Par Landry DJIMPE, Associé et Daniel BITIJULA, Market analyst
Malgré son potentiel énergétique parmi les plus élevés au monde, seulement 21% (1% en milieu rural et 44% en milieu urbain) de la population congolaise a accès à une alimentation électrique fiable. Depuis 1990 et la mise en service de la centrale Mobayi Mbongo, la capacité de production de la SNEL n’a connu qu’une modeste augmentation de 150MW avec la mise en service de la centrale de Zongo 2. Or, sur la même période, la population congolaise a connu une croissance exponentielle, passant de 37 millions à plus de 99 millions d’habitants.
Cette absence d’expansion de la capacité de production, combinée à la détérioration progressive des installations existantes, a entraîné une diminution de la capacité disponible à 2 062 MW, ce qui représente seulement 69,2% de la capacité installée.
L’analyse de la consommation d’électricité en République Démocratique du Congo révèle une augmentation soutenue du besoin énergétique du secteur industriel, premier consommateur d’électricité, avec une croissance de +288% entre 2000-2021, reflétant une industrialisation croissante et la mise en œuvre de projets de grande envergure. Pour ce qui est du secteur résidentiel, on observe une augmentation de 43 % sur la même période.
Tous les pôles économiques du pays nécessitant de l’électricité sont confrontés à d’importantes limitations de l’offre. C’est notamment le cas de l’ancienne province du Katanga, largement reconnue comme le cœur minier de la République démocratique du Congo, et qui occupe une position centrale dans l’économie nationale. La région abrite certains des projets miniers de cuivre et de cobalt les plus rentables au monde, notamment Kamoa-Kakula, qui est considéré comme le troisième plus grand complexe minier de cuivre au monde et la plus grande mine de cuivre du continent africain.
Alors que l’extraction et le traitement des minerais métalliques pour ces projets nécessitent un approvisionnement important en électricité, les mines de la région sud utilisent un mélange de sources d’énergie locales, d’électricité importée via l’interconnecteur RDC-Zambie (une ligne reliant Kasumbalesa et Luano), et d’énergie autoproduite à partir de diesel. Et pur cause, l’offre locale répond à moins de la moitié de la demande prévue dans la région Copperbelt, ce qui limite la capacité de production du secteur.
Pour palier à cette situation, la République démocratique du Congo a dû se résoudre à importer de l’électricité des pays voisins : la Zambie (via CEC & ZESCO) et la République du Congo (via TradePower). Les importations d’électricité sont destinées à compléter la production interne afin de répondre à la demande croissante d’énergie et de soutenir divers secteurs économiques clés du pays. C’est notamment le cas avec le réseau Sud, qui dessert les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga, est principalement alimenté à partir d’Inga et dispose des interconnexions transfrontalières, principalement pour alimenter le secteur minier.
Les importations d’électricité en RDC ont montré une tendance à la hausse, particulièrement notable après 2011, avec une croissance continue depuis 2018. Elle révèle également une dépendance croissante à l’égard des fournisseurs étrangers (plus de 11% de l’électricité consommé en RDC est importée), ce qui pourrait avoir des conséquences sur la sécurité énergétique du pays; surtout que la Zambie et la République du Congo sont actuellement confrontée à un déficit d’électricité en raison de la sécheresse et autres facteurs exogenes affectant leurs productions hydroélectriques. Chacun de ces pays a d’ailleurs réduit (Zambie) ou complètement arrêté de fournir de l’électricité à la RDC, ce qui à résulté en un programme de délestage de 6 à 12 heures par jour afin de gérer efficacement cette contrainte d’approvisionnement.
Cette situation a eu un impact immédiat sur le secteur minier. En effet, au premier trimestre 2024, les rapports des opérateurs miniers ont mis en évidence des perturbations liées à l’électricité dans le réseau de distribution, entraînant une baisse significative des niveaux de production. Ce fut notamment le cas du site Kamoa-Kakula dont la production s’est élevée à 86 203 tonnes, soit une baisse de 7,9 % par rapport aux 93 603 tonnes produites au cours du même trimestre de l’année précédente.
