Par Rose-Marie Bouboutou–Poos
Le sous-emploi en France représente non seulement un défi social, mais également une charge économique significative. Selon une étude récente de France Stratégie, le coût des inégalités d’accès à l’emploi et aux postes qualifiés atteint un montant colossal équivalant à 7% du produit intérieur brut (PIB), soit environ 150 milliards d’euros. Ces chiffres mettent en lumière l’impact dévastateur du sous-emploi sur l’économie nationale, soulignant l’urgence d’adopter des politiques et des initiatives visant à réduire les disparités sur le marché du travail.
Le sous-emploi, ce poids économique qui pèse sur tant d’individus, frappe de manière disproportionnée certaines catégories de travailleurs, exacerbant les inégalités au sein de notre société.
Le sous-emploi peut être défini comme une situation où une partie de la main-d’œuvre disponible n’est pas pleinement utilisée, soit en raison du manque d’opportunités d’emploi adéquates, soit en raison de la sous-utilisation des compétences des travailleurs. Une autre perspective du sous-emploi considère une condition où les travailleurs occupent des emplois qui ne nécessitent pas pleinement leurs qualifications, conduisant à un gaspillage de ressources humaines et à une productivité suboptimale.
Les femmes et les populations « issues de la diversité » sont les premières à subir ces discriminations dans le monde du travail, créant des disparités économiques qui vont au-delà de l’individu pour impacter l’ensemble de notre économie.
Bien que les statistiques officielles puissent montrer des taux de chômage relativement bas, la réalité insidieuse du sous-emploi révèle une histoire différente, une histoire de lutte et de résilience face à un système qui ne fonctionne pas à son plein potentiel et expose les fissures dans notre structure économique. Le sous-emploi persistant constitue une menace insidieuse qui entrave le progrès économique tant au niveau microéconomique que macroéconomique. Il est impératif de comprendre les méfaits profonds de cette réalité et d’adopter des solutions tant au niveau individuel que collectif pour bâtir un avenir économique plus robuste.
En l’absence de statistiques ethniques, notamment en France, le phénomène est difficile à quantifier. Toutefois en tant qu’africains de la diaspora nous avons tous de manière disproportionnée dans nos entourages des diplômés d’université qui exercent des fonctions de préparateurs de commande, vigiles, caissières, femmes de chambre, etc.
S’il n’existe pas de sots métiers, ces emplois sont largement sous-qualifiés. Au point qu’il est parfois tabou entre « immigrés » de poser la question « quel travail fais-tu ? ».
Le sous-emploi n’est pas seulement un fardeau individuel, il constitue également une entrave significative à la santé globale de notre économie. Les coûts associés au sous-emploi s’étendent bien au-delà des frontières des foyers individuels, laissant une empreinte durable sur la prospérité nationale.
Les coûts directs et indirects du sous-emploi sont considérables.
Au niveau microéconomique, le sous-emploi exerce une pression écrasante sur les individus et les ménages. Les travailleurs qui n’utilisent pas pleinement leurs compétences et leur potentiel contribuent à une productivité sous-optimale, tandis que les revenus stagnent. Cela se traduit par une croissance économique ralentie, compromettant la compétitivité globale du pays sur la scène internationale. Cette stagnation affecte la qualité de vie et peut entraîner des cycles intergénérationnels de difficultés économiques.
Les travailleurs sous-employés sont souvent confrontés à des salaires plus bas, entraînant une réduction du pouvoir d’achat et, par conséquent, un ralentissement de la demande globale. Cela crée un cercle vicieux où les entreprises, face à une demande en baisse, sont réticentes à investir et à embaucher davantage, contribuant ainsi à maintenir le sous-emploi.
Au niveau macroéconomique, le sous-emploi a des conséquences dévastatrices sur la croissance économique. Les économies qui n’utilisent pas efficacement leur main-d’œuvre risquent de stagner, de perdre son dynamisme et de voir diminuer sa capacité d’innovation, entrainant ainsi le déclin.
De plus, le sous-emploi engendre une pression accrue sur les filets de sécurité sociale, car les travailleurs touchés peuvent dépendre davantage des prestations sociales pour subvenir à leurs besoins. Cela place un fardeau supplémentaire sur les finances publiques, réduisant la capacité du gouvernement à investir dans des initiatives visant à stimuler la croissance économique.
