Indispensable à la transition énergétique, le cobalt est l’un des minerais les plus prisés au monde. Mais son extraction génère, dans certains pays comme la République démocratique du Congo, de nombreux problèmes : violations des droits humains, atteintes à l’environnement, travail des enfants, etc. Certains groupes miniers, à l’image de CMOC, tentent d’améliorer leurs pratiques pour un cobalt plus responsable, alors que d’autres se tournent déjà vers le cobalt recyclé.
Après le pétrole, l’or noir d’un XXe siècle placé sous le sceau des énergies fossiles, le cobalt serait-il en passe de s’imposer comme le véritable « or bleu » du début du XXIe siècle ? Sous-produit du cuivre, ce minerai d’apparence bleutée est doté d’uniques propriétés chimiques, qui en font un matériau incontournable pour quantité d’objets électriques et électroniques : nos smartphones, nos ordinateurs, nos objets connectés… Mais aussi, et surtout, nos voitures électriques, dont le nombre d’unités en circulation est appelé à être multiplié par six à l’horizon 2030. Le cobalt entre en effet dans la composition de la plupart des batteries électriques modernes et apparaît, à l’heure de la transition énergétique, comme l’un des matériaux les plus prisés au monde. Pesant 2,7 milliards de dollars en 2014, le marché du cobalt atteindrait déjà, en 2022, 13,8 milliards de dollars.
En RDC, le « Far West de l’industrie minière »
Un tel pactole ne peut qu’aiguiser les appétits. Ceux des multinationales minières, évidemment, qui se livrent à une féroce compétition aux quatre coins du globe ; mais aussi ceux des populations voisines des sites d’extraction. Or, ces sites sont très inégalitairement répartis à la surface de la planète. La République démocratique du Congo (RDC) abrite ainsi la moitié des réserves connues de cobalt et produit environ 70 % de la demande mondiale. Dans la région du Lualaba, au sud de ce vaste pays d’Afrique centrale, se concentrent quelques-unes des principales mines de cobalt au monde, exploitées par les géants du secteur, ainsi que des dizaines ou centaines de mines artisanales. Ce sont ces sites, illégaux et dangereux, qui attirent des milliers de « creuseurs », ces mineurs qui prennent tous les risques pour tenter, eux aussi, de prendre part à cette nouvelle ruée vers l’or afin de sortir de la misère.
Parmi eux, de très nombreux enfants. En 2014, l’UNICEF estimait leur nombre à près de 40 000 dans la zone cuprifère du sud de la RDC. Autour de la capitale régionale de Kolwezi, ces « petits forçats du cobalt », comme les appelle Amnesty International, s’introduisent par effraction sur les sites miniers des grands groupes ou travaillent, souvent dans des conditions dangereuses, dans des mines illégales. Déscolarisés, victimes d’accidents, de trafics divers ou de violences, ces enfants et, plus largement, ces mineurs artisanaux, contribuent pourtant à produire entre 10 % et 20 % du cobalt congolais, racheté par des grossistes qui ferment les yeux sur la provenance du minerai. Endémique, la corruption entrave toute tentative de régulation, qu’il s’agisse de la mise en conformité des mines illégales, du code du travail ou des atteintes à l’environnement. « C’est le Far West de l’industrie minière », lâche un analyste dans les colonnes de La Croix.
Les géants miniers tentent d’améliorer leurs pratiques
Si la majeure partie des violations des droits humains est due à l’afflux de mineurs illégaux, les multinationales en activité dans la région ne sont pas exemptes de tout reproche. Ainsi du géant suisse Glencore, un mastodonte des matières premières qui est soupçonné de corruption en RDC : un intermédiaire à la réputation sulfureuse aurait permis à l’entreprise de réduire substantiellement les frais dont elle devait s’acquitter au profit de la Gécamines, la société étatique qui attribue les licences minières. Bilan : plusieurs centaines de millions de dollars en moins pour les finances publiques congolaises, soit un dixième du budget annuel du pays. Glencore a, par ailleurs, été condamné en 2022 par les autorités anti-corruption américaine et britannique, qui se penchaient sur les activités du groupe dans plusieurs pays, dont la RDC.
Alors que l’activité minière est, au niveau mondial, responsable de 7 % de la déforestation, d’autres groupes présents en RDC semblent prendre leur responsabilité sociale et environnementale (RSE) plus au sérieux. A l’image de CMOC, un groupe chinois lui aussi actif dans le sud congolais, qui a récemment adopté un plan d’action visant, notamment, à améliorer son efficacité énergétique, à électrifier ses machines, à recourir davantage aux énergies renouvelables et, enfin, à capter et stocker le CO2. Objectif revendiqué : atteindre le pic des émissions d’ici à 2030, -38 % d’émissions en 2040 par rapport au pic de 2030, -67 % à l’horizon 2045 par rapport au pic de 2030 et la neutralité carbone d’ici à 2050. Par ailleurs, CMOC a versé, depuis le lancement du site de Tenke Fungurume Mining (TFM) en 2006 et jusqu’en 2022, « 4,768 milliards de dollars US en taxes et charges cumulées pour la RDC », d’après un rapport consacré par le groupe à sa politique RSE.
Vers un cobalt recyclé
Reste que le cobalt demeure un minerai particulièrement rare, dont les réserves totales sont estimées à 7 milliards de kilos sur Terre. Même raisonnée, son exploitation finira donc par épuiser, d’ici une centaine d’années, les réserves globales. En pleine transition énergétique, la question du recyclage du cobalt – ou plus exactement, des batteries contenant du cobalt – apparaît donc comme essentielle. Ce qu’ont bien compris les autorités européennes, qui ont adopté l’obligation pour les batteries de comporter 12 % de cobalt recyclé à partir de 2030. En première ligne, le secteur privé anticipe lui aussi ce virage, à l’image de la multinationale américaine Apple, qui a annoncé son intention de ne plus utiliser que du cobalt recyclé à partir de 2025.