Par Jean-Max BALABO*
Parmi les actions prioritaires formulées à la RDC dans le rapport d’évaluation mutuelle (REM) réalisée par le GABAC, rendu public en avril 2021 dans le but de renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, nous épinglons ceci : « Réviser la loi n°04/016 et les autres textes organiques pour les rendre conformes aux normes et standards internationaux en matière de LBC/FT, en particulier concernant les mesures préventives reliées à l’identification de la clientèle, la transmission des DOS et les PPE et étendre le champ d’application des obligations à toutes les entités concernées par les standards du GAFI. »
En effet, la RDC qui a été admise comme membre associé du GABAC (Groupe d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique Centrale) à travers la signature d’un accord le 05 février 2017 à Brazzaville entre Pierre MOUSSA (Président de la CEMAC) et Henri YAV MULANG (Ministre des Finances de la RDC) et le 9 septembre 2017 comme membre observateur de GABAOA (Groupe Anti-Blanchiment de l’Afrique Orientale et Australe) était devenue de ce fait, d’office membre du GAFI. Cependant, la RDC entretenait encore des insuffisances majeures dans sa législation relative à la politique nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Certaines exigences des 40 recommandations du GAFI n’étaient pas prises en charge par différents textes légaux et règlementaires en place.
La loi n°04/016 du 19 juillet 2004 constitue un bon départ pour le pays dans son engagement de lutter contre la criminalité financière, mais accusait de plus en plus de limite, notamment suite à l’évolution dans le temps des 40 recommandations du GAFI qui sont considérées comme références sur le plan internationale. A titre illustratif, en 2008 le GAFI a élargi son champ d’intervention à la lutte contre la proliferation des armes de destruction massive, qui constitue aussi une préoccupation importante en matière de sécurité, alors que la loi du 19 juillet 2004 de la RDC ne fais nullement allusion à cette notion et bien d’autres aspects.
Ainsi, le rapport d’évaluation mutuelle de la RDC par le GABAC publié en avril 2021 avait relevé que sur les 40 recommandations du GAFI, la RDC était notée largement conforme à seulement 4 recommandations, alors qu’elle était non conforme à 15 recommandations et partiellement conforme à 21 recommandations.
En ce moment où la RDC est mise sous haute surveillance par le GAFI (elle a intégré la liste grise) depuis le 21 Octobre 2022 en raison déficits des mesures adéquates de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, une nouvelle loi N°22/068 du 27 Décembre 2022 portant lutte contre le blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et prolifération des armes de destruction massive vient d’être promulguée dans le but de renforcer le dispositif de la politique nationale de lutte contre la criminalité financière.
Dans cet article, nous analysons l’évolution de la politique nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux financement du terrorisme et prolifération des armes de destruction massive que consacre cette nouvelle loi, en mettant en exergue les innovations par rapport à l’ancienne loi n°04/016 du 19 juillet 2004 qu’elle abroge. Cet article n’a pas la prétention de contenir toutes les innovations contenues dans la nouvelle loi mais revient sur une analyse comparative des innovations phares qu’elle apporte.
Point 1 : Architecture de la loi du 27 Décembre 2022
La loi n°22.068 du 27 décembre 2022 a l’avantage d’être beaucoup plus consistante par rapports l’ancienne loi. Elle comporte un total de dix (10) titres alors que la loi n°04/016 du 19 juillet 2004 disposait de 6 (six) titres seulement. Il découle de cette observation que la nouvelle loi a ajouté quatre titres qui portent respectivement sur des structures de lutte contre le blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération (Titre II) ; Des enquêtes et secret professionnel (Titre V) ; Des sanctions financières ciblées (Titre VI) et finalement des statistiques(Titre IX). Il convient également de préciser ici que la notion de prolifération des armes des destructions massive est présente dans cette nouvelle loi, et s’ajoute sur certains titres.
De façon globale, nous estimons que cette nouvelle loi répond à la critique selon laquelle l’ancienne loi était trop superficielle, en ce sens qu’elle n’explicitait pas les définitions de certaines notions et termes de façon large et substantielle.
Cette loi ne se limite pas simplement à énoncer les principes, mais développe en profondeur chaque notion relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et prolifération des armes de destruction massive. Ceci est d’autant plus remarquable sur le plan quantitatif, car l’ancienne loi n°04/016 de 2004 comportait seulement 74 articles et 28 pages, alors que la nouvelle loi de 2022 comprend un total de 211 articles et 123 pages.
Point 2 : Dispositions générales de la loi n°22/068 du 27 décembre 2022
Partant de son champ d’application, bien que la liste des assujettis demeure non limitative, le législateur de la loi n°22/068 du 27 décembre 2022 a élargi la liste des assujettis cités expressément. Ce constat est bien remarquable dans la mesure où, le législateur de la loi n°04/016 du 19 juillet 2004 avait énuméré expressément 13 assujettis alors que la nouvelle loi énumère de façon expresse 16 assujettis. Il y a visiblement un grand effort dans le but de lever tout équivoque ou absurdité, relative au respect des obligations dans la lutte contre la criminalité financière par les personnes physiques et morales.
Comparativement à l’ancienne loi, la loi n°22/068 étend expressément son champ d’application notamment : Aux négociants en pierres et métaux précieux; À la Direction du Trésor et de l’Ordonnancement; Aux administrations des régies financières et des autres services mobilisateurs des recettes pour le compte de l’Etat; au Cadastre minier; Au Centre d’Expertise, d’Evaluation et de Certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses ; À l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature; Aux administrations des services financiers de la poste.
La lecture de l’extension du champ d’application à certains services de l’Etat qui relèvent de la gestions des fonds publics, mines, la faune et flore ainsi que la poste (…), démontre la volonté du législateur à impliquer toutes les personnes susceptibles d’être impliquées aux infractions sous-jacentes au blanchiment de capitaux particulièrement. Cela se justifie du fait que la RDC est un pays où le taux de corruption et de détournement des deniers publics est élevé, un scandale géologique qui regorge plusieurs minerais qui sont parfois illicitement exploités, et plusieurs espèces d’animaux dont le trafic est défendu.
