Par Mme Astou Rose GAYE, Directrice des Partenariats & des Projets Structurants de la Banque de l’Habitat du Sénégal.
Dans le cadre du Forum sur le Financement du logement organisé le 15 mars 2024 à Abidjan, nous avons suivi avec attention la présentation du modèle BHS de financement du logement via les Coopératives d’Habitat par Mme Astou Rose GAYE, Directrice des Partenariats & des Projets Structurants au sein de l’intitution financière spécialisée. Compte tenu de l’intérêt suscité par sa présentation, Mme GAYE a accepté à la demande de Financial Afrik d’aller plus loin à travers cette chronique résumant son intervention. Un bref aperçu du Forum d’Abidjan en attendant la restitution générale dans le prochain mensuel de Financial Afrik (15 mai 2024).
Le financement du logement et plus spécifiquement l’accompagnement des primo accédants connaît beaucoup de contraintes dont les principales sont les suivantes :
• La faiblesse des revenus des ménages ;
• Les contraintes de quotité cessible dans l’étude de solvabilité par les banques ;
• L’exigence d’apport personnel par les institutions financières ;
• La disponibilité du foncier et son coût ;
• La délivrance des titres de propriété ;
• Etc.
Le regroupement en coopérative permet à défaut d’annihiler les contraintes relevées ci-dessus, de les alléger par des mécanismes innovants de solidarité dans l’effort. La mutualisation de la phase d’épargne à travers les cotisations des membres donne ainsi à celle-ci un plus grand pouvoir d’achat et une force de négociation. Par ailleurs, le concept de la mobilisation progressive de l’épargne constitue un levier important dans la prise en charge des exigences d’apport personnel ainsi que la solvabilisation des membres.
Le modèle coopératif a été adopté par beaucoup de structures aussi bien publiques que privées dans leur politique sociale destinée à fixer et fidéliser leur personnel (subventions, bonifications de taux etc…). Il permet de participer de manière plus efficiente à l’offre de logements standards pouvant atteindre une plus grande communauté et ainsi, de régler les inégalités sociales au sein d’une organisation. La BHS a très tôt été consciente du fait que le succès du financement du logement social devait nécessairement passer par les coopératives d’habitat pour atteindre plus de particuliers et contourner la cherté des logements construits par les promoteurs publics et privés. Elle a mis en place, en plus d’un service d’assistance des coopératives, des mécanismes de mobilisation et de stabilisation de l’épargne des coopératives par des produits adaptés, PELCOOP, PEL individuel, PEL spécial (pour le secteur informel) et accordé des conditions de financement préférentielles pour la coopérative et ses membres.
Pour revenir sur l’assistance aux coopératives, il faut préciser que les groupes de personnes désireux de se constituer en coopérative, quelle que soit leur couche sociale, sont encadrés,orientés, conseillés jusqu’à la constitution effective de la coopérative en tant que personne morale. Cet accompagnement se poursuit jusqu’à la mise en place d’un projet immobilier satisfaisant pour l’ensemble des membres.
En attendant cette perspective et dans le but de faciliter la collecte et de sécurisation de leur épargne, il est mis à leur disposition un compte courant sans frais dont le fonctionnement est entièrement gratuit, avec la possibilité de placement de leur capital en attendant la maturation d’un projet. Le regroupement en coopérative présente des avantages certains par rapport à une acquisition auprès de promoteursprivés, ou à l’auto-construction.
Au-delà de la démocratisation de l’accès au logement, du fait que les coûts de sortie des logements sont en général largement en-deçà des prix pratiqués par les promoteurs immobiliers, il permet également des économies d’échelle sur les intrants de la production de logements. Le principe étant de répartir le prix de revient des logements aux membres sans pour autant viser de marge bénéficiaire. Les clés de répartition étant définies par la coopératives selon des critères choisis.
Nous avons également noté un autre avantage lié à la baisse de la fiscalité par l’application de frais de partage en lieu place des frais de mutation. Le modèle de financement que nous avons expérimenté, s’est en réalité appuyé sur ces différentes contraintes pour créer des mécanismes ou des produits à même de répondre à cette problématique du logement. Il repose sur un partenariat tripartite avec des engagements visant la réussite d’un programme immobilier.
La réussite du financement de projet immobilier repose en général sur le succès de sa commercialisation. Le promoteur réalise son programme avec un minimum de ventes ou pas du tout et met en œuvre une stratégie de marketing et de vente pour pouvoir écouler ses produits. Le schéma de financement des coopératives d’habitat, cependant repose essentiellement sur la commercialisation en amont.
Les programmes sont en général, imaginés et réalisés, en tenant compte de la capacité d’endettement de chaque membre, pour proposer des unités standards accessibles à toutes les couches de la coopérative. Les membres de la coopérative d’habitat peuvent bénéficier de divers autres mécanismes de solvabilisation et de l’adaptation du logement à la quotité par la révision des standards de l’offre. Le principe est de permettre une production de chaîne et la livraison de logements évolutifs que les uns et les autres pourront modifier ou améliorer à leur guise en fonction de l’évolution de leurs revenus, et que tous les membres de la communauté puissent bénéficier d’un logement décent.
En définitive, le financement des coopératives d’habitat repose en réalité sur deux grands postulats qui favorisent l’autoliquidation des engagements de la coopérative, à savoir :
• L’accompagnement en amont des coopératives avec des mesures particulières, et des avantages personnalisés mais aussi une discrimination positive en termes de taux d’intérêts et d’implication.
