« Le réchauffement climatique n’est pas un sujet prioritaire pour l’Afrique ! »
Par Christian Kazumba*
Combien de fois, dans mon cercle privé, ai-je entendu cette phrase qui, pourtant, est contredite vivement par l’immense majorité des analyses internationales, pertinentes et objectives ? Ainsi, une étude récente, pilotée par les nations unies, souligne que, sur les vingt pays de la planète les plus sensibles et les plus vulnérables au réchauffement climatique, seize (soit 80 %) se situent sur le continent africain. Il s’agit en particulier :
– des pays du Sahel, en proie à une recrudescence d’épisodes climatiques extrêmes, tels que le Mali, le Burkina Faso ou le Niger.
– de certains pays côtiers, tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Togo, le Bénin, l’Angola et l’Afrique du sud, où l’augmentation du niveau de la mer engendre, depuis de nombreuses années, des impacts très négatifs-voir catastrophiques- sur le plan économique et social (disparition des habitats côtiers, déplacement de population etc.)
Néanmoins, il me semble fondamental, en termes de perception, que l’Afrique se positionne non pas comme une « victime passive » d’un phénomène dont, certes, elle ne porte pas le poids de la responsabilité historique (le continent dans son ensemble ne génère que 3 à 6 % du total des émissions de gaz à effet de serre) mais comme une véritable source de solutions durables et innovantes permettant de préserver l’environnement et l’équilibre climatique d’une bonne partie du globe.
Selon moi, ce sont les pays d’Afrique centrale, et notamment la RD Congo, qui ont la meilleure carte à jouer dans ce domaine. Souvent décriée et parfois boudée par les investisseurs pour son climat des affaires perfectible, la RDC devrait portant être davantage perçue par la communauté internationale comme partie intégrante de la solution. En effet, ce pays présente des atouts incontestables, pouvant s’inscrire pleinement dans le cadre des actions d’atténuation et d’adaptation relatives aux émission de gaz à effet de serre que cherchent à mettre en place un nombre de plus en plus élevé d’états :
– Un potentiel inégalé en termes d’énergies « vertes »
Le Congo-Kinshasa possède 52 % des réserves d’eau de surface du continent africain, grâce aux 4 700 kms de long du fleuve Congo et à ses nombreuses rivières traversant son territoire (plus de trente pour les plus importantes). De ce fait, selon les sources les plus crédibles, la RDC représenterait entre 10 et 15 % du potentiel mondial d’énergie hydraulique.
Par ailleurs, située de part et d’autre de l’équateur et disposant d’une superficie équivalente à plus de 80 fois la Belgique, la RDC bénéficie d’une pluralité de climats incontestable, ce qui pourrait constituer un solide avantage pour assurer, tout au long de l’année, une production importante d’énergie solaire.
Tout ceci serait susceptible naturellement de se substituer, à terme, aux énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) dont la combustion génère, à elle seule, entre 70 et 75 % des émissions de gaz à effet de serre de notre planète.
– Les minerais « verts », la clé du « monde de demain »
50 % des réserves mondiales et près de 70 % de la production internationale de cobalt : voici ce que représente aujourd’hui le sous-sol congolais.
La conclusion est sans appel : la RD Congo est donc en situation de « quasi-monopole » sur un minerai stratégique que l’on retrouve dans les batteries des véhicules automobiles électriques, dont la production va connaître une augmentation exponentielle dans les prochaines années.
– Un massif forestier indispensable pour l’environnement
Entre 60 et 70 % de la superficie des forets du bassin du Congo se trouvent en RDC. Selon certains experts, les arbres qui les composent, plus épais et plus élevés en moyenne, séquestrent davantage de dioxyde de carbone que ceux de l’Amazonie. Même si la déforestation reste un phénomène préoccupant (en quinze ans, la RDC a perdu 6 % de son couvert forestier), ce géant d’Afrique centrale abrite incontestablement l’un des puits de carbone les plus efficaces du continent.
– Un dynamisme entrepreneurial intégrant de plus en plus les enjeux climatiques
Quiconque connait un tant soit peu l’écosystème congolais sait que les projets entrepreneuriaux fleurissent au sein de l’une des populations les plus jeunes de la planète (sept habitants sur dix en RDC a moins de 25 ans). A titre d’exemple, la ville de Kinshasa a enregistré, ces dernières années, la création de « startups » évoluant dans les chaines de valeurs des énergies renouvelables et de l’économie circulaire. Ainsi, beaucoup de jeunes congolais transforment les difficultés de la vie quotidienne en opportunités,notamment en se spécialisant, avec succès, dans la collecte et le recyclage des innombrables déchets organiques et ménagers si nuisibles à l’environnement (la ville-province de Kinshasa produit plus de 10 000 tonnes de déchets solides par jour dont moins de 10 % sont recyclés).
En conséquence, la RD Congo a vocation à s’imposer sur l’échiquierinternational comme un pays pouvant apporter des solutions concrètes au réchauffement climatique, non seulement pour sa propre population et celle de certaines nations limitrophes, mais aussi pour une part non négligeable de l’humanité.
La RDC doit devenir un acteur moteur de ce débat et mettre en place un plan d’actions pérenne destiné à valoriser ses atouts incontestables vis-à-vis d’un contexte international qui placera, à coup sûr, le développement durable au cœur des grandes priorités des prochaines décennies.
Elle doit saisir l’opportunité historique qui lui est offerte de s’assoir, en position de force, à la table des négociations internationales sur le climat et d’en récolter les dividendes économiques et géostratégiques.
À propos de Christian Kazumba
Travaillant depuis quatorze ans sur le continent africain, l parcours de Christian Kazumba lui a permis d’évoluer successivement au Maroc, au Mali, au Burkina Faso, au Togo, en RD Congo et au Gabon à des postes de Direction opérationnelle ou générale, dans des entreprises du secteur des services.
Il a notamment piloté, pour le compte d’un « Big Four » en RDC, un projet de la Banque Mondiale visant à mettre en place des centres de PME à Kinshasa, Lubumbashi, Goma et Matadi. Après avoir dirigé la filiale gabonaise d’un cabinet de conseil et d’investissement ciblant principalement l’essor de l’écosystème entrepreneurial africain, il est aujourd’hui localisé à Abidjan ou il exerce les fonctions de « Program Delivery Lead » pour ce même cabinet.