De même pour la définition des termes, le législateur de 2022 s’est donné à fond dans cet exercice en définissant dans les moindres détails l’entendement des « vocables, termes ou expressions » se rapportant à la lutte contre le blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et prolifération des armes de destruction massive, contenus loi n°22/068 du 27 Décembre 2022. Alors que l’ancienne loi de 2004 s’était contentée à définir uniquement dix (10) termes, celle de 2022 revient de façon détaillée sur les définitions de 52 termes au total.
De tous les termes explicités dans le contexte de la nouvelle loi LCB/FTP, c’est la définition d’une Personne Politiquement Exposée qui a particulièrement retenu notre attention (PPE). Nous apprécions tout d’abord l’approche du législateur qui désigne les fonctions des personnes qui doivent être considérées comme PPE, au niveau national, international, au sein des organisations internationales ainsi que les assimilés aux PPE (membres de famille et autres associés).
Ce qui nous semble moins prudent est le fait de soustraire la qualité de PPE à une personne ayant exercée l’une des fonctions énumérées au point 40 de l’article 3 de la n°22/068 du 27 décembre 2022, à seulement 36 mois de sa décharge de la fonction. Dans la pratique, nous remarquons que les personnes qui ont occupé des fonctions importantes au sein de notre pays, maintiennent souvent une influence sur la gestion de l’Etat, même plusieurs années après. Il serait trop risqué de traiter cette catégorie de personnes, seulement 3 ans après avoir quitté la fonction, comme des clients ordinaires, sans un monitoring spécial de leurs activités au sein de l’Etablissement de crédit. En outre, le travail de l’actualisation de la liste des PPE deviendra inévitablement fastidieux, dans la mesure où il faudra sortir certaines personnes de cette catégorie à tout moment, surtout que le mandat électif dans notre pays est de 5 ans et que le changement de gouvernements intervient à une fréquence réduite.
Point 3 : L’infraction du financement de la prolifération
En dehors des infractions de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme déjà consacrées dans la loi N°04/016 portant LCB/FT du 19 juillet 2004 et dans d’autres textes règlementaires, la nouvelle loi n°22/068 portant LCB/FTP du 27 décembre 2022 ajoute une nouvelle infraction qui est le financement de la prolifération des armes de destruction massive.
En effet, c’est depuis 2008 que le mandat du GAFI avait été étendu à la lutte contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive. C’est la recommandation 7 du GAFI qui exige des sanctions ciblées liées à la prolifération en ces termes : « Les pays devraient mettre en œuvre des sanctions financières ciblées conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives à la prévention, la répression et l’interruption de la prolifération des armes de destruction massive et de son financement. Ces résolutions obligent les pays à geler sans délai les fonds et autres biens de, et à s’assurer qu’aucun fonds ou autre bien ne soit mis, directement ou indirectement, à la disposition ou au profit de toute personne ou entité désignée par le ou sous l’autorité du Conseil de sécurité des Nations Unies au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. »
Le rapport d’évaluation mutuelle (REM) de la RDC avait accordé la notation non-conforme du pays, à la recommandation 7 du GAFI, d’autant plus que l’infraction de financement de la prolifération des armes de destruction massive n’était pas prévue dans les différents textes légaux et règlementaires du pays.
Ainsi, la nouvelle loi n°22/068 portant LCB/FTP vient combler cette carence législative en vue de conformer la RDC aux exigences de la recommandation 7 du GAFI.
Point 4 : Les structures de lutte contre le blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et prolifération en RDC
Le législateur de 2022 a consacré tout un titre aux différentes structures techniques et politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux, financement de terrorisme et prolifération des armes de destruction massive.
En effet dans la loi N°04/016 du 19 juillet 2004, le législateur avait déjà prévu la création d’une cellule des renseignements financiers (CRF), le décret n°08/20 du 24 septembre 2008 portant organisation et fonctionnement de la CENAREF était venu mettre œuvre cette prévision législative.
Le REM de la RDC est longuement revenu sur les déficits constatés dans le fonctionnement de la CENAREF et plusieurs recommandations avaient été formulées à cet effet. Cependant, il y a eu une évolution concernant l’observation relative à la confidentialité du fait que les bureaux de la CENAREF soient dans le bâtiment de la BCC, dans la mesure où la CENAREF dispose actuellement d’un bâtiment propre à elle.
En dehors de la CENAREF qui est la structure par excellence de lutte contre le blanchiment de capitaux et la prolifération, le législateur de la loi n°22/068 du 27 décembre 2022 a légalisé la création d’autres structures politique et technique de financement de la coordination. Précisons ici qu’il s’agit d’une innovation comparativement à la loi du 19 juillet 2004 portant LCB/FT qui n’avait pas clairement instituée la création de ces structures malgré leurs création par décrets.
La première structure, c’est le Comité interministériel de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, CILB en sigle. Ce comité interministériel est principalement chargé de définir, d’animer et de coordonner la politique du Gouvernement en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération.
La deuxième structure, c’est le comité consultatif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le Financement du terrorisme et de la prolifération, COLUB en sigle. Le COLUB placé sous l’autorité du ministre ayant dans ses attributions les finances, présidé par le ministre ayant la justice dans ses attributions et secondé par la Banque Centrale du Congo a pour mission d’assister le Gouvernement dans la définition et la mise en œuvre de la politique nationale de lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération.
Il convient de préciser ici que le COLUB qui intègre cette loi était créé en RDC suivant le décret n°08/21 du 24 septembre 2008, lequel qui reste en application, mais le plus grand problème demeure celui d’affirmation de son opérationnalité et le fait qu’il ne prenait en charge le financement de la prolifération des armes de destruction massive.
La troisième structure c’est le fonds de lutte contre le crime organisé, en sigle FOLLUCO. Ce fonds placé sous la tutelle du ministre ayant les finances dans ses attributions est doté d’une autonomie administrative et financière et est chargé de financer notamment : Le fonctionnement et l’organisation des structures en charge de la LCB/FTP ; La formation des agents des services publics impliqués dans la lutte contre ce type de criminalité ; ainsi que les études sur l’évolution des techniques utilisées dans le but de blanchir le capitaux, financer le terrorisme et la prolifération. Le FOLLUCO est alimenté principalement par les ressources et biens confisqués dans le cadre d’une procédure visant ce type de crime dévolus à l’Etat.
