Avec sa récente déclaration, Aurélien Agbenonci, ancien chef de la diplomatie béninoise, joue une partition qui semble “ambivalente” pour plusieurs acteurs politiques, plus caractéristique d’un homme en quête d’opportunités politiques que d’un véritable désir de désamorcer des tensions palpables entre “deux pays frères”, nous confie un opposant.
Aurélien Agbenonci, ancien ministre des Affaires étrangères du Bénin pendant 7 ans, n’a pas tardé à réagir après l’annonce de la décision de bloquer l’embarquement du pétrole nigérien à Sèmè-Podji. Sur les ondes de RFI, l’ancien patron de la diplomatie béninoise a exprimé sa surprise et son désaccord face à cette mesure qu’il juge contraire aux efforts d’apaisement qu’il aurait espérés. « Je pensais qu’on était dans une démarche d’apaisement et de retour à la sérénité, donc j’ai été très surpris », a-t-il déclaré, marquant sa rupture avec la ligne adoptée par le gouvernement actuel, duquel il a été débarqué il y a 12 mois à la veille de la normalisation des relations avec le Nigeria.
Rappelons qu’Agbenonci n’a pas toujours été un apôtre de la douceur diplomatique. Sous son égide, le Bénin a mené une politique étrangère de fer, qui contraste avec sa posture actuelle. Sa position actuelle est d’autant plus frappante qu’Agbenonci a, pendant son mandat, soutenu ou même été une figure de proue des politiques de sanctions rigoureuses imposées à la Guinée Conakry et au Mali sous le couvert de la CEDEAO, lorsque ces pays ont basculé sous un régime militaire par coup d’État. Le ministre, passé notamment par les Nations-Unies, a d’ailleurs été longtemps l’homme de main du Président Talon lors des réunions de crise des chefs d’États membres de la CEDEAO, auxquelles il l’a représenté à plusieurs reprises.
Son incapacité à gérer les tensions avec le Nigeria, qui a conduit à la fermeture des frontières pendant un an à la suite de multiples faux pas et erreurs diplomatiques sous sa direction, n’a pas échappé au jugement de l’opinion publique. Cette gestion a été largement critiquée, poussant de nombreux Béninois à réclamer un renouveau dans la conduite de la diplomatie. La posture dure et intransigeante du Bénin à l’époque avait été remarquée par les observateurs. Son administration ayant même frôlé l’escalade avec l’Union européenne, après avoir adopté une position rigide qui avait été largement critiquée.
Le 8 mai, le président Talon justifiait son choix de bloquer les expéditions de pétrole comme une nécessité pour « rétablir des échanges économiques formels ». Il reprochait au Niger une absence de communication satisfaisante et critiquait la méthode de communication indirecte via des canaux inappropriés, notamment les entreprises chinoises, méthode inadéquate pour des relations interétatiques saines, a-t-il fustigé. Des justifications qui peignent le portrait d’une diplomatie en quête de formalisme, contrastant avec “les approches parfois hasardeuses d’Agbenonci”, confie un diplomate béninois basé dans un pays de la CEDEAO.
La dissonance entre le passé et les critiques actuelles de l’ex-ministre ne passe pas inaperçue. Ses déclarations actuelles, loin de résonner comme des conseils éclairés, semblent plutôt trahir un certain opportunisme politique, reconnaît un acteur politique, pourtant proche de l’opposition, qui dit rester prudent sur “une question aussi sensible pour deux pays frères”, qui de “toute façon vont s’asseoir ensemble pour discuter”.
« Il est difficile de ne pas voir dans ses mots une certaine nostalgie de pouvoir, ou peut-être un regret des feux de l’action diplomatique », fait constater cet acteur politique béninois. « Son revirement soulève des questions sur sa cohérence et sa légitimité à critiquer les décisions actuelles », poursuit-il. Même son de cloche chez un activiste web proche également de l’opposition qui ironise : « On devient subitement lucide quand on a été sevré ».