de capitaux sur le financement de l’économie dans l’espace UEMOA.
Dans le prolongement de cette réflexion, cet article vise spécifiquement à analyser la croissance économique dans la zone UEMOA, présenter les cadres institutionnel, légal et règlementaire de ses pays membres et en déduire les déterminants de la croissance économique dans l’espace.
Cet article vise spécifiquement :
2. Objectif de recherche
Objectif 1. Analyser la croissance économique dans l’espace UEMOA.
Objectif 2. Présenter les cadres institutionnel, légal et règlementaire du marché de capitaux dans l’UEMOA.
Objectif 3. Analyser les relations entre croissance économique et développement du marché de capitaux dans l’UEMOA.
3. Revue de littérature
Il existe une longue tradition d’étude de la relation entre le développement du système financier et la croissance économique des pays. Les origines de la relation entre le marché des capitaux et le développement économique se trouvent dans les travaux de Schumpeter (1934) dans lesquels l’économiste autrichien postule que les services financiers sont essentiels pour encourager le développement de la croissance économique (p.30). Plus tard, il a fait valoir que tous les nouveaux entrepreneurs ont besoin d’un capital initial important pour démarrer leur production. Par conséquent, ils doivent d’abord emprunter au système bancaire afin d’augmenter leur pouvoir d’achat (p. 267).
Algaeed (2021) s’est concentré sur l’analyse et le test des effets du développement du marché de capitaux sur la croissance du PIB par habitant dans l’économie saoudienne en utilisant des données de séries chronologiques sur une base de douze mois de 1985 à 2018. Le développement économique était représenté par le PIB par habitant. Le marché de capitaux a été mesuré avec l’indice boursier, la capitalisation, la liquidité, le nombre de transactions sur les actions et le nombre d’actions ; les variables ont été analysées à l’aide des tests « Autorégressive Distributed Lag (ARDL) », FMOLS et Johansen. Les résultats ont montré que la capitalisation boursière et la liquidité étaient négatives ; cependant, l’indice des prix des actions, le nombre total d’actions échangées et le volume des transactions ont eu des signes positifs comme prévu à priori. L’étude a utilisé des séries chronologiques annuelles pour l’analyse quantitative et le PIB réel n’a pas été utilisé pour mesurer la croissance économique.
De même, Imade (2021) dans son étude intitulée « Performance du marché des capitaux et croissance économique au Nigeria et aux États-Unis d’Amérique » de 1990 à 2017 ; a étudié le lien entre les deux (02) variables+- en utilisant la méthode économétrique de cointégration et le modèle de correction d’erreurs pour l’analyse des données. Les résultats ont révélé que seule la formation brute de capital fixe avait un impact considérable sur le progrès économique au Nigeria à la fois à court et long termes. Il a été recommandé que le gouvernement réglemente les activités du marché de capitaux et de ses opérateurs. Cette étude a utilisé des données de séries chronologiques recueillies annuellement pour l’analyse quantitative et n’avait pas le minimum de 30 observations requises pour l’analyse de séries chronologiques.
Dans la même année, Tan et Shafi (2021) dans une autre étude ont exploré les effets du marché de capitaux sur la croissance économique en Malaisie en utilisant des données trimestrielles du premier trimestre de 1998 au quatrième trimestre de 2018. La croissance économique a été mesurée avec le PIB réel par habitant tandis que la variable indépendante a été mesurée avec les approximations suivantes des obligations conventionnelles, de la capitalisation boursière, du chiffre d’affaires total du marché boursier, de l’épargne réelle et du taux de croissance de l’emploi. Le test des limites de cointégration du retard distribué régressif a été utilisé pour l’analyse et les résultats ont révélé la prévalence d’une relation d’équilibre à long terme entre les variables du marché de capitaux et la croissance économique. L’approche de l’étude était quantitative en utilisant des données de séries chronologiques trimestrielles.