De même que le COLUB, bien que non institué dans l’ancienne loi LCB/FT du 19 juillet 2004, le FOLUCCO avait déjà été créé par le décret n°008/22 du 24 septembre 2008 portant création du fonds de lutte contre le crime organisé. Cependant, le FOLUCCO bien que créé depuis plus de 14 ans, demeure encore non opérationnel à ce jour.
Nous relevons ici une incohérence dans la nouvelle loi LCB/FTP du 27 décembre 2022 en ce qui concerne le sigle du fonds de lutte contre le crime organisé qui est écrit « FOLLUCO », alors que le décret n°008/22 du 24 septembre 2008 avait repris comme sigle « FOLUCCO » pour désigner ce fonds. Le fait d’écrire ce sigle avec deux « L » au lieu de deux « C » dans la nouvelle loi nous semble non approprié et injustifié puisqu’il s’agit d’une seule lutte.
C’est un décret du premier ministre qui doit fixer les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de ces trois structures énumérées ci-dessus. Cependant, le décret du COLUB doit préalablement être délibéré en conseil des ministres.
Point 4 : La prévention du blanchiment de capitaux, financement de terrorisme et de la prolifération
Dans ce point, ce qui nous intéresse premièrement c’est le renforcement des mesures de préventions dans cette loi. A ce titre, cette loi dispose que « quel qu’en soit le montant, doivent être effectués par un virement, par voie bancaire ou postale ou par chèque :
1) Les rémunérations, indemnités et autres prestations en argent dues par tout employeur à son personnel ainsi qu’aux prestataires ;
2) Les impôts, taxes et autres prestations en argent dus à l’Etat ou à ses démembrements. »
Nous pouvons déduire de cette disposition que tout employeur est obligé, contraint de payer son personnel exclusivement par voie bancaire ou postale. Il s’agit d’une innovation de cette loi, sur la liste des multiples mesures préventives qu’elle regorge.
De même, la nouvelle loi institue désormais une obligation pour tout voyageur de remplir de bonne foi, au moment d’entrée ou de sortie, une déclaration d’argent en espèce et d’instruments négociables au porteur d’une somme en Francs congolais ou autre devise, globalement égale ou supérieure à 10.000 dollars américains, qu’elle remettra aux autorités compétentes au point d’entrée ou de sortie du territoire national.
Pour ce qui est de l’identification de la clientèle, les documents que les clients seront obligés de présentés seront déterminés par un arrêté interministériel des Ministres ayant respectivement l’Intérieur et la Justice dans leurs attributions. Avant la loi LCB/FTP du 27 décembre 2022, c’est chaque établissement de crédit qui déterminait selon le profil de client quels documents exigés avant d’ouvrir un compte par exemple, ce qui créait dans la pratique une disharmonie, en ce sens que les documents qui pouvaient être valables au près d’un établissement de crédit, pouvaient être non valables au près d’un autre établissement de crédit.
La vérification de l’authenticité des documents au niveau du Guichet Unique ou d’autres sources d’informations fiables et indépendantes et l’identification des bénéficiaires effectifs de chaque opération sont également une obligation légale dorénavant, surtout que la loi LCB/FTP du 27 décembre 2022 instaure l’établissement d’un registre des bénéficiaires effectifs, tenu par le Guichet Unique de création d’entreprise.
Elle reprend également de manière explicite les diligences que le entreprises et professions non financières désignées (EPNFD) sont appelées à accomplir dans le cadre de leur fonctionnement, ainsi que pour les mesures de surveillance et de contrôle des associations sans but lucratif, qui sont considérées comme entités à risque élevé. Cette loi LCB/FTP du 27 décembre 2022, oblige également les ASBL de se doter notamment d’un mécanisme de lutte contre le blanchiment de capitaux, financement de terrorisme et prolifération.
Point 5 : Autorité de régulation des EPNFD
De façon générale, l’implication des entreprises et professions non financières désignées (EPNFD) dans la lutte contre la criminalité financière en RDC ne pas très remarquable. Nous estimons que cette situation fait suite à une faible sensibilisation et l’absence d’une régulation redoutable et contraignante de cette catégorie d’assujettis. Le REM de la RDC a relevé plusieurs insuffisances dans le dispositif national en ce qui concerne les EPNFD. Concernant le devoir de vigilance relatif à la clientèle par exemple, la RDC avait obtenu la notation non conforme à la recommandation 22 du GAFI, parce que les évaluateurs du GABAC avaient estimés qu’en dehors des casinos pour lesquels les diligences règlementaires sont contenues à l’article 16 de la loi n°04/016, il n’y a aucune disposition relative à l’obligation de vigilance à la clientèle à l’égard des autres catégories des EPNFD. Aucune obligation relative à la conservation de documents n’est imposée aux agents immobiliers, aux négociants en métaux et pierres précieuses, aux avocats, notaires et autres professions juridiques ou aux comptables. Aucune obligation n’est imposée aux EPNFD en ce qui concerne les PPE, les nouvelles technologies, ou encore le recours à des tiers. Il n’existe pas d’obligations spécifiques sur l’examen attentif de certaines opérations atypiques, la mise en œuvre des mesures de vigilance renforcées si les risques de BC/FT sont élevés, ou encore le devoir de se rassurer que les informations obtenues peuvent être mises sans délai à la disposition des autorités.
La loi n°22/068 du 27 décembre 2022 vient corriger ce déficit de la régulation en obligeant les EPNFD au même titre que les institutions financières de disposer des mécanismes de LCB/FTP. Elle instaure la désignation des autorités de régulation et de contrôle pour les EPNFD, dont l’organisation et le fonctionnement sera fixé par un décret du premier ministre.