Selon une étude récente de France Stratégie, le coût des seules inégalités d’accès à l’emploi et aux postes qualifiés est estimé à 7% du PIB, soit 150 milliards d’euros. Ces chiffres témoignent de l’ampleur des pertes économiques résultant de l’injustice sociale.
Une étude menée au Canada par Deloitte va encore plus loin, mettant en évidence le potentiel inexploité des travailleurs sous-employés, y compris les travailleurs migrants. Si les qualifications, les compétences et l’expérience professionnelle de ces individus étaient reconnues et si les obstacles systémiques étaient supprimés, l’économie pourrait enregistrer des gains substantiels de 13,4 à 17,1 milliards de dollars par an.
Au-delà des chiffres, le sous-emploi génère une atmosphère de mécontentement et de désenchantement au sein de la population. Les conséquences sociales de cette frustration peuvent se manifester par des tensions accrues, des inégalités croissantes et un climat général d’instabilité.
Les travailleurs sous-employés font face à des conséquences dévastatrices sur le plan financier, professionnel et psychologique. En tant que coach emploi, je vois au quotidien ces méfaits dans les vies des salariés. Un emploi qui sous-utilise leurs compétences et qualifications acquises au fil des années peut engendrer frustration et découragement. Ces individus, qui aspirent à contribuer pleinement à la société, se voient souvent relégués à des rôles qui ne tirent pas pleinement parti de leur potentiel.
Sur le plan financier, le sous-emploi est synonyme de salaires stagnant et d’opportunités d’avancement limitées. Les travailleurs, piégés dans des emplois précaires ou à temps partiel, luttent pour joindre les deux bouts et planifier un avenir financier stable. Les effets de cette instabilité financière s’étendent au-delà de l’individu, touchant également les familles et les communautés.
Sur le plan professionnel, le sous-emploi entrave le développement de carrière. Les travailleurs compétents, mais mal utilisés, voient leur motivation s’effriter au fil du temps. Cela entraîne non seulement une perte de productivité pour les entreprises, mais également une démoralisation au sein de la force de travail.
Au niveau psychologique, le sous-emploi peut avoir des effets dévastateurs sur la santé mentale des travailleurs. La frustration résultant du sentiment de ne pas être pleinement reconnu et utilisé dans son travail peut conduire à une perte de confiance en soi et à des problèmes de bien-être émotionnel (dépression, burn-out, brown-out, bore-out).
Il est impératif que nous reconnaissions ces inégalités et que nous agissions de manière décisive. En investissant dans l’élimination des discriminations sur le lieu de travail, en promouvant l’égalité des chances et en créant des politiques inclusives, nous pouvons non seulement améliorer la vie des individus, mais aussi stimuler notre économie dans son ensemble.
Pour lutter contre ces méfaits au niveau microéconomique, il est crucial de promouvoir l’éducation et la formation continue. Les individus doivent être équipés des compétences nécessaires pour s’adapter aux évolutions rapides du marché du travail. Les entreprises peuvent également jouer un rôle essentiel en investissant dans le développement des compétences de leurs employés, favorisant ainsi une main-d’œuvre plus qualifiée et plus flexible.
Les gouvernements doivent adopter des politiques qui encouragent la création d’emplois de qualité et soutiennent les secteurs en croissance. Des incitations fiscales ciblées, des investissements dans les infrastructures et des réformes structurelles peuvent stimuler l’emploi et créer un environnement économique propice à la prospérité.
En outre, les efforts pour stimuler l’entrepreneuriat et soutenir les petites entreprises peuvent également jouer un rôle clé dans la lutte contre le sous-emploi. Ces entreprises sont souvent des moteurs d’innovation et de création d’emplois, contribuant ainsi à dynamiser l’économie dans son ensemble.
L’éradication du sous-emploi sous toutes ses formes n’est pas seulement une question de justice sociale, c’est une nécessité économique pour une prospérité durable. La prospérité économique réside dans la pleine utilisation du talent de chaque individu, éradiquant ainsi les méfaits du sous-emploi qui entravent notre route vers un avenir plus florissant.
Par Rose-Marie Bouboutou–Poos, Coach emploi