Rares sont les pays à impliquer leur diaspora dans l’élaboration de la stratégie de développement national ! Jeudi 26 janvier à Rabat, le Ministère de l’industrie et du commerce a montré la voie en organisant avec le CCME (conseil de la communauté marocaine à l’étranger), un atelier de concertation stratégique impliquant des hautes compétences des Marocains du monde autour de ces questions cruciales : comment tirer un meilleur profit de la transition économique, digitale, énergétique et faire de l’industrie un pilier de la souveraineté du Royaume ? Convié par les organisateurs, Samir Bouzidi, expert international en mobilisation des diasporas africaines et ceo de la startup Impact Diaspora, était présent pour partager un profilage data des Marocains du monde (MDM) dans l’industrie mondiale. Ci-dessous ses principaux décryptages et conseil :
La conjoncture internationale est favorable à l’engagement des Marocains du monde et des diasporas africaines
En préambule, le Maroc voit juste par le lancement d’un tel processus inclusif avec sa diaspora. D’abord, par leurs contributions potentielles (capital, compétences, soft power….) les Marocains du monde sont des partenaires clés et loyaux au service du développement et des grands défis du Maroc (résilience, souveraineté…). Sur la forme, oui, pour gagner les compétences MDM, la co-construction de stratégies ou de programmes doit être la règle ! Le timing de cette rencontre est également très opportun (un signal fort envoyé à la diaspora), eu égard au contexte identitaire de plus en plus compliqué en France et Europe (stigmatisation des musulmans avec les évènement en Palestine, loi immigration en France…). Enfin, le brio et la personnalité du Ministre, Ryad Mezzour, lui-même une compétence issue de la diaspora, est un atout indéniable pour accélérer la confiance parmi des MDM sceptiques dès lors qu’il s’agit d’investir (hors immobilier) au Maroc.
Lever les doutes d’abord en clarifiant les opportunités
A priori, faire investir les Marocains du monde, intrinsèquement peu investisseurs au Maroc, dans une industrie aux tickets d’investissement réputés élevés, est un sacré défi ! Cela passe indéniablement par la réduction sur le temps long, des nuisances qui brouillent la perception économique du pays chez les MDM. Ce prisme informationnel qui conditionne les MDM est largement autoalimenté par le ‘bashing’ des MDM eux-mêmes qui partagent massivement sur les réseaux sociaux, leurs expériences négatives au « pays » (administration, arnaques….). Il y aussi l’influence des médias étrangers (dans les pays d’accueil) qui, délibérément ou non, informent mal des réalités marocaines.
Profilage des marocains du monde
Enfin et plus surprenant, les familles au « pays » poussent désormais à l’émigration garante à leurs yeux de transferts financiers pérennes plutôt qu’à la réinstallation… Autre postulat stratégique clé : intégrer la complexité de la cible des MDM. Dans son lien avec le Maroc, la diaspora est en réalité composée de six segments très différenciés dont deux à peine sont susceptibles d’être intéressés par l’investissement. Par ailleurs, Il faut rappeler ces autres singularités inhérentes aux IDD (investissements directs diaspora) : très souvent, les entrepreneurs de la diaspora ne sont pas eux-mêmes entrepreneurs dans leur pays d’accueil (mais davantage des hauts cadres) ; ils investissent avec leur épargne (autour de tickets plus réduits) qu’ils n’ont pas toujours les moyens de perdre ; enfin ils sont fortement attirés par les domaines à fort impact social portés par l’innovation mondiale : NTIC, énergie, santé, agroalimentaire, transport et mobilité par exemple.
Les MDM exercent dans tous les secteurs industriels clés pour le Maroc
Assurément, le Maroc peut s’appuyer sur une puissante communauté exerçant dans les plus grandes entreprises industrielles au monde. Ci-dessous, les principaux enseignements issus du profilage des MDM dans l’industrie, établi par Impact Diaspora pour le Ministère de l’industrie et du commerce :
- Les pays comptant le plus de MDM dans l’industrie (valeur absolue) : France, Canada, USA, Allemagne, Espagne et UAE
- Près d’1 MDM sur 4 exerce dans le secteur des machines et équipements
- Près d’1 MDM sur 4 est dans les secteurs pétrole, gaz, ressources naturelles, chimie et plasturgie…
- 1 MDM sur 5 est dans l’automobile et l’électronique
- Près de 50% sont ingénieurs, cadres ou chefs d’entreprise.
Cibler 10/15 projets structurants respectant les profils, capacités et motivations des MDM
Tout comme pour les IDE, mobilier les IDD est davantage une question d’écosystème (et de cadre de vie) que de dispositif et d’incentives spécifiques. Vis-à-vis des MDM, il faudrait privilégier tout ce qui peut faciliter sur le temps court, un gain de temps au niveau des administrations et un gain d’intérêt par une communication clarifiant les d’opportunités…
Précisément, la stratégie du Ministère de l’industrie et du commerce devrait s’articuler prioritairement autour d’opportunités mesurées et parfaitement identifiables par les MDM des segments et secteur cibles. Par exemple, mettre en avant 10/15 projets structurants soit autant de challenges « win win » respectant cette double dimension en termes d’impact : économique/social et national/local. Pour gagner en impact, ces challenges doivent attiser le sentiment de fierté nationale et cibler les contributions à 360° des MDM stratégiquement utiles pour mener à bien le projet : capital, compétences, soft power, dons, clients/acheteur…Autre levier important, le story-telling des projets autour des mantras « investir » et « s’investir » pour élargir les cibles et ce par des campagnes one-to-one. Exemples de narratif qui parle à la diaspora : « Avec vous, lancer la première voiture marocaine à l’hydrogène » ; « Avec vous, atteindre l’autonomie énergétique par le projet XXXX solaire » .
Par ailleurs, le Ministère gagnerait à implémenter un réseau d’ambassadeurs de l’industrie marocaine (par écosystème, zone…) au sein des MDM. Leur rôle pourrait consister tant à relayer les opportunités à l’étranger pour le Maroc que promouvoir le site marocain, assurer le networking lors des déplacements d’officiels, bonifier les participations aux salons et foires…. Fil rouge de ces premières actions stratégiques : les big-data, le digital et l’AI qui sont aujourd’hui de puissants leviers d’identification et d’engagement des diasporas en général et des MDM en particulier.
Samir Bouzidi