Toujours, allant dans le sens, Caporale et al. (2014) ont étudié, par le passé, la relation entre l’efficacité des marchés financiers et la croissance économique dans dix pays en transition de l’Union Européenne (UE) (pp. 48-49). Ils ont fait une estimation avec le modèle de régression de panel dynamique avec des données annuelles des dix pays européens sur la période 1994-2007 (pp. 52-54). Ces chercheurs ont constaté que le marché du crédit et le marché boursier partiellement développés apportent une contribution limitée à la croissance économique en raison d’un manque de liquidité. Cependant, ils affirment que les secteurs bancaires qui ont des politiques adéquates et qui sont composés de banques publiques privatisées et de banques étrangères, sont ceux qui génèrent un plus grand impact positif sur la croissance économique (p. 58).
De même, Oprea et Stoica (2018) ont analysé l’effet du marché de capitaux sur la croissance économique des pays de l’Union Européenne et identifié les principaux facteurs qui influencent cette relation (p. 24). Pour ce faire, ils ont utilisé l’analyse de causalité de Granger et le modèle autorégressif des retards distribués avec des données de 28 nations au cours de la période 2004-2016 (p. 26). Ils ont conclu que l’intégration du marché de capitaux à un impact positif sur la croissance économique et que les principaux facteurs affectés par cette intégration sont la capitalisation boursière, la mobilité des capitaux, la valeur échangée, les indices boursiers, les immigrants et, dans une plus large mesure, le petit portefeuille étranger d’investissement (pp. 32-33).
De même, Orlowski (2020) s’est concentré aussi sur l’Union Européenne pour ses recherches sur la relation entre les marchés de capitaux et la croissance économique. L’auteur a procédé par des tests de corrélation d’erreurs vectorielles, à partir de données annuelles de 2000 à 2017 (p. 898). Ainsi, il conclut que l’intégration profonde des marchés de capitaux pourrait produire un environnement favorable pour le niveau du PIB et de la consommation des pays de l’UE (p. 895). En outre, la complémentarité et la synchronisation des marchés d’actions et de dettes sont essentielles pour la croissance et la solidité économiques. Enfin, l’intégration des marchés de capitaux conduit à une répartition efficace des risques qui protège l’investissement et la consommation des perturbations du système de chaque nation (p. 900).
D’autre part, Nuhiu et Hoti (2011) ont décidé de se concentrer sur les pays des Balkans occidentaux pour déterminer l’impact que la bonne gestion du marché de capitaux peut avoir sur l’augmentation de l’épargne et des investissements, et, par conséquent, sur le développement économique. Dans leurs conclusions, ils soulignent cela parce que les marchés de capitaux des pays étudiés se caractérisent par leur petite taille, fragmentés, aux premiers stades de leur développement, moins réglementés et mal organisés par rapport aux marchés de capitaux des pays développés. Ces caractéristiques font que les marchés de capitaux de ces pays n’ont pas le même impact que les troisièmes enquêtes ont conclu qu’ils ont dans les pays développés (pp. 14-16).
De même, Khetsi et Mongale (2015) sont arrivés à une conclusion similaire à travers leurs recherches sur l’impact du marché de capitaux sur la croissance économique en Afrique du Sud, en étudiant la période de 1971 à 2013 (p.157). Le test de Co intégration de Johansen, le test VECN et enfin le test de causalité de Granger ont été adoptés (p. 158). Ils ont conclu que le marché de capitaux a un impact positif à long terme dans les pays développés. Cependant, la croissance économique devient difficile sans stabilité politique et macroéconomique (p. 161).
Par ailleurs, Prasad (2017) a mené une étude prenant la période de 1993 à 2014 pour analyser la relation entre le marché boursier et la croissance économique au Népal. Sa méthodologie consiste à utiliser l’approche de test autorégressif des limites de décalage distribuées (ARDL) pour l’analyse de Co intégration et à utiliser le PIB par habitant et la capitalisation boursière comme variables (p. 164). Ses résultats ont montré qu’il existe une relation à long terme entre la croissance économique et le développement du marché boursier (p. 170).
