Par Dr Mohamed C.B.C DIATTA*
Par Dr Mohamed C.B.C DIATTA
Expert en Gestion et Politique de l’Eau, en Environnement et en Développement territorial, Coordonnateur de la Cellule de Suivi, de Promotion et de Capitalisation des Résultats du 9ème Forum mondial de l’Eau « Dakar 2022 ». Ministère de l’Eau et de l’Assainissement – Sénégal
Selon l’OMS, près de 2 milliards de personnes à travers le monde n’ont pas accès à l’eau potable salubre à leur domicile et plus du double ne disposent pas de services d’assainissement sûrs,une situation qui devrait s’aggraver dans certaines zones, notamment en Afrique en raison du changement climatique et de la croissance démographique.
Les conséquences aggravantes sont alarmantes : la baisse de productivité agricole, la hausse des prix des denrées alimentaires, le ralentissement de la croissance industrielle, l’augmentation des coûts de santé et d’assainissement et des centaines de millions de vies menacées.
Dès lors, il devient impératif d’explorer de nouvelles voies pour assurer la conservation durable de l’eau, particulièrement en Afrique.
Le « Blue deal » une réponse pragmatique pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement et bâtir une résilience et un développement harmonieux
Le 9ème Forum Mondial de l’Eau s’est tenu à Dakar au Sénégal du 21 au 26 Mars 2022. Ce cadre privilégié d’échanges et de réponses à la problématique de l’eau et de l’assainissement a été clôturé de la plus belle des manières avec une série d’engagements et d’initiatives prises par les parties prenantesdu Forum à travers la « Déclaration de Dakar ». Ce « Blue Deal » est un nouveau paradigme pour la « Sécurité de l’Eau et de l’Assainissement pour la Paix et le Développement », condition sine qua non pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) en Afrique et dans le monde à l’horizon 2030. C’est une approche très pragmatique pour résoudre la crise de l’eau et de l’assainissement, et bâtir une résilience et un développement harmonieux à tous les niveaux.
Cette déclaration se veut inclusive et holistique. Elle prend en compte parfaitement les enjeux et les défis relatifs aux changements climatiques, démographiques, sanitaires, financiers et alimentaires. Elle se fonde également sur l’urgence d’accorder plus d’attention aux enjeux liés au financement de l’eau et de l’assainissement, la réduction des inégalités et l’ouverture de perspectives pour les jeunes et les femmes. Ceci dans le but de faire de l’eau un outil de coopération de paix, d’intégration régionale et d’expression de la solidarité entre les pays et les peuples. Partant de ces fondamentaux, le « Blue Deal » appelle la communauté internationale à mettre en œuvre cinq axes fondamentaux pour un monde durable au sens de l’Agenda 2030 : (1) garantir le droit à l’eau et à l’assainissement pour tous ; (2) garantir la disponibilité de la ressource et la résilience ; (3) assurer les financements adéquats ; (4) assurer une gouvernance inclusive de l’eau ; (5) renforcer la coopération dans l’esprit de l’hydro-diplomatie.
Des progrès en vue d’inscrire dans les priorités de l’agenda 2030, l’eau et l’assainissement
Ainsi, dans le cadre de la capitalisation des résultats du 9èmeForum Mondial de l’Eau et pour prendre en charge les grands enjeux de l’heure, le Sénégal a mené des initiatives politiques et diplomatiques importantes pour placer le sujet de l’eau au cœur de l’agenda international et, dans une perspective plus large, le multilatéralisme.
Dans la suite des engagements du 9ème Forum mondial de l’Eau, le Sénégal a eu une détermination remarquable au niveau africain et global à travers des contributions dans la prise en charge des enjeux stratégiques autour de la gestion de l’eau pour la paix et pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) et qui a valu au Sénégal d’être un acteur clé dans le domaine de l’hydro-diplomatie.
Dans cette dynamique collaborative, le Sénégal a pris part en mars 2023, à la 2ème Conférence des Nations unies sur l’Eau qui s’est tenue à New York sur le thème « L’eau pour le développement durable » qui a découlé le 1er Septembre 2023, sur l’adoption par « consensus » de la « Résolution »intitulée « Suivi de la Conférence des Nations Unies consacrée à l’examen approfondi à mi-parcours de la réalisation des objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable » (2018-2028) ». Cette Résolution, dont le Sénégal fait partie des initiateurs, prévoit entre autres, (1) la convocation d’une Conférence des Nations Unies sur l’eau en 2026 et (2) la mise en place d’une stratégie onusienne sur l’eau et l’assainissement, afin d’améliorer la coordination en matière d’eau à l’échelle du système des Nations Unies.
