Par Amadou Sako, Conseiller Afrique de l’Organisation Internationale des Employeurs (IOE)
La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) représente bien plus qu’un simple accord commercial ; elle est en réalité un défi monumental en matière de compétitivité, de développement des compétences et de création d’emplois durables. En ce qui concerne le renforcement des compétences techniques, managériales et entrepreneuriales, l’impératif est clair : sans une main-d’œuvre qualifiée, les entreprises africaines ne pourront pas profiter pleinement des opportunités offertes par cet accord. D’autant plus que le marché de l’emploi en Afrique est déjà confronté à des défis considérables, allant de la précarité à l’inégalité d’accès aux opportunités.
Les infrastructures, cette pointe de l’iceberg des défis à surmonter, nécessitent également des investissements massifs. Qu’il s’agisse du secteur des transports, de l’énergie ou des technologies de l’information, une attention et des investissements soutenus sont indispensables pour la viabilité de la ZLECAf. À cela s’ajoutent des problèmes structurels majeurs, tels que la gouvernance défaillante, l’économie informelle et le manque de compétitivité sur les marchés internationaux. L’inefficacité administrative, la corruption et des cadres réglementaires flous nuisent non seulement à la compétitivité, mais contribuent aussi à un environnement des affaires incertain. L’économie informelle, qui opère en marge du système réglementé, non seulement diminue les recettes fiscales, mais génère également des risques et des incertitudes pour les entreprises. Ce secteur non réglementé entrave en outre les investissements dans des domaines essentiels pour la croissance économique et l’intégration régionale.
Dans ce contexte multidimensionnel, le secteur privé émerge comme un moteur essentiel pour l’avenir de la ZLECAf. Par exemple, au Kenya, des initiatives privées ont catalysé une croissance impressionnante de 20 % dans le domaine du transport de marchandises en 2021. De même, au Nigeria, les entreprises technologiques en pleine expansion se préparent à exploiter les opportunités offertes par un marché africain de plus en plus intégré. Il est important de noter que ces entreprises ne progressent pas en isolement ; elles sont souvent accompagnées et conseillées par des organisations patronales qui servent de ponts entre le secteur privé dynamique et les décideurs politiques. Ces organismes jouent un rôle vital non seulement dans l’influence des politiques, mais également dans la résolution des défis structurels. C’est précisément la raison pour laquelle l’Organisation Internationale des Employeurs (OIE), en tant que chef de file d’un réseau mondial, soutient les efforts des organisations patronales en vue de l’établissement d’une zone de libre-échange africaine solide.
En termes de financement de la ZLECAf, Afreximbank a franchi une étape importante en 2022 en établissant un Fonds d’ajustement de 10 milliards de dollars en partenariat avec le Secrétariat de la ZLECAf et l’Union africaine. Ce fonds, doté d’une première contribution d’un milliard de dollars, a pour but de faciliter l’adaptation des pays africains et du secteur privé au nouvel écosystème commercial. Par ailleurs, le Fonds africain de développement a alloué 11,02 millions de dollars supplémentaires au Secrétariat de la ZLECAf, en plus d’une aide initiale de 5 millions de dollars, pour soutenir divers objectifs, dont l’alignement des politiques commerciales et le renforcement institutionnel. Ce financement est articulé autour de trois piliers : institutionnel, secteur privé et chaînes de valeur durables. Des mesures spéciales ont également été mises en place pour favoriser le commerce pour les femmes et les jeunes.
Le Conseil consultatif sur le développement commercial et industriel de la ZLECAf, créé également en 2022, sert à aligner les politiques nationales avec les objectifs continentaux. En complément, plusieurs mécanismes et initiatives ont été déployés ou sont en cours de développement, tels que le système panafricain de paiement et de règlement, et divers cadres de gouvernance et outils pour identifier et traiter les obstacles commerciaux non tarifaires. Après la 9e réunion du Conseil des ministres en juillet 2022, des documents tels que le manuel des règles d’origine et le manuel tarifaire de la ZLECAf ont été publiés, signe d’avancée concrète.
Alors, que nous enseigne la sagesse africaine dans le défi complexe posé par la ZLECAf ? Le proverbe « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » évoque une vision d’unité. Pour que cette vision résonne dans les vies des habitants du continent, relever pragmatiquement divers défis majeurs sera indispensable. Ceux-ci vont de la compétitivité à la formation professionnelle, de la création d’emplois à l’infrastructure. L’objectif n’est pas seulement commercial ; il s’agit aussi d’améliorer concrètement les conditions de vie. En confrontant ces enjeux de front, les peuples d’Afrique peuvent non seulement générer de la richesse, mais également jeter les bases d’un avenir plus équitable et durable.