Point 6 : Retour d’informations
Dans la pratique, le partage d’informations est presque toujours à sens unique, c’est-à-dire des assujettis vers les autorités de régulations. L’ancienne loi ne faisait pas du retour d’informations une obligation, en ce sens que les assujettis qui faisaient les déclarations de soupçon ne recevaient presque jamais le retour d’informations par voie officielle sur l’évolution des enquêtes ainsi que leurs conclusions. Dans la majorité des cas, la CENAREF procède à la saisie des comptes du client après chaque déclaration et libère par la suite le compte sans communiquer à l’assujetti le bien fondé de ses décisions. Cette attitude peut se justifier du fait que ce n’était pas une obligation légale pour la CENAREF de procéder au retour d’informations.
En conséquence, le législateur de la loi LCB/FTP du 27 décembre 2022 règle cette question en disposant que l’assujetti et les autorités de contrôle et de régulation reçoivent de la Cellule nationale des renseignements financiers, les informations dont elle dispose sur les mécanismes de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération, les suites réservées à leurs déclarations de soupçon ainsi que toutes informations utiles relatives aux mesures de gel. Cette disposition de la loi LCB/FTP du 27 décembre 2022 oblige de façon claire et sans équivoque la CENAREF, de donner aux assujettis la suite réservée aux investigations relatives aux déclarations de soupçon qu’ils lui transmettent. Une autre disposition vient renforcer cette obligation de retour d’information en ce terme : La Cellule nationale des renseignements financiers avise, en temps opportun, l’assujetti déclarant des conclusions de ses investigations.
Point 7 : Saisie des fonds et des comptes d’un client de suite d’une déclaration de soupçon
La déclaration des opérations suspectes est une obligation légale des assujettis, qui doit être faite en toute confidentialité, sans délai et par tout moyen à la Cellule Nationale de Renseignements Financiers. Dans la pratique, à la suite d’une déclaration d’opération suspecte, la CENAREF sollicite souvent des informations supplémentaires pouvant faciliter ses investigations. Ce qui nous semble incommode et illégal, c’est le fait que dans la pratique la CENAREF procède directement à la saisie des comptes et des fonds de clients qui ont fait objet de DOS par les assujettis institutions financières, par une simple correspondance.
Nous estimons que cette pratique constitue une usurpation de compétence, d’autant plus qu’aucune disposition légale ou règlementaire autorise la CENAREF de procéder directement aux saisies des fonds ou des comptes. En principe, les institutions financières qui reçoivent ces ordres de bloquer les fonds ou les comptes de clients de la CENAREF ne devraient pas les exécuter parce que c’est contre la loi.
En effet, déjà la loi du 19 juillet 2004 portant lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme disposait ceci « à la requête de la Cellule des Renseignements Financiers, le ministère public peut, sur ordonnance motivée et susceptible de recours endéans quarante-huit heures, saisir les fonds, comptes ou titres pour une durée supplémentaire qui ne peut excéder huit jours. » L’intelligence de cette disposition démontre clairement que la CENAREF n’a aucune compétence de saisir directement les fonds ou les comptes d’un client suite à une DOS faite par une institution financière. Cette compétence étant réservée à l’OMP, la CENAREF doit saisir celui-ci afin qu’il prenne une ordonnance motivée pour saisir les fonds ou les comptes au sein d’une institution financière. Toutefois, cette ordonnance reste susceptible de recours.
Le législateur de 2022, vient clarifier cette limitation de compétence de la CENAREF en disposant que « le Ministère public peut, à la requête de la Cellule nationale des renseignements financiers, par Ordonnance rendue sur pied de ladite requête, proroger le délai prévu à l’alinéa précédent ou ordonner la saisie des fonds, comptes ou titres concernés par la déclaration de soupçon pour une durée supplémentaire qui ne peut excéder huit jours. »
Par ailleurs, il est reconnu à la CENAREF, dans certaines circonstances spécifiées par la loi, la compétence de s’opposer à l’exécution d’une opération ayant fait objet d’une déclaration par une institution financière. A cet effet, la loi N°022/068 du 27 Décembre 2022 dispose que « la Cellule nationale des renseignements financiers peut, lorsque les circonstances l’exigent et sur la base d’informations concordantes et fiables en sa possession, faire opposition à l’exécution d’une opération ayant donné lieu à une déclaration de soupçon avant l’expiration du délai d’exécution mentionné par l’assujetti. Cette opposition est notifiée à ce dernier, immédiatement, par tout moyen écrit et fait obstacle à l’exécution de l’opération pendant une durée qui ne peut excéder sept jours. »
Pour clore, le rapport d’évaluation mutuelle de la RDC par le GABAC précise clairement que la CENAREF dans ses attributions possède des pouvoirs de déclencher le gel ou la saisie des biens. Déclencher le processus de gel ou de saisie voudrait simplement insinuer que la CENAREF doit impérativement recourir aux autorités judiciaires compétentes pour obtenir une mesure de gel ou de saisie des fonds ou des biens appartenant à un individu sous enquête.
Point 8 : Renforcement de la confidentialité dans la transmission et le traitement des informations par la CENAREF
La question de la gestion de la confidentialité des informations dans le cadre des investigations financières est cruciale, et le législateur de 2022 a pris quelques mesures importantes tendant à favoriser la confidentialité. Le principe de confidentialité est établi dans la loi N°022/068 du 27 Décembre 2022 premièrement par l’obligation faite à tous les dirigeants et personnel de la CENAREF de s’engager par écrit à garder le secret de toute information dont ils auront connaissance à l’occasion de leurs fonctions et même après la cessation de celle-ci. A titre exceptionnel, la CENAREF peut transmettre les informations en sa possession dans les limites expressément prévues dans la nouvelle loi à certaines autorités compétentes dans le cadre des enquêtes (administration des douanes, des impôts, et aux services de police judicaire, aux services de renseignements, à l’administration fiscale, aux services de l’Etat chargés de mettre en œuvre une mesure de gel ou d’interdiction de mouvement ou transfert de fonds ainsi qu’aux cellules des renseignements financiers étrangères).
