Par Mohamed Lamine SIDIBE
Le 23 décembre 2023, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, le Royaume du Maroc a lancé une initiative stratégique visant à relier les pays du Sahel (Burkina, Mali, Niger et Tchad) à l’océan Atlantique Nord. Cette initiative majeure permettra aux flux commerciaux des pays du Sahel de passer de l’Atlantique Sud à l’Atlantique Nord.
Il ne fait aucun doute que cette initiative arrive à point nommé pour les pays sahéliens concernés, notamment en raison de la recrudescence des sanctions imposées par les États par lesquels transitent leurs produits d’importation et d’exportation, en particulier la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin etc…
Ce changement de cap pourrait être un revers pour la Guinée qui n’a pas su profiter du bruit diplomatique entre les pays du Sahel et de la CEDEAO pour développer suffisamment ses infrastructures portuaires afin de répondre aux besoins des pays de l’hinterland. Par ailleurs, malgré la crise diplomatique entre Bamako et Abidjan autour de l’arrestation de 49 militaires ivoiriens en juillet 2022, les autorités maliennes n’ont pas renoncé au choix du port de San Pedro pour l’exportation des futurs concentrés de lithium du pays. Leo Lithium, la société en charge de l’extraction de ces minerais, envisage d’ajouter le port de Dakar comme alternative. Cependant, le fret malien serait à moins de 1 000 km de la Guinée, contre près de 1 500 km pour le port de Dakar.
Les autorités guinéennes ne manquent pourtant pas d’ambition dans ce domaine, comme l’illustrent l’extension et la modernisation du port de Conakry par la société turque Alport depuis 2019. Elles ont également doté le Mali d’un quai spécial et rénové les zones de stockage du coton malien destiné au marché international. Par ailleurs, en août 2020, le gouvernement guinéen a entamé des discussions avec des investisseurs allemands afin de lever des fonds pour la construction du chemin de fer Conakry-Bamako, qui pourrait aller jusqu’à Niamey. Cependant, la détérioration de la situation politique a mis ce projet en suspens.
En comparaison, le Maroc, pays où règnent la confiance et la stabilité, domine l’arène portuaire du continent depuis quelques années. Dans son dernier rapport World Container Port Performance, la Banque mondiale classe Tanger Med comme le troisième port le plus dynamique au monde, et le premier en Afrique. Il se distingue également par sa capacité à traiter rapidement les marchandises, grâce notamment à la modernisation de sa logistique, ainsi qu’à la sûreté et à la sécurité des marchandises stockées. Il dispose également de bonnes routes et de facilités de stationnement pour les poids lourds. Le Royaume chérifien se distingue également par sa proximité avec le marché européen et sa capacité à attirer d’importants investissements étrangers pour financer des projets de grande envergure. Par exemple, le Financial Times rapporte que le Royaume a été classé 3ème parmi les 50 économies les plus attractives pour les investissements étrangers. Cela donne au Maroc un avantage considérable sur la Guinée.
En somme, il n’est pas trop tard pour que les autorités guinéennes se repositionnent, compte tenu des liens historiques, politiques et culturels qui les unissent aux pays du Sahel. Le développement d’infrastructures telles que le port en eau profonde de Morebaya, avec sa jetée de 18 km, aurait été une excellente occasion de renforcer ces liens commerciaux avec les États frères que sont le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad.
Mohamed Lamine SIDIBE
Spécialiste des questions minières/Transition Energétique/Géopolitique