Par Ould Amar Yahya, Economiste, Banquier et Financier.
Intervenant par Visio conférence depuis Paris lors du panel inaugural de la 48 Assemblée Générale de la FANAF (Fédération des sociétés d’assurance de droit national africaines), le 19 février à Nouakchott, l’expert mauritanien Yahya Ould Amar estime que l’assurance est le parent pauvre des politiques publiques en Afrique.
Les développements de l’industrie de l’assurance et des marchés financiers en Afrique sont les oubliés à tort des décideurs publics et de leurs partenaires du développement. Il s’agit, pourtant, de sujets qui façonneront notre avenir collectif en cet âge de l’intelligence artificielle, des drones, des cyber attaques, des pandémies, du changement climatique et de d’autres bouleversements en cours.
Une nouvelle ère d’innovation sans précèdent est en train de submerger le continent africain où le paysage de l’assurance se dessine avec des contours fascinants, révélant des opportunités extraordinaires.
Dans cette symphonie du futur, le secteur de l’assurance ne peut être un simple spectateur. Il doit être l’orchestrateur d’une transformation positive, un architecte du progrès, un catalyseur de la croissance des économies africaines.
Comme l’exprimait déjà Platon il y a près de 2 500 ans, « le besoin crée l’organe », et jamais cette maxime n’a été aussi pertinente que dans le domaine de l’assurance en Afrique.
Il y a un paradoxe défiant les lois économiques empiriques, celui d’une croissance économique régulière dans la plupart des pays et d’un secteur de l’assurance largement sous-dimensionné. Ce qui, au passage, ouvre aujourd’hui d’importantes possibilités de croissance pour rattraper celles des PIB respectifs.
L’Afrique, terre de promesses et de défis, connaît une diversité de risques qui exige une réponse plutôt visionnaire, quant au développement de son industrie de l’assurance, pilier invisible de sa croissance économique et puissant facteur d’amélioration du bien-être de sa population.
Cette réponse prend sa source dans diverses théories économiques et dans l’expérience de ceux qui connaissent l’Afrique.
La place centrale de l’assurance dans les dynamiques économiques
Je pense, tout d’abord, à la théorie économique de base et à l’idée que l’assurance est bien plus qu’un service financier, qu’elle est une réponse pragmatique à l’imprévisibilité inhérente à notre existence économique et aux implications que cela a sur le bien-être collectif.
Puis à la théorie de la gestion des risques qui considère les marchés du risque d’une importance fondamentale pour tout progrès où l’assurance joue un rôle de premier plan en offrant une toile de sécurité sur laquelle les acteurs économiques peuvent bâtir leurs ambitions, dans une danse subtile entre prudence et audace. Là où l’industrie de l’assurance offre une couverture contre les incertitudes, les entreprises transforment ces incertitudes en opportunités. L’économie, telle une fresque en perpétuel mouvement, est constamment modelée par les aléas et les incertitudes.
Puis à la théorie de l’agence, qui traite de l’asymétrie de l’information, des intérêts divergents et de la motivation, où l’assureur jongle habilement entre ses propres intérêts commerciaux et son devoir moral envers ses clients, afin de garantir une gestion équitable et transparente des risques.
Et enfin, au-delà de tout ce qui précède, il y a l’économie comportementale, qui éclaire sur la véritable condition humaine et explique pourquoi certaines de ces théories peuvent sembler difficiles à concrétiser et comment les comportements humains jouent un rôle crucial, influençant les choix de souscription, les niveaux de couverture et même les réactions face aux sinistres.
Toutes ces théories, résument la vision réelle de l’importance de l’assurance dans le développement économique.
Le rôle de l’assurance dans le développement économique
Le secteur de l’assurance est un pilier essentiel du développement économique et social, offrant une protection financière, favorisant l’investissement en réduisant l’incertitude, soutenant les entreprises en couvrant la responsabilité civile, les biens, les employés, assurant la stabilité financière et contribuant à la création d’une société plus résiliente face aux risques.
Les analyses empiriques sur la causalité entre la croissance de l’assurance et la croissance économique, montrent que dans la plupart des pays, il existe une causalité bidirectionnelle, ce qui suggère qu’une augmentation de la croissance économique conduit à la croissance de l’assurance et vice versa.