Ces mesures tendent à garantir les assujettis que les informations transmises par eux, ne peuvent fuitées et leur traitement se fait dans la discrétion la plus absolue lors des enquêtes. Ainsi, les assujettis peuvent se sentir davantage confortables à faire les déclarations des opérations suspectes d’autant plus que ces mesures leurs garantissent aussi toute forme de mauvaise campagne ainsi que la perte de la clientèle que peut susciter toute fuite d’informations confidentielles relatives à une DOS.
En outre, cette nouvelle loi renforce les mesures de protection des déclarants des opérations suspectes. L’exemption de la responsabilité civile et pénale ainsi que l’interdiction des poursuites légalement établie s’étend désormais à l’interdiction des sanctions professionnelles (disciplinaires) contre les personnes ou les dirigeants, préposés et employés des assujettis. Dans le cadre des enquêtes, l’anonymat de certaines informations identitaires des témoins est dorénavant possible. D’ailleurs, cette nouvelle loi interdit explicitement à ce que les dirigeants et les membres du personnel de la Cellule nationale des renseignements financiers soient appelés à témoigner lors d’une audience publique dans une procédure judiciaire, sur des faits de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou de la prolifération dont ils ont eu à connaitre dans l’exercice de leur fonction. Elle légifère finalement les enquêtes parallèles en son article 117 qui dispose que « L’officier du ministère public menant des investigations sur des infractions sous-jacentes poursuit, quel que soit le lieu où elles sont commises, l’enquête conduite sur toute infraction liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme et de la prolifération au cours d’une enquête financière parallèle ou saisit la Cellule nationale des renseignements financiers pour le suivi de l’enquête ». Précisons ici que la RDC avait obtenu la notation partiellement conforme à la recommandation 30 du GAFI, parce que son arsenal juridique ne disposait d’aucune disposition légale qui encadrait les enquêtes financières parallèles. En conséquence, cette disposition vient définitivement résoudre ce problème.
Point 9 : Du régime des sanctions en matière de LCB/FTP
De manière globale, comparativement à la loi LCB/FT du 19 juillet 2004, le législateur de 2022 n’a pas vraiment accentué la teneur de sanctions pénales ainsi que le taux de pénalités à l’encontre de toutes les personnes reconnues coupables de blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et de la prolifération. Il y a tout simplement une aggravation de la sanction concernant le financement du terrorisme et de la prolifération, puis le calcul des amendes pour les personnes physiques est passé d’un seuil précis, à un taux de dix fois la somme impliquée dans le financement du terrorisme et de la prolifération. Le législateur a certainement estimé les sanctions prévues par l’ancienne loi étaient globalement suffisantes malgré que la RDC se trouve en mauvais positionnement et est considérée comme une zone ou juridiction sous haute surveillance par le GAFI. Ci-dessous le tableau synthétique et comparatif des sanctions applicables prévues dans l’ancienne ainsi que la nouvelle loi portant lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération en RDC.
En ce qui concerne l’application de la sanction pénale, la loi sous examen a apporté une très grande évolution en son article 136 qui dispose que : Le sursis ou l’amnistie ne peut être accordé en cas de condamnation pour l’une des infractions prévues aux articles 4 à 9 de la présente Loi. Il s’agit là d’une des innovations majeures apportées par cette nouvelle loi, qui prive à toute personne condamnée pour les infractions de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération le bénéfice de l’amnistie et du sursis. En effet seules les peines encourues dans le cadre des infractions prévues aux articles 4 et 9, ne peuvent faire l’objet de sursis ou d’amnistie. A la différence de la loi n°04/016 de 2004 qui n’y fait aucune mention. Il faut noter que la RDC dispose d’une riche expérience en matière de pratique de sursis et d’amnistie comme instrument de recherche de la paix, de l’apaisement social et de compromission politique.
En outre, dans la loi n°04/016 du 19 juillet 2004 en son article 36 l’Etat n’était pas visé par les sanctions relatives au blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Cette exclusion de l’Etat ne figure pas dans la nouvelle loi LCB/FTP du 27 décembre 2022, ce qui insinue que les sanctions s’appliquent désormais à toutes les personnes morales de droit privé ou public, l’Etat y compris.
Avec cette nouvelle loi, nous espérons que les autorités de poursuites pénales sont dotées d’une gamme de sanctions susceptible de dissuader et punir les criminels financiers au niveau du pays, puisque c’est souvent la problématique de la supervision et de l’application effective des sanctions qui pose problème en RDC. Le rapport d’évaluation mutuelle de la RDC par le GABAC le relevait en ces termes : En dépit de disposer d’une gamme de sanction, il est à observer que la faiblesse de mise en œuvre effective de la supervision en matière de LBC/FT n’a pas permis de s’assurer du caractère dissuasif et proportionné des sanctions contenues dans les dispositions de la règlementation congolaise.
A. Circonstances aggravantes
Les circonstances aggravantes peuvent être comprises comme des faits limitativement énumérés par la loi qui permettent au juge d’augmenter la peine au-delà du maximum prévu pour l’infraction dans la loi. Le mécanisme des circonstances aggravantes permet d’adapter la peine, en l’élevant au-delà des maxima prévus par la loi. La loi sous examen prévoit quelques cas de figures où le juge peut appliquer une peine plus sévères que celle prévue.
En effet, les prescrits des articles 124 à 126 de la loi sous examen, prévoient que les personnes reconnues coupables de blanchiment de capitaux encourent des peines portées respectivement à un maximum de cinq à dix ans de servitude pénale principale et d’une amende dont le maximum est égal à six fois le montant de la somme blanchie. Cependant, lorsque l’infraction est commise notamment en utilisant les facilité que procure l’exercice de sa profession ou en cas de récidive ; les peines prévues aux articles 124 à 126 sont portées à un maximum de vingt ans de servitude pénale principal et à une amende dont le maximum est égal à douze fois le montant de la somme blanchie. Dans le cas des circonstances aggravantes, le maximum de la sanction pénale est multiplié par deux.
B. Causes d’atténuation des peines
Dans certaines circonstances, il est prévu l’atténuation des peines pour une personne reconnue coupable d’une des infractions prévues dans la loi sous examen.
