Par DIARRASSOUBA LOSSENI TOGOSSY
Alors que l’Afrique s’efforce de plus en plus à présider son propre destin dans le combat du siècle contre le climat, une question insidieuse s’invite régulièrement : L’Afrique doit-il renoncer aux énergies polluantes pour sauver le climat ?
Autrement, l’Afrique doit-il renoncer au développement ?
La transition énergétique en Afrique tend le plus vers la réalisation d’un mix énergétique et non nécessairement à la l’élimination des combustibles fossiles auxquels on reproche une contribution importante à la pollution. Renoncer aux énergies fossiles, c’est renoncer aux développement en Afrique. Un choix et un sacrifice bien trop injustes.
Définition de la transition énergétique
A bien des égards, l’accès à l’énergie est un défi planétaire important du XXIe siècle. Il l’est certainement encore plus pour le continent Africain. C’est pourquoi, la transition énergétique s’invite dans de nombreux débats de nos jours. Mais que devrait recouvrir la notion de transition énergétique pour l’Afrique ?
La transition énergétique est un terme de plus en plus fréquent. On l’emploi pour désigner l’ensemble des changements entrepris pour réduire l’impact environnemental de la production, de la distribution et de la consommation d’énergie (électricité, pétrole, gaz…). Ces changements répondent en majorité aux engagements mondiaux pris dans le cadre des agendas 2030 ou 2063 en vue de répondre aux problèmes d’ordres écologiques, climatiques, de santé publique, du coût de l’énergie et de la croissance économique.
De plus en plus, cet engagement est retranscrit par les Etats dans leurs législations internes à travers l’adoption de loi sur la transition énergétique ou l’adoption de code d’électricité avec le plus de vigilance pour les états avangardistes. Quoi qu’on dise, jusqu’à preuve du contraire, l’Afrique est responsable de la pollution à moins de 5 % à l’échelle mondiale.
La genèse de la transition énergétique
Si le réchauffement climatique mondial a été accéléré ce dernier siècle, c‘est bien en partie grâce à l’impact de l’activité humaine. Depuis la révolution industrielle, les hommes n’ont cessé d’émettre dans l’atmosphère, une grande quantité de gaz à effet de serre (GES). La prise de conscience tardive des conséquences à moyen et long terme de ces agissements sur la planète va faire émerger en 1970 la notion de transition énergétique comme l’un des principaux leviers de lutte contre le réchauffement climatique. Faut-il rappeler, le premier combustible du moteur diesel créé en 1896 par l’ingénieur allemand, Rudolph Diesel était l’huile végétale. Mais, celle-ci fut vite remplacée par le pétrole.
En effet, dès l’aube de l’industrialisation, les sociétés occidentales avaient construit leur mode de vie essentiellement autour de l’énergie qui était abordable et facile d’accès. Cette civilisation énergivore s’est très rapidement répandue dans le monde et continue d’ailleurs de gagner du terrain dans les pays en développement. Cette expansion énergétique n’aurait pas pu gagner autant de terrain sans la découverte des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon). Dans son rapport de 2013, Key World Energy Statistics, IEA estimait que les énergies fossiles représentaient plus de 80 % de la production mondiale d’énergie primaire. Mais, c’est aux crises énergétiques et au réchauffement climatique que nous devons la prise de conscience mondiale de la nécessité d’une transition énergétique.
La première crise énergétique de l’histoire fut celle de la fin des réserves de charbons en Europe pressenti à la fin du XIXe siècle par Stanley Jevons. S’ensuivra l’atteinte du pic de production de pétrole conventionnel aux États-Unis vers la fin des années 1970 et les crises du pétrole de 1973 et 1979.
Ces différentes crises ont permis de mettre en évidence la vulnérabilité des sociétés industrielles à des impasses énergétiques. Les pays industrialisés réalisent alors que la sécurité énergétique conditionne la possibilité de la croissance indispensable à l’économie de leur marché capitaliste et à son modèle de développement. En cas de rupture de la chaine d’approvisionnement en énergie, leur existence prendra un coup. Il faut dès lors trouver des substituts aux énergies fossiles d’autant plus que la consommation générale du monde n’est pas baissière ; bien au contraire, elle connaît une tendance haussière[1] . Pour réaliser au mieux la transition énergétique, trois principaux leviers peuvent être utilisés :
- Promouvoir l’efficacité énergétique (comprenant la rénovation des bâtiments) ;
- Décarbonater les moyens de production et de consommation d’énergie (en remplaçant des énergies fossiles par des EnR ;
- Réduire les émissions par l’utilisation de technologies moins émissives (en remplaçant les centrales à charbon par des centrales à gaz, en assurant la stabilité du réseau tout en réduisant la pollution atmosphérique et les émissions de GES).
