« Le total bilan de la BNDE a augmenté de 33 %, ce qui la place désormais dans le top 10 des banques sénégalaises »
En poste depuis tout juste une année, Abdoulaye Niane revient sur le chemin parcouru et les perspectives de la Banque nationale pour le développement économique (BNDE). Pour le directeur général, le cœur de cible reste plus que jamais la PME. Entretien exclusif.
Cela fait bientôt un an que vous êtes à la tête de de la BNDE. Comment la banque a-t-elle évolué depuis lors sur le plan opérationnel ?
La BNDE se porte certainement mieux qu’il y a un an. J’ai pris les rênes le 28 février 2023 précisément, dans un contexte marqué par beaucoup de contraintes, notamment la crise de liquidité, la crise financière et prudentielle. Au terme de l’année 2023, la Banque nationale pour le développement économique (BNDE) prévoit un renforcement conséquent de ses fonds propres, avec une augmentation du capital social sans précédent de 11 à 62 milliards de francs CFA, donc une hausse de 51 milliards, assurant ainsi une grande partie de la conformité prudentielle de la banque. Ces ressources additionnelles traduisent le volontarisme très clair de l’Etat du Sénégal. Mais il reste encore du chemin à faire. En outre, l’on note sur le plan opérationnel, un accroissement considérable du total bilan de 33 % durant l’année, plaçant ainsi la BNDE dans le top dix des banques sénégalaises. Alors qu’elle se positionnait il y a un an à la 19ᵉ place sur un total de 26 banques. Le résultat projeté à fin décembre 2023 s’établit à plus de 10 milliards contre précisément 453 millions de francs CFA à la fin 2022.
Quel sens donner à l’augmentation de capital record que vous venez de boucler ?
Il faut d’abord rappeler que c’est lors de sa session du 23 novembre 2023 que le conseil d’administration de la BNDE a décerné un satisfecit sur le chemin parcouru depuis lors, et nous a donné le feu vert pour relever le capital de la banque. Cela correspondait à une volonté de se conformer aux normes mais aussi d’aller vers de nouveaux objectifs. La BNDE se positionne comme une banque de référence de l’Etat du Sénégal et a de gros projets de partenariat public privé (PPP) dans les infrastructures nécessitant des fonds propres d’une certaine taille. Il fallait donc être aux normes par rapport aux ambitions de l’Etat. Les actionnaires sont d’accord sur cette augmentation. L’Etat a déjà souscrit et libéré 35 milliards de FCFA tout de suite, les autres actionnaires ont aussi signé leur souscription et vont matérialiser la libération dans les délais légaux. C’est une opération qui vise aussi à renforcer les moyens de la banque et qui vient en quelque sorte en anticipation de la mesure récente prise lors de la quatrième session du Conseil des ministres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) tenue le 21 décembre à Cotonou, capitale économique du Bénin. Comme vous le savez, le Conseil des ministres a décidé lors de cette session de faire passer le capital social minimum des banques de 10 à 20 milliards de FCFA. La BNDE est dans l’air du temps.
Votre statut de banque publique, prolongement de l’action de l’Etat, est-il un avantage ou inconvénient dans un marché de plus en plus réglementé ?
C’est d’abord un avantage puisque l’Etat est l’acteur majeur de l’économie. Avoir à ce titre une banque à participation publique majoritaire s’avère forcément un privilège dans l’orientation des opérations financières de l’Etat. La BNDE s’est positionnée comme étant la banque, l’instrument financier de l’Etat, ce qui a complètement changé la taille de la banque et le niveau de ses performances. L’Etat veille vigoureusement au respect de la réglementation bancaire. A ce propos, en sa qualité d’actionnaire majoritaire de la Banque, l’Etat a anticipé sur le rehaussement du capital.
Toutefois, être sous la tutelle de l’Etat peut constituer une grande contrainte. Surtout si on regarde la limitation des opérations avec les parties liées fixée à 20 % des fonds propres des interventions de l’Etat. Nos relations avec l’Etat font que très rapidement l’on dépasse ce seuil. D’ailleurs, aujourd’hui, nous sommes en discussion avec les autorités pour placer la banque dans une situation lui permettant de continuer à accompagner les projets d’infrastructures. Cette contrainte règlementaire, avec l’avènement de Bâle 3, prévoit aussi une déduction directe sur les fonds propres de cet excédent.
Donc oui, c’est une opportunité parce que nous avons avec l’Etat beaucoup de flux. L’Etat veille aussi au grain. Quand la banque a des difficultés, l’Etat nous accompagne. Mais c’est aussi une contrainte parce que la réglementation bancaire est uniforme et, malheureusement, nous sommes un peu tenus d’user de la pédale douce et cela nous ralentit dans nos ambitions.
Les PME représentent une cible réputée risquée. Quelles sont vos recettes pour atténuer les risques liés à cette catégorie?
Les PME nécessitent une approche spécifique en particulier dans le contexte actuel marqué par le resserrement de la politique monétaire et le relèvement du taux directeur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (BCEAO), passé à 3,25 %, rendant la ressource plus rare et onéreuse. Dans un tel contexte, servir un taux adéquat aux Petites et moyennes entreprises (PME) et aux Petites et moyennes industries (PMI) relève presque de l’exploit. Mais la BNDE, durant toute l’année, a essayé de s’adapter à la rareté de la ressource tout en servant à ses clients un taux adéquat. On a hésité à dépasser les deux chiffres et jusqu’à récemment, on ne le faisait pas. Aujourd’hui, c’est un peu plus difficile avec l’accroissement du taux directeur. Mais l’on essaie d’accompagner les PME/PMI. On a une bonne expérience là-dessus. C’est aussi l’une des marques de fabrique d’une banque de développement dans un pays en développement. A cet égard, nous avons conclu avec des partenaires engagés dans l’accompagnement des PME/PMI comme la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER/FJ), la Fondation MasterCard. Il y a quand même des lignes qui nous permettent de bonifier les taux et c’est ce qui nous permet encore d’encadrer beaucoup de PME/PMI tout en restant dans des banques dans le coût de la ressource négociable.
Notre cadre d’appétence au risque prévoit des modalités de gestion associées à cette catégorie de contrepartie. Il y a les assurances notamment la FANAF (Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines) et d’autres types d’institutions qui accompagnent ces couches vulnérables. On essaie de nous spécialiser aussi dans l’exploitation de ces partenariats pour mieux aider les PME/PMI.
Quels sont vos objectifs majeurs pour 2024 ?
L’Etat du Sénégal entend constituer une holding bancaire qui aura à servir l’Economie de façon performante. La BNDE se positionne pour être un levier important de cette ambition. Nous comptons donc digitaliser aussi nos services parce que ce n’est pas forcément le fort des banques africaines.
La BNDE voudrait passer le label “banque verte” et pour cela, la digitalisation est un pilier important. En plus, la direction générale, de concert avec le conseil d’administration, veillera à renforcer les actifs de la banque et à l’inscrire dans une dynamique de croissance et de rentabilité pour en faire une des banques de premier plan sur la place de Dakar et peut être au-delà dans la zone l’Union économique et monétaire ouest-africaine.