Il s’agit d’une concession innovante que le législateur fait aux auteurs ou co-auteurs d’une des infractions prévues dans la présente loi, afin de faciliter la poursuite des autres coupables.
Ainsi, les peines encourues par toute personne, auteur ou complice de l’une des infractions prévues dans la présente loi qui, avant toute poursuite, permet ou facilite l’identification des autres coupables ou après l’engagement des poursuites, permet ou facilite l’arrestation de ces derniers, sont réduites de moitié. En outre, ladite personne est exemptée de l’amende et, le cas échéant, des mesures accessoires et peines complémentaires facultatives.
C. Régime d’exemption des peines
Le législateur de 2022 prévoit des circonstances d’exemption des peines en faveur d’une personne reconnue coupable d’une infraction prévue dans la loi sous examen. Il s’agit également d’une innovation de cette nouvelle loi portant LCB/FTP du 27 décembre 2022, comparativement à celle du 19 juillet 2004.
En effet, cette loi dispose que est exemptée des peines, toute personne qui participe à une association ou à une entente, en vue de commettre l’une des infractions prévues dans la présente loi, par aide, incitation ou conseil à une personne physique ou morale en vue de les exécuter ou d’en faciliter l’exécution, lorsque ayant révélé l’existence de cette entente, association, aide ou conseil à l’autorité judiciaire, elle permet d’identifier les autres personnes en cause et d’éviter la réalisation des infractions susmentionnées.
Point 10 : La réglementation des sanctions financières ciblées
La loi du 19 juillet 2004 ne faisait nullement allusion aux sanctions financières ciblées et l’application des mesures des sanctions ciblées et de gel des avoirs dans le pays n’était pas encadrée. C’est ainsi que le rapport d’évaluation mutuelle de la RDC par le GABAC avait considéré la RDC comme non conforme aux recommandations 6 et 7 du GAFI, arguant que le cadre normatif de LBC/FT de la RDC ne renferme pas de dispositions pertinentes permettant la mise en œuvre des sanctions financières ciblées liées au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme et de la prolifération en application des RCSNU y relatives.
C’est ainsi que le législateur de 2022 a pris le soin d’organiser le cadre normatif et le mécanisme de la mise en œuvre au niveau national des sanctions financières ciblées. Dans la mise en place du mécanisme de mise en œuvre des sanctions financières ciblées, l’alinéa 3 de l’article 152 prévoit l’institution par arrêté d’un comité national chargé de la mise en œuvre des sanctions financières ciblées, qui jouera un rôle de premier ordre. Le non-respect des mesures de gel expose désormais les contrevenants à une peine de servitude pénale allant d’une année (1) à 3 ans de servitude pénale et d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu ou de l’une de ces peines seulement. A cet effet, les interdits sont :
▪ Mettre directement ou indirectement les fonds objet de la procédure de gel, les fonds à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes désignés par les décisions visées aux points 3 et 4 de l’alinéa 1er du présent article ou de les utiliser à leur bénéfice ;
▪ Fournir ou continuer de fournir des services aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes désignés par les décisions visées à l’alinéa 1er ou de les utiliser à leur bénéfice ;
▪ Réaliser ou participer, sciemment et intentionnellement, à des opérations ayant pour but ou pour effet de contourner, directement ou indirectement, les dispositions du présent article.
Point 11 : La tenue des statistiques
Jusqu’en 2022, la tenue des statistiques relatives à la criminalité financière ne faisait pas l’objet d’un encadrement législatif. La loi du 19 juillet 2004 était muette quant à l’obligation pour les organes et assujettis à la lutte contre la criminalité financière à tenir des statistiques.
En conséquence, la RDC était noté non conforme à la recommandation 33 du GAFI par le rapport d’évaluation mutuelle du GABAC, du fait qu’elle ne disposait pas d’un système de production de l’efficacité de données statistiques consolidées, complètes et fiables sur les questions relatives à l’efficacité et l’effectivité de son dispositif de LBC/FT.
La loi n°22/068 du 27 décembre 2022 portant LCB/FTP vient résoudre cette carence législative en désignant les structures et tous les assujettis qui ont une obligation de tenir des statistiques complètes sur :
1) Les déclarations de soupçon transmises, reçues et diffusées ;
2) Les enquêtes, poursuites et condamnations pour blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération ;
3) Les biens gelés, saisis ou confisqués ;
4) L’entraide judiciaire ou autres demandes internationales de coopération faites et reçues.
L’ensemble de ces statistiques sont destinées aux ministères ayant respectivement dans leurs attributions la justice et les finances, ainsi qu’à la cellule nationale des renseignements financiers.
CONCLUSION
En somme, il est évident que la loi N°22/068 du 27 Décembre 2022 est une véritable mise à jour du cadre légal en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme et de la prolifération en RDC. Son adoption et sa promulgation surviennent au moment où le pays est placé sous haute surveillance par le GAFI, suite aux défaillances du dispositif national de la lutte contre la criminalité financière. Elle regorge plusieurs innovations comparativement à la loi n°04/016 du 19 juillet 2004, mais ne pourra efficacement contribuer au changement de la notation du pays par les organismes internationaux compétents, que lorsqu’elle sera appliquée sans réserve et lorsque toutes les mesures d’applications seront en place.
Il y a nécessité pour tous les acteurs (assujettis et autorités de régulations, politico-administratives et judiciaires) de s’impliquer davantage dans la lutte contre la criminalité financière afin de sauver notre pays, la République Démocratique du Congo, contre ses effets collatéraux notamment l’extrême pauvreté dans laquelle vit la majorité de la population.