Face à cette crise, les entreprises ont dû se tourner vers des solutions alternatives, notamment les groupes électrogènes. Cependant, ces solutions sont coûteuses : alors que le prix du kWh venant du réseau électrique est vendu par la SNEL à 0,14$, il peut atteindre les 0,65$ via générateurs. Ceci a donc un impact considérable sur la rentabilité des projets, quand on sait que le poste Énergie est l’un des plus importants de la filière.
Des solutions pour surmonter la crise
Développer les interconnexions transfrontalières
La position stratégique de la RDC, au centre de l’Afrique, en fait un pays idéal pour les échanges transfrontaliers d’électricité. Le pays se situe au carrefour de trois pools énergétiques que sont le Pool énergétique d’Afrique de l’Est (EAPP), Pool énergétique d’Afrique centrale (PEAC) et Pool énergétique d’Afrique australe (SAPP). Le développement des interconnexions avec ses pays voisins permettra à la RDC de bénéficier de potentiels excédents de ces pools énergétiques. Cependant, le pays a besoin de développer son réseau de transmission pour tirer plein profit de son potentiel. A date, elle ne bénéficie que de deux interconnexions malgré le partage de frontières avec 9 pays. De plus, son interconnexion transfrontalière principale, avec la Zambie, est déjà saturée.
Exploiter le potentiel solaire pour la production d’énergie
Avec la réduction rapide du coût des modules solaires et des batteries, et une facilité de déploiement plus rapide que les autres formes de production d’électricité, l’énergie solaire devient une option très compétitive pour une augmentation rapide de la capacité de production en RDC, en particulier dans le Nord et le Sud, où la ressource est la plus abondante avec une irradiation solaire quotidienne moyenne atteignant 5kWh/m2 /jour et jusqu’à 6,75kWh/m2.
Malgré sa forte consommation d’énergie, le secteur minier pourrait également bénéficier du potentiel solaire disponible dans le pays, notamment dans une logique d’hybridation (solaire + thermique/hydro), qui permettrait de baisser de façon significative la facture énergétique pour les miniers. C’est d’ailleurs déjà le cas pour la mine de Kibali dont l’approvisionnement en énergie provient de ses trois centrales hydroélectriques, mais l’opérateur minier est en cours de développement d’une nouvelle centrale solaire de 16 MW, associée à une infrastructure de stockage, conçue pour soutenir l’approvisionnement en énergie hydroélectrique pendant la saison sèche de la région. En conséquence, l’approvisionnement global en électricité renouvelable de la mine passera de 81 % à 85 % et, pendant six mois de l’année, ses besoins en électricité seront entièrement couverts par les énergies renouvelables.
Développer les 97 % inexploité du potentiel hydroélectrique pour la production d’énergie
La RDC a un potentiel hydroélectrique de 100 GW (le plus important d’Afrique), dont seulement 2,5 GW ont été développés. Sur ce potentiel, 40 GW sont concentrés sur le seul site d’Inga. Deux barrages (Inga 1 et Inga 2) d’une capacité de 351 MW et 1 424 MW ont été achevés en 1972 et 1982. Un troisième barrage (Inga 3) d’une capacité potentielle de 4 230 MW est actuellement en phase de structuration.
D’autres centrales hydroélectriques sont en cours de développement, notamment la centrale hydroélectrique de Luapula (900 MW), la centrale hydroélectrique de Ruzizi 3 (147 MW) et la centrale hydroélectrique de Nzilo 2 (120 MW). Toutefois, l’accent est mis sur le projet Grand Inga (39 000 MW), qui jouera un rôle crucial dans l’approvisionnement en électricité de l’ensemble du continent, en permettant à la RD Congo d’exporter de l’énergie vers l’Égypte, ainsi que vers l’Afrique du Sud par le biais de lignes de transmission à longue distance.
Exploiter le potentiel de la conversion du gaz en électricité pour la production d’énergie
L’utilisation du gaz pour la production d’électricité en République démocratique du Congo (RDC) représente un potentiel important, notamment dans la région de Boma. Perenco, société pétrolière et gazière franco-britannique, est présente dans la région depuis plus de 20 ans et développe un projet de production de gaz pour l’électricité à Muanda, près de Boma.