L’universitaire camerounais Eric Tsimi défie le statu quo politique au Cameroun en vue d’une possible candidature aux présidentielles d’octobre 2025. professeur du Department of Modern Languages & Comparative Literature au Baruch College (Ney York), ce docteur en Civilisation et Études Culturelles françaises de l’Université de Virginie, également diplômé de Lausanne et titulaire d’un doctorat européen obtenu à la LLSETI (Université Grenoble-Alpes) en co-tutelle avec Larpsydis (Université de Lausanne), estime dans une approche souverainiste, que le Cameroun doit sortir du Franc CFA et du traité OHADA. Entretien.
Monsieur Tsimi, dans votre livre programme à paraitre au premier semestre 2024, vous proposez un plan économique très ambitieux pour le Cameroun, incluant l’abolition du Franc CFA, le démantèlement du Traité OHADA, une décentralisation aiguë et des réformes constitutionnelles en cascade. Un Tsunami nommé Tsimi ? N’est-ce pas trop audacieux, voire irréaliste, dans le contexte actuel ?
Éric Essono Tsimi: Merci de la tribune que vous m’offrez. Ceux qui qualifient nos aspirations d’irréalistes sont souvent ceux qui tirent profit du statu quo. Le chantage à la possible instabilité a découragé nos leaders successifs sans jamais prémunir nos nations de l’instabilité. Le Franc CFA et l’OHADA sont des outils qui ont pu contribuer à une relative stabilité économique, tout en mettant aux petits soins l’emprise coloniale française. Mais ces reliques coloniales ont surtout freiné notre volontarisme politique, ils ont bridé notre souveraineté et notre capacité à prendre des décisions économiques créatives et indépendantes. Ma vision pour le Cameroun est celle d’une nation pleinement souveraine, qui contrôle ses ressources et son avenir économique.
Comment comptez-vous gérer les chocs économiques potentiels qui pourraient survenir à la suite de l’abandon du franc CFA ?
Éric Essono Tsimi: Nous anticipons des perturbations. Cependant, des mesures telles que le renforcement des réserves de change, la mise en place d’un fonds social de 500 milliards de francs CFA d’une part et des mécanismes anti-spéculation d’autre part, assureront une transition hors CFA tenable, en trois ans. Ces mesures permettront de minimiser les risques de crash qui ne sont pas insignifiants, mais auraient forcément, ces risques, une dimension punitive, téléguidée depuis l’étranger. Nous planifierons stratégiquement la répartition des réserves rapatriées et nous diversifierons nos partenariats institutionnels pour réduire à presque rien notre dépendance monétaire et financière à la France.
Vous envisagez une décentralisation qui frise au fédéralisme, à la manière suisse, américaine, mais aussi russe et chinoise. Le Cameroun a des réalités socio-économiques bien différentes. Comment votre Administration va-t-elle gérer ce grand écart ?
Éric Essono Tsimi: En effet, les réalités camerounaises sont uniques, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas apprendre d’autres systèmes ; quand quelque chose marche, j’y crois : je suis un partisan des résultats. Nous adapterons les meilleures pratiques au contexte camerounais, en assurant une autonomie régionale qui sera à la fois contrôlée et responsable, nous maintiendrons ainsi les fonctions régaliennes fortes au Centre. Cette approche favorisera rationnement et rationalisation, à la fois la responsabilisation et une meilleure gouvernance des ressources.
Quid des mécanismes de contrôle et de la lutte contre la corruption dans un modèle hyper-décentralisé ?
Éric Essono Tsimi: Les mécanismes de contrôle sont vitaux. Nous mettrons en place des audits réguliers, encouragerons les signalements citoyens et la réactivité judiciaire, la participation publique et la transparence. La régionalisation ne doit pas conduire à une dispersion de la corruption, mais plutôt à son éradication grâce à une meilleure visibilité et plus de responsabilité au niveau local. La Défense, la Sécurité, et la Justice (stimulées par l’Innovation, le Fisc, les Douanes et la Monnaie) seront plus performantes qu’elles ne l’ont jamais été.