Quelles réformes pour développer l’industrie de l’assurance face aux enjeux immédiats et futurs
Il est prioritaire que des lois et règlements ayant pour objectif d’encourager le développement du secteur de l’assurance soient appliquées, que les autorités de régulation accompagnent le développement du secteur avec un mandat et des financements appropriés. Cela vise à soutenir et embrasser entre autres la révolution numérique, pour prendre en compte les enjeux liés aux risques émergents, pour faciliter la collaboration entre le secteur de l’assurance et les acteurs du secteur public. Il est primordial d’encourager l’adoption de nouvelles formes d’assurance qui répondent aux besoins changeants de la société. La régulation doit être une boussole orientée vers l’avenir, guidant le secteur à travers les défis et les opportunités d’un monde en mutation constante.
Eu égard aux coûts excessifs pour les ménages à faibles revenus du poids de certains sinistres, les faisant basculer dans l’extrême pauvreté, à la nécessité d’encourager les développements de projets d’infrastructures et des énergies renouvelables via des assurances, les gouvernements doivent établir des régimes de subventions et des incitations fiscales encourageant une protection durable de l’économie et des populations.
Ces subventions de primes d’assurance et ces incitations fiscales sont le prix de la stabilité et la voie vers la prospérité.
Enfin il est indispensable de développer un marché unique de l’assurance en Afrique, c’est-à-dire un espace économique, qui permet la libre circulation, la libre prestation, le libre établissement, des acteurs du secteur. Ce marché unique permettrait de renforcer l’intégration, la compétitivité et la régulation du secteur.
Quelles adaptations s’annoncent pour l’industrie de l’assurance
L’industrie de l’assurance est à l’aube d’une ère futuriste. Elle va vers une Modification de ses méthodes de calcul des primes d’assurance : l’Intelligence Artificielle, la Blockchain, l’Internet des objets offrent au secteur de l’assurance une opportunité sans précédent de repenser ses modèles opérationnels, d’optimiser sa tarification des risques et de promouvoir la prévention via l’exploitation des données en temps réel pour ajuster dynamiquement les primes.
Elle va vers de nouveaux produits d’assurance, tels que : l’Assurance Cyber contre les risques liés aux cyberattaques, l’Assurance des Véhicules Autonomes, l’Assurance de l’Intelligence Artificielle pour les entreprises couvrant les erreurs potentielles de celle-ci, l’Assurance Pandémie, l’Assurance des Objets Connectés, l’Assurance Météo en raison du changement climatique, l’Assurance de la Santé Connectée, l’Assurance de la Blockchain couvrant les risques liés à la gestion des contrats intelligents.
De l’industrie d’assurance et de la nécessité du développement de marchés financiers africains
Les assureurs africains subissent aujourd’hui l’érosion de la valeur de leurs actifs et de leur rendement réel, conjuguée à une augmentation de leur passif, en raison de l’inexistence de marchés financiers ayant une taille et une liquidité suffisante, avec des instruments de couverture adaptés à un environnement inflationniste, tels que des instruments indexés sur l’inflation.
L’assurance et les marchés financiers sont des partenaires naturels dans la gestion du risque. Les marchés financiers permettent aux assureurs de réaliser des investissements dans des instruments financiers appropriés.
Le secteur de l’assurance permet aux institutions financières de gérer et d’atténuer divers risques inhérents à leurs activités : risque de fraude, de malveillance, de conformité, de responsabilité civile, de confirmation de certaines opérations financières, de défaut, …. Et cela contribue à renforcer la stabilité et la résilience du système financier dans son ensemble.
Plus précisément, les marchés financiers jouent un rôle essentiel dans le financement de l’économie, la mobilisation de l’épargne, la gestion des risques, l’allocation efficace des ressources, la promotion de la croissance et la réduction de la pauvreté.
La symbiose inextricable entre ces deux secteurs, nous invite à adopter une approche holistique où leurs développements se conjuguent pour édifier des sociétés africaines plus prospères et résilientes. C’est dans cet élan que se dessinent les contours d’une nouvelle ère, où les marchés financiers et le secteur de l’assurance deviennent les piliers d’une croissance économique inclusive dans une Afrique consciente de son potentiel et résolue à forger son propre