Nous élargissons régulièrement la gamme de produits offerte aux coopératives le dernier en date étant le crédit foncier. Le foncier est sécurisé par le biais de concours remboursable à court terme ou relayé par un crédit de viabilisation et, ou de construction.
• l‘accompagnement en aval des acquéreurs du programme avec des conditions préférentielles qui peuvent aller de l’exonération totale de l’apport personnel à l’allongement de la durée d’activité jusqu’à 25 ans, selon le profil des adhérents.
Nous pouvons citer la signature des conventions de financement avec les coopératives d’habitat de certaines structures, à travers lesquelles l’offre est généralisée aux autres produits de la Banque.
La BHS a également adopté un politique plus souple sur les garanties et autorise les coopératives à réaliser les logements, à les livrer aux membres, en attendant la création des titres individuels, la formalisation et l’effectivité de la garantie de la Banque dès lors qu’elle dispose d’une sûreté réelle sur le titremère. Ce modèle a permis la construction de milliers de logements, par le biais des coopératives d’enseignants, de corps habillés, ou d’autres collaborateurs de structures privées de la place. Il reste entendu qu’il y a néanmoins des difficultés sur le financement des coopératives d’habitat que nous relevons, autant en phase d’étude qu’en phase de financement.
Une liste non exhaustive, répertoriant lesdites difficultés est présentée ci-dessous :
❖ EN PHASE ETUDE
o Accès au foncier et régularisation des titres souvent très lente et ou onéreuse
o Les lenteurs administratives pour la création de la coopérative
o Problèmes de formalisation et de structuration du projet
o Hétérogénéité des membres de la coopérative qui fait qu’ils sont obligés de proposer une large typologie de logements
o L’éligibilité des membres pour des crédits acquéreurs individuels
o Maîtrise des coûts pour que les produits restent accessibles aux membres
o Inexpérience des dirigeants de la coopérative
❖ EN PHASE REALISATION
o La gestion des partenaires (entrepreneurs, promoteurs, etc.)
o Le respect du programme et des délais de réalisation
o La qualité des travaux et le respect des normes
o Le respect des engagements par la coopérative en tant que personne morale et ses membres en tant que personnes physiques.
Comme indiqué tantôt, durant les différentes phases, la BHS poursuit l’accompagnement et assiste les coopératives sur le plan administratif. Elle leur apporte conseils et assistance dans la phase études techniques et financières, ainsi que durant la phase de réalisation.
Il leur est par ailleurs offert à titre gracieux, un suivi pendant la phase de réalisation des travaux par nos équipes techniques, qui participent aux réunions de chantier et tiennent périodiquement des réunions d’évaluation pour le respect du planning d’exécution.
Perspectives d’amélioration de l’offre aux coopératives d’habitat
Afin d’améliorer le financement, les pistes de solutions ci-après évoquées ont été retenues :
o Faciliter l’accès au foncier pour les coopératives dûment constituées, gratuité du foncier
o Dématérialiser les procédures et éviter les lenteurs administratives (agréments, bail, etc.)
o Mise en place des guichets uniques facilitant la création des coopératives et digitalisation du process
o Mise en place des mécanismes de garanties pour l’accompagnement des coopératives du secteur informel (FHS – FONGIP)
o la promotion de logements écologiques pour donner aux bailleurs la possibilité de lever des fonds et de pouvoir financer à des taux concessionnels
Dernier mot !!
Malgré les contraintes, nous restons convaincus que les coopératives d’habitat offrent une voie alternative et durable pour répondre aux besoins en logement. Leur modèle démocratique, leur accessibilité financière et leur engagement communautaire en font une option attrayante pour les personnes cherchant un logement abordable et durable. Malgré les défis de financement et de gestion, les succès de nombreux projets au Sénégal et à travers le monde démontrent le potentiel des coopératives comme solution viable pour l’accès au logement.
BIO EXPRESS de Mme Astou Rose GAYE
Mme GAYE après une solide formation en Audit & révision comptable en Tunisie, y a effectué ses pas professionnels au Cabinet KPMG, avant d’intégrer le mythique Cabinet Mayoro Wade à son retour au Senegal. Alors qu’elle rêvait d’une carrière d’Expert-Comptable, un concours de circonstance l’a fait intégrer le milieu Bancaire, pas dans les fonctions d’audit mais plutôt Commerciales à la Banque de l’Habitat du Sénégal en 1997. A la curiosité de découvrir l’entreprise, s’est greffée une vocation, celle d’aider les Sénégalais à réaliser leur projet de vie ; avoir un chez-soi ! « Aider les Sénégalais à avoir ce qui m’avait manqué le plus dans mon enfance, un foyer stable, un logement décent à moindre coût, confesse Mme GAYE». A la BHS, elle a gravi toutes étapes de la ligne Commerciale avant de prendre en charge en 2016 la Direction de l’Exploitation, cœur de l’activité des Promoteurs Immobiliers et des Coopératives d’Habitat, donc cœur de métier de la BHS. Et c’est tout naturellement qu’après avoir formé la relève qu’elle rejoint la Direction Générale, d’abord en qualité de Directrice Chargée de Mission, ensuite Conseillère du Directeur Général chargée des Partenariats et projets structurants. La nécessité de mieux développer et structurer certains grands projets ont conduit à la mise en place d’une Direction des Partenariats et des Projets Structurants, qui lui a été tout naturellement confiée. Une fonction où elle peut d’avantage rendre service à la Communauté des acteurs du logements en prenant en charge les questions stratégiques du secteur et de partage de l’expérience sénégalaise »