Par Mohamed H’MIDOUCHE, ancien banquier international , expert en économie et finance
L’Afrique, dotée d’importantes ressources naturelles, y compris des terres arables, des fleuves majeurs, et la deuxième plus grande forêt équatoriale, joue un rôle crucial dans la fourniture de minéraux stratégiques, représentant 70% de ses exportations et 28% de son PIB. Le continent regorge de réserves de minéraux essentiels, comme le pétrole, le gaz, le fer, et des métaux demandés par les industries high-tech. Toutefois, l’exploitation de ces ressources soulève des questions sur les bénéfices pour les populations locales et la durabilité. Les pays africains s’efforcent de négocier des accords commerciaux favorables, renforcer l’autonomie économique et assurer un développement équitable. Les stratégies de valorisation de ces ressources incluent la diversification économique, la transformation locale des matières premières, et des investissements dans l’éducation et la technologie. Avec des politiques bien pensées et la collaboration régionale, l’Afrique vise un développement qui profite équitablement à ses citoyens tout en respectant l’environnement.
course vers les ressources africaines : l’Occident face aux BRICS et aux pays émergents
L’engouement des pays occidentaux pour les ressources africaines remonte à la colonisation, où l’exploitation des minéraux, des terres et du travail a généré un bénéfice économique pour l’Europe. Même après l’indépendance africaine, cette tendance s’est poursuivie à travers des accords commerciaux défavorables, des investissements massifs dans des secteurs clés et la sécurisation de l’accès aux ressources par l’influence politique et économique. Bien que les entreprises occidentales aient bâti des chaînes d’approvisionnement globales reposant sur l’extraction en Afrique, les pays africains travaillent à renforcer leur rôle dans les négociations internationales, visant plus de transparence et de bénéfices issus de leurs ressources. Les interactions entre l’Afrique et l’Occident restent en évolution, complexifiées par les dynamiques politiques, économiques et sociales. Mais la main mise de l’Occident sur l’Afrique est aujourd’hui remise en question, moins par les élites du continent elles-mêmes que par les dynamiques extérieures.
Le Japon d’abord, la Chine de plus en plus …
En effet, l’Asie se positionne dans cette course vers les matières premières africaines. Le Japon d’abord et la Chine de plus en plus ont activement établi des partenariats stratégiques en Afrique axés sur l’accès aux ressources naturelles. Le Japon investit dans l’extraction de minéraux, le commerce, le soutien au développement, la coopération industrielle et agricole, et les technologies, incluant les énergies renouvelables et les infrastructures, souvent liées à ses intérêts en ressources. Ces initiatives posent des questions de transparence, de droits de l’homme et l’impact environnemental. De son côté, la Chine a fait d’importants investissements dans l’exploitation minière, l’agriculture, l’énergie et le développement d’infrastructures, offrant également prêts et aide financière. Bien que contribuant au développement, ces actions chinoises soulèvent des débats sur la durabilité et les bénéfices économiques pour les populations locales. Les relations de la Chine avec l’Afrique sont un sujet de discussion international croissant.
La Russie sur les armes, l’Inde sur l’Agriculture
La Russie et l’Inde se sont toutes deux engagées dans l’exploitation des ressources naturelles en Afrique, avec des approches variées. La Russie a établi des accords commerciaux et économiques, investi dans l’industrie extractive, développé des partenariats énergétiques, vendu des armes et du matériel militaire, coopéré dans l’agriculture et la science, et fourni une aide au développement. Ses actions sont guidées par des motivations politiques, économiques et géopolitiques et soulèvent des questions de transparence et d’impact social.
L’Inde, pour sa part, a également investi dans l’industrie minière, collaboré en agriculture et dans l’énergie, y compris les renouvelables, signé des accords commerciaux, travaillé en partenariat scientifique et technologique, offert une aide au développement, renforcé les partenariats industriels, fourni des médicaments génériques et travaillé avec les pays africains dans les technologies de l’information. Ces relations sont variées et pourraient bénéficier au développement économique et social de l’Afrique, mais elles comportent également des défis en matière de durabilité et de transparence.