Concernant les réformes constitutionnelles, ne craignez-vous pas qu’elles soient perçues comme une manière de centraliser encore plus le pouvoir autour de la figure du Président, notamment avec la création d’une Vice-Présidence ?
Éric Essono Tsimi: La perception de re-centralisation du pouvoir relèverait d’une grave méprise au sujet de nos intentions. La vice-présidence implique la suppression du poste de Premier Ministre. C’est une mesure visant à créer une collaboration plus étroite et efficace au sein de l’exécutif, et entre les pouvoirs exécutif et législatif, tout en maintenant des services essentiels centralisés pour garantir l’unité et la sécurité nationales. Le reste de nos réformes vise précisément à distribuer les ressources de façon plus équitable et efficiente.
En tant que Professeur à New York, comment répondez-vous à ceux qui vous considèrent trop déconnecté des réalités administratives et politiques pour diriger le pays ?
Éric Essono Tsimi: L’expérience internationale et le métier de chercheur ne doivent pas être vus comme une faiblesse, mais comme une force. Mon expérience m’a fourni une perspective globale et un accès à des réseaux qui seront précieux pour le Cameroun. Mon travail académique et mes publications sur le Cameroun témoignent de mon engagement continu envers mon pays. Je n’aurais pas attendu la retraite pour mettre mon énergie et mes connaissances au service de ma patrie.
Votre discours souverainiste séduit, c’est un peu l’air du temps en Afrique, mais comment garantissez-vous que le Cameroun ne s’isole pas sur la scène régionale ou internationale ?
Éric Essono Tsimi: Le souverainisme n’est pas synonyme d’isolationnisme. Nous chercherons à renforcer nos alliances régionales et à diversifier nos partenariats internationaux. L’objectif est de positionner le Cameroun comme un partenaire égal et non comme un subordonné dans les affaires internationales. Je serai le président du mouvement, le président de la mobilité, mobilité sociale, mobilité géographique, entrante, sortante, panafricaine, mondiale, tout le contraire donc d’un repli sur nous-mêmes.
M Votre vision du futur politique et économique du Cameroun est certainement intrigante et fera beaucoup parler dans les mois et années à venir. Revenons sur votre projet d’intégration économique régionale, notamment l’idée d’une nouvelle union monétaire avec le Gabon, le Congo et la Guinée Équatoriale, et peut-être à terme avec le Nigeria. Cela semble être un objectif ambitieux. Comment envisagez-vous de surmonter les défis politiques et économiques pour réaliser une telle union ?
Éric Essono Tsimi: En effet, c’est un projet ambitieux, mais réalisable. Le premier pas serait d’établir une feuille de route claire pour l’intégration économique, en commençant par l’implémentation des accords commerciaux déjà existants. Mon livre programme détaille mes idées à cet égard. Concernant l’union monétaire, nous devons aligner nos politiques macroéconomiques et mettre en place des mécanismes de convergence. Le dialogue politique est aussi crucial pour assurer une vision commune. Avec des villes à plus de quatre millions d’habitants chacune, comme Douala et Yaoundé déjà en tant que centres économiques dynamiques, le Cameroun peut effectivement agir comme un catalyseur pour l’intégration régionale.
Vous parlez aussi de développement des infrastructures, un réseau de transport reliant le Cameroun à ses voisins. Comment envisagez-vous de financer et prioriser ces projets d’infrastructure, qui seront sans aucun doute coûteux ?
Éric Essono Tsimi: Le financement des infrastructures sera un mix de partenariats public-privé et de fonds internationaux. Les priorités seront établies sur la base des études de faisabilité et de l’impact potentiel sur la prospérité et le développement humain. Des projets comme la liaison routière entre Bafoussam et Bamenda, ou le développement des voies ferrées reliant Kribi à Libreville, Yaoundé à Lagos, sont essentiels pour préparer le réseau de transport du futur.
Vous mentionnez également l’investissement dans l’infrastructure numérique. Quelle place cela prend-elle dans votre plan, et comment cela bénéficierait-elle spécifiquement au Cameroun ?
