Encore trop tôt pour tirer des conclusions. Mais, dans le timing, le procédé et l’acharnement, il semble que l’agression sanglante au poignard dont notre consoeur Maimouna Ndour Faye, patronne de la 7TV, a été victime dans la nuit du jeudi au vendredi, aux environs de 2 heures du matin, par un individu qui l’attendait de pied ferme devant son domicile, porte la signature indélébile des mêmes escadrons de la mort qui essaient d’imposer l’argument de la force à la force de l’argument dans une démocratie sénégalaise où il manque cruellement de démocrates et de défenseurs neutres et désintéressés de la liberté d’expression.
Comment expliquer autrement que ce soit au terme d’un grand entretien avec le député Farba Ngom, membre de la mouvance présidentielle et proche du président de la République, Macky Sall, que MNF comme on l’appelle soit appréhendée ?
Loin d’être isolé, cet acte terroriste prolonge une longue liste de tentatives de museler la liberté d’expression en menaçant la presse, les juges et les avocats. L’on se rappelle ainsi, de l’attaque de la chaîne de Télévision TFM (Groupe Futurs Médias), de sa radio et de son journal en mars 2021 et du saccage des locaux du journal « Les Echos » au cours de la même année suite à la publication d’une information faisant état d’un guide religieux qui a contracté le coronavirus.
Qui a encore oublié l’autodafé en plein jour de la maison de l’avocat El Hadji Diouf, coupable de défendre l’ex masseuse Adji Sarr dans l’affaire l’opposant à l’homme politique Ousmane Sonko ?
Dans un pays fortement polarisé, l’on aura remarqué le silence de la société civile, des intellectuels et des hommes de médias quand la maison d’un chroniqueur est mise à sac au milieu de la nuit.
Le même silence coupable a accompagné du regard l’incendie de la maison de Farba Ngom, celui là même qui était invité hier par MNF. De même l’on s’est à peine ému que l’ancien ministre du Sport, reçoive en pleine journée des escadrons encagoulés qui mettront le feu à sa maison et à une mosquée voisine, victime collatérale d’une tentative d’intimidation de masse. Dans un Sénégal où les intellectuels, les universitaires et les libres penseurs, n’osent plus dénoncer la bête immonde, la démocratie est en grand danger. La peur bien bourgeoise s’empare des élites qui baissent la tête comme autrefois à Munich. Même l’Etat de droit, dépositaire du monopole de la violence légitime, semble dépassé.
En réalité, plus que le feu et les coups de poignards, c’est le silence accommodant des élites qui aura fait le plus de mal à une démocratie livrée à la seule grille de lecture des médias main stream. Ces derniers, c’est connu, sont encore accrochés au cliché constant du dictateur africain réprimant des manifestants pacifiques, désarmés, la fleur à la main.
Qui donc pour faire l’exercice de la complexité en expliquant ce qui se passe au Sénégal? De l’autodafé de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar aux menaces formulées sur les réseaux sociaux envers ceux qui osent démentir une certaine bien pensance, ce pays a vu le champ des libertés d’expression se restreindre dramatiquement.
D’où aujourd’hui l’incompréhension quant au projet présidentiel d’amnistie alors que les causes de nombre de morts, de saccages, d’incendies et de pillages ne sont pas encore élucidées. En espérant que MNF sorte encore plus grande de cette attaque, gageons que pour une fois, la société civile, ou ce qu’il en reste après les gras subsides de George Soros et de l’Open Society, prenne ses responsabilités en se posant en défenseur de la liberté d’expression, toute la liberté d’expression, et de l’intérêt général, et rien que de lui, et non en plastronnant en partisan, affirmé ou encagoulé, d’un camp ou d’un candidat face à un autre.