Frappée par l’épidémie de Coronavirus et, indirectement, par la guerre faisant rage aux confins de l’Europe, l’Afrique en a subi les conséquences de plein fouet. Ses pays sont en effet particulièrement exposés aux fluctuations de prix, même si certains, comme la Côte d’Ivoire, ont habilement manœuvré pour préserver leurs habitants de ces fléaux venus d’ailleurs.
Des phénomènes mondiaux
La pandémie de COVID-19 a énormément perturbé les chaînes d’approvisionnement ainsi que l’offre et la demande mondiales, impactant les prix des matières premières, comme les hydrocarbures, les minerais ou le bois, qui représentent 80% des exportations africaines. La baisse de la demande et par conséquent du prix des produits de base a donc eu un impact important sur les recettes des pays africains, auquel sont venues se greffer des pertes liées aux baisses d’investissements directs étrangers (IDE) – la pandémie ayant accru les risques pesant sur les entreprises – et des pertes liées à la baisse importante du tourisme. En outre, les mesures de confinement ont, elles, limité l’offre de main d’œuvre, entraînant une perte de revenue pour les ménages et un ralentissement de l’activité économique des pays. Tous ces éléments ont irrémédiablement entraîné une baisse générale des revenus en Afrique, venant rogner le pouvoir d’achat des populations.
Cette baisse des revenus a ensuite été aggravée par une hausse généralisée des prix, causée notamment par l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, et la guerre faisant rage depuis. Les deux belligérants étant les principaux fournisseurs de blé de l’Afrique – et de pétrole pour la Russie-, le conflit a eu un impact direct sur son économie, entraînant presque immédiatement une importante flambée des prix. La hausse des prix du blé a eu un impact sur le pouvoir d’achat des ménages, tout comme celle du prix du carburant qui, en tant que source d’énergie de base, a de surcroît eu un impact sur la production agricole et industrielle. Outre le blé, ce sont donc également les prix des denrées alimentaires produites en Afrique, comme le riz, qui ont augmenté ; une hausse par ailleurs aggravée par celle du prix des engrais, dont la Russie est un des principaux exportateurs.
Dans l’Ouest africain, notamment, la situation est particulièrement préoccupante. L’insécurité alimentaire menace sur les rives du lac Tchad (Tchad, Nigéria, Cameroun), tout comme dans la zone des trois frontières, au carrefour du Mali, du Burkina Faso et du Niger. En proie à la sécheresse, mais surtout à l’instabilité politique, ces pays ne sont pas parvenus à garantir la sécurité de leurs agriculteurs, et encore moins à plafonner les prix face aux crises mondiales ; deux manquements ayant entraîné une flambée des prix et à une crise alimentaire majeure dans la région. « Nous sommes passés de 10,7 millions de personnes menacées par l’insécurité alimentaire en 2019 à 40,7 millions en 2022 », alerte Issoufou Baoua, expert analyste en sécurité alimentaire auprès du Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS). A contrario, la Côte d’Ivoire, moteur économique et exemple de stabilité dans la région a su, malgré la sécheresse, contenir l’inflation ; preuve ici de l’importance des pouvoirs publics pour contenir la flambée des prix.
Des réponses locales
Puisque la vie chère se combat à la fois à court et à long terme, la Côte d’Ivoire a pris des mesures pour d’une part augmenter le pouvoir d’achat de ses concitoyens, et d’autre part relancer sa croissance économique. Concernant le pouvoir d’achat, les mesures d’Abidjan ont visé à contenir l’inflation, tout en augmentant certains revenus. Le pays a notamment subventionné le secteur pétrolier pour éviter une envolée des coûts du carburant, et plafonné les prix de certains produits de grande consommation comme l’huile, le sucre, le lait, le riz, la viande de bœuf et les pâtes. De même, le gouvernement a décidé d’augmenter le prix de l’électricité, mais en faisant porter le coût de cette hausse aux plus gros propriétaires et aux entreprises. « Les abonnés de 5A et de 10 A ne sont pas concernés par cet ajustement. Les abonnés de 15 A et plus, ainsi que les professionnels auront un ajustement de 10 %. Les abonnés de la haute tension et de la moyenne tension auront un ajustement de 15% », explique le ministre ivoirien des Mines, du Pétrole et de l’Energie, Mamadou Sangafowa Coulibaly. Toujours pour contenir les prix, Abidjan a également décidé, en septembre dernier, de suspendre ses exportations de riz et de sucre, pour éviter que les Ivoiriens ne se retrouvent privés d’une denrée précieuse produite sur leur sol. Enfin, autre versant du pouvoir d’achat, la Côte d’Ivoire a augmenté les revenus de ses concitoyens, en rehaussant de 9 à 18% les salaires minimums des différentes catégories du secteur privé, et en revalorisant le salaire des fonctionnaires de 15%.
Pour relancer sa croissance économique, et ainsi, à terme, réduire l’inflation, la Côte d’Ivoire a décidé d’accélérer les réformes et investissements prévus dans son Plan national de développement (PND) 2021–2025, notamment dans les secteurs de l’énergie, du BTP, des industries agroalimentaires, du commerce, des télécommunications et de l’agriculture. Abidjan a également relancé son tourisme, avec la reprise de son programme « Sublime Côte d’Ivoire », qui vise à faire de la Côte d’Ivoire la 5e destination touristique africaine d’ici à 2025, et à faire peser le tourisme pour 12% du PIB. En matière d’hydrocarbures, enfin, le pays compte énormément sur l’entrée en production du gisement gazier et pétrolier « Baleine » découvert en 2021.
En outre, et bien que la résolution du problème soit avant tout nationale, il est important de noter que la Côte d’Ivoire a su faire ses preuves pour bénéficier d’une aide internationale, le Fonds monétaire international (FMI) ayant annoncé mercredi 4 octobre avoir validé un versement de 500 millions de dollars à l’intention du pays. Il s’agit de la première étape d’un programme d’aide avalisé en mai, qui s’étalera sur 40 mois pour un montant total de 3,5 milliards de dollars. Objectif affiché : « préserver la soutenabilité budgétaire et de la dette et soutenir les objectifs clé » du plan de développement national couvrant la période 2021 à 2025, selon le chef de la mission du FMI en Côte d’Ivoire, monsieur Olaf Unteroberdoerster.