ANNEXE 1 : Grille des autres infractions et peines contenues dans la loi N°22/068 du 27 Décembre 2022
INFRACTIONS (MANQUEMENTS) | PEINES |
La violation de la confiscation de la déclaration de soupçon et de l’obligation de conservation des pièces et des documents. | Art. 141« Est puni de servitude pénale de 2 mois à 5 ans et d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme concernée ou de l’une de ces peines seulement, toute personne, tout dirigeant ou préposé des organismes désignés à l’article 2 alinéa 2 de la présente loi qui aura sciemment fait au propriétaire des sommes ou à l’auteur des infractions visées audit article, des révélations sur la déclaration qu’il est tenu de faire ou sur la suite qui lui a été réservée . Art. 142: « Est puni de servitude pénale de 2 mois à 5 ans et d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu ou de l’une de ces peines seulement, celui qui aura sciemment détruit ou soustrait des pièces et documents dont la conservation est prévue par l’article 48 de la présente loi. » |
L’usage d’une fausse identité | Art. 143: « Est puni de servitude pénale de 2 mois à 5 ans et d’une amende dont le maximum est égal à trois-fois le montant de la somme en jeu ou de l’une de ces peines seulement, celui qui aura réalisé ou tenté de réaliser sous une fausse identité une opération avec une personne assujettie. » |
La violation du secret de l’enquête | Art. 144: « Et puni de servitude pénale de 2 mois à 5 ans et d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu ou d’une de ces peines seulement, celui qui, ayant eu connaissance en raison de sa profession, d’une enquête pour des faits de blanchiment, en aura sciemment informé par tous moyens, la ou les personnes visées par l’enquête. » |
De la transmission des informations fausses, inexactes et incomplètes. | Art 145 : « Est puni d’une servitude pénale de 2 mois à 5 ans et d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu ou de l’une de ces peines seulement celui qui aura communiqué, aux autorités judiciaires; à la Cellule nationale des renseignements financiers, aux autorités de Contrôle ou aux assujettis les informations spécifiées à l’article 31 de la présente Loi qu’il savait être tronquées ou erronées, inexactes ou incomplètes sans les en informer. » |
La violation de la confidentialité des éléments d’identification du client et de la relation d’affaires. | Art 146: « Est puni de servitude pénale de 2 mois à 5 ans et d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu ou de l’une de ces peines seulement, celui qui aura communiqué des renseignements ou documents à d’autres personnes que la Cellule nationale des renseignements financiers, les autorités de contrôle ou les assujettis » |
La violation de l’obligation de déclaration de soupçon. | Art 147: « Est puni de servitude pénale de 2 mois à 5 ans et d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu ou de l’une de ces peines seulement, l’assujetti qui n’aura pas procédé intentionnellement à la déclaration de soupçon alors que les circonstances de l’opération amenaient à déduire que les fonds pouvaient provenir du blanchiment de capitaux . » |
La violation de l’interdiction de règlement en espèces. | Art. 148: « Est puni d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu, celui qui aura effectué ou accepté des règlements en espèces pour des sommes supérieures au montant autorisé par la présente Loi ou les textes réglementaires pris pour son application. |
La violation des procédures de transfert de fonds. | Art. 149: « Est puni d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu, celui qui aura contrevenu aux dispositions de l’article 23 alinéa 4 de la présente Loi. » |
La violation de l’obligation de vigilance | Article 150: « Est puni d’une amende dont le maximum est égal à trois fois le montant de la somme en jeu, l’assujetti qui aura contrevenu aux dispositions des articles 26 à 29, 31, 36, 38, 39, 47 et 50 à 55 de la présente Loi. » |
Peines complémentaires applicables. | Art. 128: « Les personnes physiques encourent les peines complémentaire suivantes :- L’interdiction définitive ou pour une durée de 5 ans de séjour sur le territoire national après l’exécution de la peine, si le coupable de blanchiment est étranger ; – L’interdiction de quitter le territoire national et le retrait de passeport pour une durée de six mois à trois ans, si le coupable est de nationalité congolaise ; – L’interdiction de l’exercice des droits civils et politiques pour une durée de cinq ans ; – L’interdiction définitive ou pour une durée de trois à six ans d’exercice la profession ou l’activité à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise et l’interdiction d’exercer une fonction publique ; – L’interdiction d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait des fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et l’interdiction d’utiliser des cartes de paiement pendant trois à six ans ; – L’interdiction de conduire des engins à moteur terrestres, marins et aériens et leur retrait des permis ou licences pour une durée de cinq à dix ans. » Art. 131: « Et puni d’une servitude pénale de dix à vingt ans et d’une amende égale au moins au décuple de la valeur des fonds sur lesquels ont porté les opérations de financement du terrorisme, quiconque commet l’infraction de financement du terrorisme. » Article 132 « Est puni d’une amende d’un taux égal au quintuple des amendes spécifiées pour les personnes physiques, toute personne morale, pour le compte ou au bénéfice de laquelle une infraction de financement de terrorisme ou de financement de la prolifération a été commise, par l’un de ses organes ou représentants.» Art. 134 : « Les personnes physiques encourent les peines complémentaires suivantes : l’interdiction définitive de séjour sur le territoire national après l’exécution de la peine, si le coupable de financement du terrorisme ou de financement de la prolifération est un étranger… » Art. 151: « Toute personne qui se sera rendue coupable de l’une ou de plusieurs infractions spécifiées aux articles précédents peut être condamnées à l’interdiction définitive ou pour une durée maximale de cinq ans d’exercer la profession dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise. » |
ANNEXE 2 : Mesures d’application de la loi N°22/068 du 27 Décembre 2022 (Arrêtés à prendre par les autorités politico-administratives).