Tout aussi important, Levine et Zervos (1996) ont pris la période de 1976 à 1993 pour analyser 24 pays en prenant comme variables la taille du marché, la liquidité et l’intégration aux marchés de capitaux internationaux afin de les relier à la croissance économique. Ils utilisent un indice cluster Demirguc-Kunt et Levine de l’évolution du marché boursier (p. 324). Avec une méthode de régression de la croissance internationale qui indique qu’il existe un lien étroit entre l’évolution du marché boursier et la croissance économique à long terme (p. 336).
En revanche, McMillan (2019) a concentré son analyse sur le court terme, en prenant 12 pays comme échantillon. Ainsi, avec des régressions linéaires, des variations de probabilité, de temps et de régime, ainsi que des prévisions hors échantillon pour mesurer la capacité du marché boursier et obligataire à prédire la croissance du PIB (p. 3651). Les résultats révèlent qu’en effet, il est possible d’ajouter aux deux (02) marchés financiers la capacité de prédire la croissance du PIB. De même, il note que le marché boursier a une plus grande capacité de prévisibilité dans des périodes rapprochées et lorsque les marchés sont en hausse (p. 3674).
Enfin, Arestis et Demetriadis (1997) ont analysé la causalité entre le marché financier et le développement économique à l’aide de tests de cointégration et de causalité. Dans leur recherche, ils ont utilisé des données de séries chronologiques pour douze pays représentatifs présentant différentes caractéristiques institutionnelles et politiques du secteur financier (p. 784). Ensuite, ils ont séparé en groupes les pays qui, à cette date, étaient divisés en systèmes basés sur les marchés de capitaux, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, et ceux qui sont basés sur les banques, comme le Japon et l’Allemagne (p. 793). Leurs résultats ont démontré que différentes politiques et considérations institutionnelles ont une influence importante sur la causalité entre le marché financier et le développement économique (p. 796).
En résumé, dans la plupart des preuves empiriques examinées, les auteurs s’accordent à dire que le développement du marché de capitaux a un effet sur la croissance économique et par ricochet sur le développement économique.
Cependant, l’impact qu’il maintient dépend du fait qu’il s’agit d’un pays développé ou en développement.
4. Méthodologie
Compte tenu de la nature des données, nous n’avons pas fait de régression dans cette recherche.
La méthodologie utilisée est essentiellement basée sur la recherche documentaire et l’analyse de contenu des documents. Cette recherche documentaire a reposé sur la collecte d’articles en lien avec l’objet de la recherche. Les moteurs de recherche Google et Google Scholar ont été mis à contribution. Ce portail de recherche a permis d’avoir accès à des articles scientifiques abordant les concepts clés de la recherche. Un tri a été fait sur les différents articles sur la base de leur pertinence et de leur date de parution. Les articles exploités ont servi à peaufiner la problématique de recherche, à rédiger l’introduction essentiellement.
La présentation du cadre institutionnelle, légale et réglementaire a été effectuée sur la base des données collectées sur le site de l’AMF-UMOA et d’UMOA-Titres. Le Marché Financier Régional, à travers l’AMF-UMOA, gère les émissions de titres publics par syndication.
L’UMOA-Titres gère les titres émis par adjudication.
Les Instructions et Circulaires de l’AMF-UMOA relatives aux opérations financières par syndication sont exploitées.
Pour analyser le développement économique de la zone en 2022, des informations sur les agrégats de l’UEMOA ont été utilisées.
5. Principaux résultats
Mesurer la croissance économique nécessite la prise en compte de plusieurs indicateurs ; il n’existe pas en effet, d’indicateurs universellement acceptés. De plus en plus d’indicateurs qualitatifs sont pris en compte. Aux fins de cette recherche, seul le PIB est considéré.
5.1 Evolution du taux de croissance économique dans l’UEMOA entre 2018 et 2022
Graphique : évolution du taux de croissance économique dans l’UEMOA entre 2018 et 2022
Source : Construit à partir des données de la Commission de l’UEMOA (2022)
En 2020 la crise sanitaire a eu un effet négatif sur les économies des États membres de l’Union.