La Corée mise sur la technologie, le Brésil vend l’agro-business
Le Brésil et la Corée du Sud se sont tous deux engagés en Afrique à travers divers domaines tels que l’agriculture, l’énergie, l’exploitation minière et la coopération technologique. Le Brésil a mis en avant son expertise en agro-business et technologies agricoles, investi dans les énergies renouvelables et la bioénergie, ainsi que dans le secteur minier, visant les ressources comme le fer, le cuivre et le manganèse. Il a également participé au développement de l’industrie manufacturière et offert son aide en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures, en plus de chercher à étendre ses échanges de produits.
La Corée du Sud a fait des investissements similaires, notamment dans l’industrie extractive pour l’or, le cuivre, le nickel et le charbon, et a coopéré dans le domaine énergétique incluant les énergies renouvelables et l’exploration pétrolière. Les investissements en agriculture, les projets d’infrastructure et de construction, et l’aide au développement, notamment dans les technologies de l’information, sont également des facettes de son engagement en Afrique. Ces partenariats pourraient influencer le développement économique et social de l’Afrique, mais posent également des questions de transparence, de durabilité, ainsi que des préoccupations sociales et environnementales.
Les pays du Golfe prennent position
Les Émirats Arabes Unis et le Qatar ont entrepris diverses initiatives en Afrique, se concentrant sur l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles, la coopération en matière d’énergie (y compris les énergies renouvelables et le gaz naturel), l’agriculture, et le développement des infrastructures. Les deux pays fournissent également une aide au développement, renforcent la coopération commerciale et investissent dans les technologies de l’information et de la communication. Ces partenariats sont influencés par les intérêts économiques, politiques et géopolitiques spécifiques et peuvent affecter le développement du continent tout en soulevant des préoccupations en matière de transparence, durabilité et impacts sociaux et environnementaux.
L’Arabie Saoudite a engagé des investissements et des partenariats en Afrique dans des domaines comme l’énergie (pétrole, gaz, et énergies renouvelables), l’agriculture, la construction d’infrastructures, et les technologies de l’information. Ces efforts ont pour but le développement économique et social africain, tout en soulevant des enjeux de transparence et d’impact environnemental.
Le Maroc, de son côté, a aussi étendu son influence en Afrique à travers des investissements économiques, des alliances diplomatiques, de la coopération militaire, des accords commerciaux, et des projets d’infrastructure. Le pays vise particulièrement l’accès aux phosphates, à l’énergie, aux produits agricoles, au pétrole et gaz, aux minerais et à l’eau, en poursuivant une stratégie de partenariats et d’accords régionaux bénéfiques.
En attendant la réponse africaine…
L’Afrique doit faire face à de nombreux défis et convoitises en raison de ses riches ressources naturelles. Bien que l’investissement étranger puisse apporter développement et croissance, il y a un risque d’exploitation inéquitable et de conséquences négatives telles que la corruption, la pollution et les conflits. Des pays comme l’Afrique du Sud, le Botswana et le Nigeria ont montré qu’il est possible de tirer parti de ces ressources pour le bien de la nation, mais cela nécessite une gouvernance solide, la diversification économique et une plus grande autosuffisance.
Un audit des contrats d’exploitation des ressources naturelles par des multinationales depuis 1960 est crucial pour garantir la transparence et l’équité. Cela inclut l’évaluation juridique et financière des contrats, l’implication des communautés locales et la société civile, et la mise en place de réformes basées sur les résultats de l’audit.
La valorisation des ressources minérales pour un développement durable est essentielle pour l’avenir de l’Afrique. Cela contribuerait à la création d’emplois, à l’éradication de la pauvreté et à la réalisation des objectifs de développement durable et de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine. Pour cela, l’Afrique doit repenser ses stratégies de développement et renforcer sa souveraineté pour contrôler son destin et assurer le bien-être de ses citoyens.