Arrêté du ministre ayant les Finances dans ses attributions | Champ d’application | Le ministre ayant les finances dans ses attributions peut prendre un arrêté sur proposition de la CENAREF pour désigner toute autre entité soumise aux obligations de la loi sous examen (Art.2). |
Arrêté du ministre ayant les Finances dans ses attributions | Evaluation nationale des risques | Le ministre ayant les finances dans ses attributions doit prendre un arrêté pour désigner l’autorité compétente chargée de coordonner la réponse nationale aux risques (Art.20). . |
Arrêté du ministre ayant les Finances dans ses attributions | Dispositif de prévention adéquat | Le ministre ayant les finances dans ses attributions doit prendre un arrêté pour définir les conditions d’élaboration d’une cartographie des risques de blanchiment de capitaux de capitaux et financement du terrorisme et de la prolifération (Art.45). |
Arrêté du ministre ayant les Finances dans ses attributions | Mesure de vigilance sur le contrat d’assurance vie | Le ministre ayant les finances dans ses attributions doit prendre un arrêté pour fixer un montant en franc congolais à partir duquel les companies d’assurance et les courtiers en assurance qui exercent l’assurance vie sont obligés d’identifier leurs clients et de vérifier leur identité quand le montant des primes payables annuellement dépasse ce montant fixé par l’arrêté (Art.63). |
Arrêté du ministre ayant les Finances dans ses attributions | Mesures de surveillance et de contrôle des associations sans but lucratif | Le ministre ayant les finances dans ses attributions doit prendre un arrêté pour fixer un montant en franc congolais à partir duquel les donations au profit des ASBL cumulées pour 12 mois doivent faire l’objet d’une information auprès de la CENAREF par le ministère ayant la justice dans ses attributions (Art. 79). |
Arrêté du ministre ayant les Finances dans ses attributions | Obligation de déclaration des opérations suspectes | Le ministre ayant les finances dans ses attributions doit prendre un arrêté pour fixer un montant en franc congolais à partir duquel les assujettis seront obligés de déclarer à la CENAREF les éléments d’informations relatifs aux opérations de transmission de fonds effectuées à partir du versement d’espèces ou au moyen de monnaie électronique (Art. 92). |
Arrêté du ministre ayant les Finances dans ses attributions | Le ministre ayant les finances dans ses attributions doit prendre un arrêté pour désigner le correspondant dans le cadre du mécanisme d’échange d’informations confidentielles avec la CENAREF et le secteur privé (Art. 102). | |
Arrêté du ministre ayant la justice dans ses attributions | Obligations relatives au bénéficiaire effectif | Le ministre ayant la justice dans ses attributions doit prendre un arrêté pour établir le registre des bénéficiaires effectifs et déterminer le mécanisme d’identification, l’accès à l’information par les autorités compétentes et le public, la protection des données individuelles et la conservation des données (Art. 43). |
Arrêté du ministre ayant la justice dans ses attributions | Dispositif de prévention adéquat | Le ministre ayant la justice dans ses attributions doit prendre un arrêté pour définir les modalités de tenue du registre des bénéficiaires effectifs par le Guichet unique de création d’entreprise (Art. 46). |
Arrêté du ministre ayant la justice dans ses attributions | Mesures de surveillance et de contrôle des associations sans but lucratif | Le ministre ayant la justice dans ses attributions doit prendre un arrêté pour fixer les règles destinées à garantir que les fonds des associations sans but lucratif ne sont pas utilisés à des fins de financement du terrorisme (Art.78) . |
Arrêté du ministre ayant la justice dans ses attributions | Communication de la demande au Ministère public | Le ministre ayant la justice dans ses attributions doit prendre un arrêté pour définir les procédures pour établir les priorités et l’exécution en temps opportun des demandes ainsi que pour la protection des informations reçues (Art. 198). |
Arrêté interministériel | Conditions préalables à l’entrée en relation d’affaire | Les ministres ayant dans leurs attributions respectivement l’Intérieur et la Justice doivent prendre un arrêté interministériel pour déterminer les documents pouvant servir à l’identification des clients avant l’entrée en relation (Art. 31). |
Arrêté interministériel | Fonds de lutte contre le crime organisé | Les ministres ayant dans leurs attributions respectivement la Justice et les Finances doivent prendre un arrêté interministériel en vue de fixer les modalités d’alimentation des ressources confisqués dévolus à l’Etat au FOLLUCO (Art. 19). |
Arrêté interministériel | Obligations spécifiques des casinos, des agents immobiliers, des négociants en pierres et métaux précieux, des experts comptables, des avocats, des notaires et des huissiers | Les ministres ayant dans leurs attributions respectivement les Finances et les Mines doivent prendre un arrêté interministériel pour fixer un montant en franc congolais à partir duquel, les négociants en pierres et/ou métaux précieux devront appliquer les obligations de vigilance relatives à la clientèle telles que définies aux articles 31 à 56 et les obligations de déclaration d’opérations suspectes prévues aux articles 92 à 94 de la loi sous examen (Art. 72). |
Arrêté interministériel | La collaboration des autorités chargées de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération | Les ministres ayant dans leurs attributions respectivement la Justice et les Finances doivent prendre un arrêté interministériel en vue de mettre en place les mécanismes d’échange d’informations de manière confidentielle entre la Cellule nationale des renseignements financiers et le secteur privé (Art. 101). |
Arrêté interministériel | Des statistiques | Les ministres ayant dans leurs attributions respectivement la Justice et les Finances doivent prendre un arrêté interministériel pour déterminer les modalités de la tenue des statistiques (Art. 208). |
Décret du premier ministre | Dispositions transitoires | La loi sous examen précise que Les Décrets n° 08/20 du 24 septembre 2008 portant organisation et fonctionnement d’une Cellule nationale des renseignements financiers, n° 08/21 du 24 septembre 2008 portant création du Comite consultatif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et n° 08/22 du 24 septembre 2008 portant création du Fonds de lutte contre les crimes organisés restent d’application jusqu’à leur abrogation (Art. 209). |
La nouvelle dynamique de lutte contre la criminalité financière en RDC sous la loi N°22/068 du 27 Décembre 2022, par Jean-Max BALABO MOTEMA
*A propos de l’auteur
Jean-Max BALABO MOTEMA est diplômé des humanités littéraires, licencié en Droit Pénal et Criminologie de l’Université de Kinshasa, où il est candidat assistant et admis en DES/DEA. Il est professionnel de banque, spécialiste en contrôle interne, gestion des risques et conformité bancaire. Il a travaillé pour AccessBank RDC comme Conduct and Compliance Officer, pour VisionFund RDC comme Risk and Compliance Officer et est actuellement responsable du contrôle interne de ProcFin SA. Il est auteur, notamment des ouvrages Guide Pratique de Conformité Bancaire et la Justice Pénale Internationale face aux Etats du Continent d’Afrique, publiés aux éditions universitaires européennes.