En 2022, les économies de l’Union ont été marquées par les effets de la crise russo-ukrainienne.
Selon les estimations de la Commission de l’UEMOA, le taux de croissance par État-membre se présenterait, en 2022, comme suit : Bénin (+5,1%), Burkina Faso (+4,5%), Côte d’Ivoire (+6,4%), Guinée-Bissau (+4,5%), Mali (+3,8%), Niger (+6,5%), Sénégal (+4,8%) et Togo (+4,5%).
5.2 Volume annuel des émissions de titres publics émis par les États de l’Union
Tableau 1. Volume annuel des émissions de titres publics émis par les États de l’Union
Année 2018 2019 2020 2021 2022
Emissions par adjudication et par syndication (millions de FCFA) 2 433 000 3 420 000 8 742 000 5 552 000 5 210 650
Source : Le magazine d’informations de UMOA-Titres
Le tableau ci-dessus présente le volume des émissions de titres publics émis par les États membres de l’UEMOA sur la période 2018-2022 ; il ressort une augmentation des interventions des Etats de l’Union sur le marché domestique. Cette augmentation est en partie attribuée aux conséquences de la pandémie du COVID-19 et aux affres de la crise russo-ukrainienne.
5.3 Sollicitation du marché financier régional par les États membres pour financer les projets de développement
Les interventions des Etats sur le marché régional sont plus régulières ces dernières années. La Côte d’Ivoire reste l’émetteur de référence du marché, avec plus d’interventions. Les conditions de plus en plus difficiles d’intervention sur le marché international de la dette expliquent ce recours plus accru des Etats sur le marché domestique.
Les Etats devront travailler à assainir l’environnement économique et promouvoir davantage le marché régional afin de capter plus l’épargne domestique.
5.4 Analyse du cadre institutionnel, légal et réglementaire de financement du marché de capitaux dans l’espace UEMOA
Le cadre institutionnel reste un aspect fondamental pour un fonctionnement harmonieux du système financier en ce sens que l’existence de droits de propriété bien protégés et d’un système judiciaire efficient donne confiance aux investisseurs. Les marchés de capitaux en Afrique ont la caractéristique d’être étroits et illiquides. Cette situation s’explique par différents facteurs notamment le bas niveau des revenus, l’absence d’un système efficace d’enregistrement des garanties, la faiblesse des institutions judiciaires.
5.4.1 Cadre institutionnel du marché de capitaux
Le marché de capitaux dans la zone a deux (02) composantes : le marché monétaire et le marché financier. Lorsqu’on considère le marché financier, il a aussi deux (02) composantes, à savoir le marché primaire et le marché secondaire. Le marché primaire repose sur l’émission de nouvelles actions et obligations, alors que le marché secondaire est celui où s’échangent les titres déjà émis. Le marché secondaire des titres émis par syndication est organisé par la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM). Le marché primaire des titres émis par syndication est géré par l’AMF-UMOA, tandis que celui des titres émis par adjudication est organisé par UMOA Titres.
L’Autorité des Marchés Financiers de l’UMOA (AMF-UMOA) qui est l’autorité supérieure, habilitée pour effectuer le contrôle et prendre des sanctions sur le marché financier régional. L’AMF-UMOA représente ainsi l’intérêt général et garantit la sécurité et l’intégrité du marché. Sa mission principale est la protection de l’épargne investie en valeurs mobilières et en tout autre placement donnant lieu à une procédure d’appel public à l’épargne. L’AMF est ainsi à la fois l’organe de réglementation, de régulation, de contrôle, de juridiction, d’arbitrage du marché et d’interprétation de son règlement intérieur.