Etat des lieux de la transition énergétique en Afrique
Les changements climatiques et les évènements climatiques extrêmes sont à l’origine des dommages sans précédent dans les pays africains depuis ces dix dernières années. On assiste chaque année à la destruction massive des infrastructures, la rupture voire le ralentissement de l’activité économique avec pour conséquences l’augmentation du taux de chômage. Les changements climatiques sur le continent sont perceptibles par les sécheresses en Afrique australe, les inondations en Afrique de l’Ouest et la désertification de régions entières du Maghreb. Pour la plupart des pays, le renforcement de leur résilience climatique passe nécessairement par la réussite de la transition énergétique. D’où l’intérêt de s’interroger sur les défis et opportunités de la transition énergétique en Afrique.
Les défis et opportunités de la transition énergétique en Afrique
Faut-il le rappeler pour commencer, l’Afrique contrairement à la plupart des pays développés à l’exception près de l’Afrique du Sud est moins tributaires des combustibles fossiles. Ce qui donne une connotation particulière à la transition énergétique en Afrique.
On pourrait sans limitation aucune, résumer en deux aspects essentiels, la transition énergétique en Afrique. Il s’agit d’une part du développement de l’énergie et d’autre part de son expansion. En effet, la notion de développement énergétique prend en compte l’opportunité voire, la nécessité de l’exploitation du potentiel du continent en matière d’énergies renouvelables qu’il s’agisse du : biomasse, énergie éolienne, solaire et hydroélectrique. Ce sont là, des opportunités que le continent peut et doit saisir pour offrir des sources d’énergie modernes, efficaces et moins dangereuses pour la cuisson, le chauffage et l’éclairage de plus de 700 millions de personnes. Vu sous l’angle des combustibles fossiles (notamment le gaz et le pétrole), le développement énergétique en Afrique va consister à une amélioration de la productivité et la création des emplois dans le secteur. (Voir tableau 3) Il faudra par ailleurs promouvoir le développement technologique et l’expansion voire le partage de technologies nécessaires pour absorber les besoins en énergie d’une population en pleine croissance.
Renoncer aux énergies fossiles, c’est renoncer aux développement en Afrique. Un choix et un sacrifice bien trop injustes
Tableau 3 Réserves prouvées de pétrole en Afrique selon des données du 1er janvier 2013, CIA Worldfactbook.
La transition énergétique en Afrique tend le plus vers la réalisation d’un mix énergétique et non nécessairement à la l’élimination des combustibles fossiles auxquels on reproche une contribution importante à la pollution. Renoncer aux énergies fossiles, c’est renoncer aux développement en Afrique. Un choix et un sacrifice bien trop injustes.
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Auteur : DIARRASSOUBA LOSSENI TOGOSSY
-Consultant en énergie et développement durable en Afrique
-Chercheur Associé à l’IQAI,
-Il a publié aux éditions universitaires européennes : les aspects juridiques de la transition énergétique en Afrique.
[1] 13 La consommation générale du monde est censée augmenter de 60 % entre 2002 et 2030 (Michel Bezat, 2006), il faut à tout prix chercher des substituts aux énergies fossiles. La demande d’électricité en particulier, qui était de 14.767,75 kW en 2000 passerait à 26.018.000 kW en 2025 (J.M. Bezat, ibidem), ce qui exigera un effort considérable de production. Selon l’Agence internationale de l’Energie (AIE) des Nations Unies, il faudra prévoir 22 trillions de dollars d’investissement d’ici 2030 dans les infrastructures énergétiques pour satisfaire à l’accroissement de la demande. En 2006, le pétrole fournissait 35 % de l’énergie mondiale, le charbon 23 % et le gaz 21 %. Or à la même époque, leur longévité était respectivement estimée à 40 ans pour le pétrole, 60 ans pour le gaz et 200 ans pour le charbon.