« Vers l’accélération de la sécurité de l’Eau et de l’Assainissement : Coopération, Gouvernance et Prospérité Partagée »
Il est nécessaire de considérer plusieurs perspectives en vue d’accélérer et d’améliorer la sécurité de l’eau et de l’assainissement dans les années à venir :
• Élever l’eau au cœur des priorités politiques etrenforcer la gestion de la multisectorialité, en assurantun plaidoyer pour une volonté politique au plus haut niveau afin de progresser vers la coopération dans le domaine de l’eau, en impliquant également la société civile, la communauté scientifique, le secteur privé, les femmes, les jeunes, les migrants et les communautés ;
• Assurer une bonne gouvernance du grand cycle de l’eau en renforçant la résilience et la mise en place de mécanismes de gouvernance inclusive et concertée de la ressource, notamment à l’échelle du bassin versant afin d’accompagner le développement socio-économique ;
• Renforcer l’intégration à travers les instruments du multilatéralisme et de la coopération transfrontalière en explorant l’immense potentiel qu’offre « la diplomatie de l’eau ». Cette approche constitue un levier essentiel pour relever les défis liés à l’eau et l’assainissement pour assurer le développement durable, l’intégration régionale et la promotion de partenariats dans tous les domaines ;
• Mettre à l’échelle les « modèles de succès » en partageantet en apprenant des exemples réussis de coopération et travailler en synergie autour de programmes pour accélérer l’accès sécurisé aux services d’assainissement et d’eau, notamment l’eau pour l’agriculture, la production hydroélectrique, l’eau pour l’homme et l’eau pour la nature,
• Connecter les différents usages dans l’esprit des nexus, en sécurisant l’eau pour garantir et accroitre la connectivité entre les communautés en développant une approche intégrée de la ressource afin de mieux faire face aux enjeux de développement, de résilience et d’une prospérité partagée.
Un 10ème Forum Mondial de l’Eau sous le thème de « L’eau pour une prospérité partagée »
Le 10ème Forum Mondial de l’Eau se tiendra à Bali (Indonésie)sous le thème principal de « L’eau pour une prospérité partagée ».
L’Indonésie, pays hôte, et le Conseil mondial de l’Eau invitent la communauté mondiale de l’eau à échanger autour de six priorités à savoir : (1) La Sécurité de l’eau et prospérité, (2) L’eau pour l’homme et la nature, (3) La Réduction et gestion des risques de catastrophes, (4) Gouvernance, coopération et hydro-diplomatie, (5) Financement durable de l’eau et (6) Connaissances et innovation.
Ces thèmes assurent une continuité thématique entre le 9ème et le 10ème Forum dont les cadres d’actions s’articulent et se complètent. C’est dire que l’eau doit rester en même temps un vecteur essentiel pour la paix et le développement d’une part, mais qu’elle doit également rester un levier essentiel pour une prospérité partagée, d’autre part.
Le Sénégal, en tant que pays hôte du 9ème Forum mondial de l’eau, mais aussi une référence dans la « Diplomatie de l’eau », y prendra part et participera aux différents segments, notamment aux processus politique (ministériel, parlementaire, autorités locales et organismes de bassin), thématique et régional.
A cette occasion, il est prévu l’aménagement et l’animation du « Pavillon Sénégal » qui permettra de promouvoir le « Blue Deal pour la sécurité de l’eau et de l’assainissement pour la paix et le développement », de partager l’expérience sénégalaise dans le domaine de l’Hydro-diplomatie, mais également les avancées notées dans l’accès à l’eau et l’assainissement.
En définitive, l’eau et l’assainissement sont des ressourcesindispensables au développement économique et social et à la durabilité environnementale. Ce sont aussi des ressourceslimitées, le plus souvent partagées. Au regard des nouveaux enjeux et défis liés à la mobilisation et à la gestion durable de ces ressources, nous appelons l’ensemble des acteurs, notamment les États et les institutions intervenant dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, à poser les actes pour faire de l’eau un levier pour la résilience, l’accès universel, et une prospérité partagée. Car, aujourd’hui plus que jamais, l’eau et l’assainissement doivent nous unir et constituer desmoteurs essentiels pour la paix et le développement.