La BRVM est commune à l’ensemble des huit (08) pays de l’UEMOA ; il est de ce fait un succès à la fois économique, politique, institutionnel et technique. Dans la zone UEMOA, le marché des titres publics représente le seul marché régional qui a pour mission la mobilisation des financements des États membres. Divers acteurs interviennent pour assurer le fonctionnement optimal du marché des titres. Ces acteurs sont (i) les émetteurs, (ii) les investisseurs, (iii) les intermédiaires de marché et (iv) les partenaires. Les émetteurs sont les huit (08) pays membres, les Entreprises et les Collectivités locales ; quant aux investisseurs, il s’agit, entre autres, de personnes physiques ou morales, de compagnies d’assurance, d’Entreprises, de clubs d’investissement, de particuliers. Les intermédiaires de marché comprennent l’ensemble des banques et sociétés de gestion et d’intermédiation agréées au sein de la zone. Au rang des partenaires, on note aux côtés de UMOA-Titres des institutions comme la BCEAO, l’AMF-UMOA, la BRVM, la BAD, la BOAD.
5.4.2 Cadre règlementaire et légal du marché de capitaux
Il est admis que le fonctionnement efficace d’un système financier repose, non seulement sur de solides institutions mais aussi sur un cadre juridique bien conçu. Ce cadre est constitué du règlement général du Marché Financier Régional, des Décisions du Conseil des Ministres, des Instructions, Circulaires et avis de l’AMF-UMOA. Il s’agit essentiellement de :
– Règlement général relatif à l’organisation, au fonctionnement et au contrôle du marché financier régional de l’UMOA ;
– L’Instruction N° 36/2009 portant modification et annulation de l’Instruction N° 33/2006 relative à l’appel public à l’épargne … ;
– L’Instruction N° 63/2020 relative aux émissions de titres publics sur le marché financier régional de l’UMOA ;
– L’Instruction N° 47/2011 révisée relative aux conditions d’enregistrement des emprunts obligataires par placement privé sur le marché financier régional de l’UMOA ;
– La circulaire N° 005/2010 relative à la procédure de délivrance de visa aux opérations financières par appel public à l’épargne et à l’enregistrement des emprunts obligataires par placement privé ;
– La circulaire N° 002/2010 relative au contenu de la note d’information des opérations financières sur le marché financier régional de l’UMOA ;
– La circulaire N° 001/2010 relative au contenu du compte rendu d’émission de titres sur le marché financier régional ;
– La directive N° 02/2010/CM/UEMOA portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières dans les Etats membres de l’UEMOA.
En plus de ces textes, il est fait référence aux textes de base de l’UMOA Titres à savoir :
– Recueil des textes légaux et réglementaires régissant l’activité bancaire et financière dans l’UMOA- dispositions relatives au Marché des Titres Publics ;
– Charte régissant les relations entre les Emetteurs et les Spécialistes en Valeurs du Trésor (SVT) sur les marches des titres de la dette publique des Etats membres de l’UEMOA ;
– Instruction N° 012-09-2015 aux intermédiaires teneurs de comptes relatives à l’enregistrement et à la circulation des bons et obligations du Trésor émis par voie d’adjudication avec le concours de l’Agence UMOA-Titres ;
– Instruction N° 011–09-2015 relative aux procédures de vente aux enchères des bons et obligations du trésor avec le concours de l’Agence UMOA-Titres dans les Etats membres de l’UEMOA ;
– Acte additionnel N° 001/2015/CCEG/UMOA instituant un pacte de convergence, de stabilité et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA ;
– Instruction N° 02-09-2013 relative aux règles générales applicables aux spécialistes de valeurs de trésor dans les Etats membres de l’UEMOA ;
– Règlement N° 07/2013/CM/UEMOA relatif aux opérations de pension livrée dans l’UEMOA ;
– Règlement N° 06/2013/CM/UEMOA sur les Bons et Obligations du Trésor émis par voie d’Adjudication et de Syndication avec le concours de l’Agence UMOA-Titres ;
– Règlement relatif aux relations financières extérieures des Etats membres de l’UEMOA et textes d’application ;
– Règlement N° 09/2010/CM/UEMOA relatif aux relations financières extérieures des Etats membres de l’UEMOA ;
– Manuel de procédures relatif aux modalités pratiques d’organisation des avantages concédés aux Spécialistes en Valeur du Trésor dans l’UMOA.