Éric Essono Tsimi: L’infrastructure numérique est essentielle pour moderniser l’économie et faciliter le commerce. Il faut une charte graphique cohérente pour tous les sites internet publics. Nous allons investir dans des projets qui assurent la connectivité à large bande, qui est fondamentale pour l’essor du e-commerce et des services numériques. Cela aura un impact direct sur les jeunes entreprises et start-ups de villes comme Douala mais aussi dans les services de santé en milieu rural, et contribuera à positionner le Cameroun comme un leader numérique en Afrique.
Concernant le tourisme, comment envisagez-vous de créer un circuit touristique régional qui intègre les diversités culturelles et paysagères du Cameroun, du Congo, du Centrafrique, du Gabon, et de la Guinée Équatoriale ?
Éric Essono Tsimi: Nous avons l’opportunité de créer une expérience touristique unique en tirant parti de notre patrimoine culturel et naturel. L’idée est de développer des forfaits touristiques régionaux, qui pourraient inclure les plages de Kribi au Cameroun, les réserves de faune du Gabon et dynamiser la zone des trois frontières avec la Guinée équatoriale. La clé est de travailler en partenariat avec les opérateurs touristiques pour promouvoir ces destinations et assurer une expérience de haute qualité pour les visiteurs.
Et, pour ce qui est de la sécurité et la stabilité, considérées comme cruciales pour le développement économique, comment envisagez-vous la collaboration régionale ?
Éric Essono Tsimi: La sécurité est un pré-requis pour le développement économique. Nous exigeons le départ des bases militaires françaises du Tchad et du Gabon, et le départ des troupes russes du Centrafrique. Nous envisageons une coopération renforcée entre les forces de sécurité des pays concernés, et la mise en place d’initiatives conjointes pour lutter contre les menaces transnationales. De plus, le renforcement des institutions judiciaires et la création d’un mécanisme de résolution des conflits à l’échelle régionale sont des mesures qui seront prises pour maintenir la stabilité.
Professeur Tsimi, votre plan d’émancipation économique du Cameroun et la fin de la tutelle française que vous annoncez sont bien détaillés. Votre livre s’il est mis en œuvre promet de transformer en profondeur la région CEEAC. Reste à voir comment il sera reçu par vos voisins, vos partenaires et par le peuple camerounais!
Éric Essono Tsimi: Je vous remercie. L’ambition de mon plan est au moins égale au potentiel de notre pays, à l’aspiration de la jeunesse à la prospérité. En me présentant comme candidat à la Présidence de la République en 2025, j’offre une vision où le Cameroun, notre patrie chérie, saisit son destin économique et sécuritaire avec audace et intelligence. Imaginez un Cameroun qui transforme sa position stratégique entre le Nigeria, première économie africaine, et les nations riches en ressources énergétiques telles que le Gabon et la Guinée Équatoriale, en un tremplin pour une prospérité partagée, où les frontières ne sont plus des barrières mais des passerelles dynamiques pour un commerce florissant et une intégration régionale renforcée par une monnaie commune. Visualisez un Cameroun où nos ressources naturelles sont non seulement extraites mais aussi transformées localement, créant ainsi une économie robuste et des emplois pour nos citoyens. Je m’engage à construire une université militaire et technologique de pointe, qui sera le cœur battant de notre souveraineté, formant les cerveaux qui veilleront sur nos ressources et notre indépendance, tout en développant une industrie de défense nationale pour affirmer notre position sur l’échiquier mondial. Notre réseau de transport sera modernisé, nos villes interconnectées, nos ports élargis, et des parcs technologiques émergeront, faisant du Cameroun un hub d’innovation. La diplomatie sera notre outil pour tisser des alliances stratégiques, renforcer notre influence et assurer que le Cameroun soit respecté comme une force majeure, non seulement en Afrique mais dans le monde entier. Je vous invite à me rejoindre dans cette mission pour un Cameroun audacieux, innovant, indépendant. Je suis ce leader qui transforme, protège et se projette, pour notre prospérité et notre sécurité, pour l’avenir radieux qui nous attend. Vive le Cameroun, et ensemble, faisons-le prospérer pour des générations à venir.