Par ailleurs, dans le cadre de la protection des épargnants, il existe des textes portant sur le fonds de protection des épargnants et la loi uniforme portant sanction des infractions boursières.
6. Les résultats de l’étude
Par rapport aux objectifs définis au départ de cet article, l’analyse documentaire permet de déduire que :
– L’amélioration du cadre institutionnel, légal et règlementaire continue du Marché Financier Régional a exercé une influence positive sur son image auprès des investisseurs et déterminent, par conséquent, la croissance économique de l’espace UEMOA. Cependant, l’harmonisation de la fiscalité sur les titres publics dans l’Union devrait faciliter une mobilisation plus accrue de l’épargne interne ;
– La mise en pratique du règlement général du Marché Financier Régional, des Décisions du Conseil des Ministres, des Instructions, Circulaires et Avis de l’AMF-UMOA favorise le bon fonctionnement du marché de capitaux. Cependant certains textes méritent d’être actualisés pour un marché financier plus dynamique ;
– L’appréciation positive, par les investisseurs, des réformes financières prises par les pays membres augmente leur crédibilité auprès de ces derniers et explique leur participation au financement des économies.
Par ailleurs, il faut souligner que l’existence de deux (02) marchés parallèles (adjudication et syndication) pour l’émission des titres publics ne favorise pas forcément une mobilisation plus efficiente des ressources financières par les Etats. Les Etats gagneraient à mieux organiser les deux (02) marchés.
7. Implication de politique
Ce travail recommande que pour assurer le dynamisme et le plein potentiel du marché de capitaux dans la zone UEMOA, il urge que les États membres mettent en place des cadres institutionnels novateurs. Aussi leur revient-il d’intensifier les efforts pour que les conditions économiques demeurent stables pour gagner la confiance des investisseurs afin que ces derniers puissent s’engager sur des actifs de long terme. Cela nécessite donc que les États prennent davantage des mesures visant à assainir l’environnement des affaires. Les mesures doivent aussi permettre de renforcer les institutions. En effet, les Etats doivent se pencher sur la question du taux de refinancement de la BCEAO qui dirige le taux des emprunts et penser également à la question de l’assouplissement de la politique monétaire et des relations financières extérieures dans le sens de faciliter l’entrée des capitaux extérieurs ainsi qu’à l’harmonisation de la fiscalité dans les pays de la sous-région.
Par ailleurs, il est important de noter que les États doivent stimuler la fourniture et l’utilisation de notations de crédit sur le marché de capitaux, toutes choses qui améliorent la transparence du marché et fournissent une référence pour les investisseurs. Les États doivent définir des cadres règlementaires afin d’ouvrir leurs marchés aux banques d’investissement utiles pour le fonctionnement du marché de capitaux.
Conclusion
Les pays africains ont depuis quelques années recours à une politique de financement du développement basée sur la sollicitation du marché financier. Dans l’espace UEMOA, le marché de capitaux fait coexister deux (02) marchés parallèles (adjudication et syndication) permettant aux pays membres de pouvoir lever des fonds pour financer leur développement. Eu égard des nombreux déterminants d’attraction des flux financiers évoqués dans la littérature, cet article avait pour ambition de déterminer l’influence des cadres institutionnel, réglementaire et légal des marchés de capitaux sur le financement de l’économie. Pour atteindre cet objectif, la recherche a adopté comme méthodologie la revue documentaire. Au terme des analyses effectuées, il ressort essentiellement que les émissions d’obligations sont un moyen alternatif pour financer le développement économique des pays membres. Il convient de noter aussi que l’émission de ces obligations devrait s’inscrire dans un cadre macroéconomique stable. Les Etats gagneraient à réorganiser les deux (02) marchés parallèles de financement.
Aussi, les États membres doivent-ils continuer à intensifier les efforts d’assainissement des finances publiques. L’évolution du cadre règlementaire devrait favoriser l’introduction de nouveaux produits financiers pour faciliter le financement des économies.
Hélène PATY KOUNAKE
Avocate au Barreau du Bénin
Certified Compliance Officer
helene@paty.legal
Références bibliographiques
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