Par Christine Holzbauer, envoyée spéciale à Bruxelles
Pour sa 36ème édition, le Forum de Crans-Montana réunit ses « États généraux du Monde» à Bruxelles du 26 au 28 juin en présence de nombreux chefs d’Etats africains, des Premières dames et de délégations ministérielles venues du monde entier. Le temps fort de cette rencontre est la conférence diplomatique consacrée au Sahel à laquelle participeront les trois ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger et du Burkina Faso. ainsi qu’une délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères de Guinée (Conakry) dans le cadre d’une initiative pour renouer le dialogue que mène le Forum de Crans-Montana.
C’est en rappelant le rôle essentiel que l’Afrique va être amenée à jouer sur la scène internationale en raison de la jeunesse de sa population, sans toutefois mettre sous le tapis les nombreux problèmes auxquels elle est confrontée, que le président et fondateur du Forum de Crans-Montana, Jean-Paul Carteron, a ouvert, mercredi 26 juin à Bruxelles, lors d’un cocktail de bienvenue, la 36eme session de ces rencontres annuelles inaugurées en Suisse en 1986 et qui sont, ensuite, devenues itinérantes. Lui faisant écho, le Président de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) et de son Conseil d’administration, Dr. George Agyekum Donkor, -reconnu par Financial Afrik en 2023 comme l’une des 100 personnalités qui transforment l’Afriqueet primé à de nombreuses reprises (Rebranding Africa Forum 2023, Forum de Crans Montana 2022, Ghana Innovation/NIBS Award de 2018)-, a d’emblée rappelé l’importance de lutter contre l’inflation et le surendettement qui constituent, selon lui, « de sérieux freins au développement économique. »
Fondée par les 15 états de la Cedeao et basée à Lomé (Togo), la BIDC cumule plus de 4 milliards de dollars sur 200 projets financés dans les secteurs des infrastructures et des services de base, du développement rural, de l’environnement, de l’industrie et des services sociaux de base, à travers ses guichets dédiés aux secteurs privé et public. L’annonce choc,en janvier 2024, du retrait des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) de la Cedeao menace de redessiner les alliances économiques et de remettre en question la participation de ces pays à son capital. Avec un déficit d’investissement estimé à 12 milliards de dollars par an, la BIDC ne peut pas se permettre de perdre ces trois actionnaires (Burkina Faso, Mali, Niger) qui représentent 6% de son capital, « à un moment où les besoins de financement dans la Cedeao sont de plus en plus grandissants », a-t-il reconnu, à moins de s’ouvrir à des non régionaux.
Renouer le dialogue
D’où l’importance de la venue concomitante à Bruxelles des trois ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso (Karamoko Jean-Marie Traoré), du Niger (Bakari Yaou Sangaré) et du Mali (Abdoulaye Diop) qui est un habitué du Forum de Crans-Montana. Ils prendront part dans l’après-midi jeudi 27 juin à la conférence diplomatique sur la région du Sahel dédié à l’Alliance des Etats du Sahel (AES), « ses origines, constitution et perspectives, ainsi que sa place dans le processus d’intégration régional. » Participeront également à cette conférence, qui vise à évaluer l’impact de l’AES sur la géostratégie locale et au-delà, Mario Giro, le médiateur pour la paix de la communauté de Sant’Egidio ainsi que Emmanuela del Re, la représentante spéciale de l’Union européenne pour le Sahel et Christophe André Frassa, président du comié politique de l’assemblée parlementaire de la Francophonie.
Les organisateurs du Forum de Crans-Montana ne cachent pas leur désir de vouloir mener une «initiative » pour aider à« renouer le dialogue » au sein de la Cedeao. A cette fin, un déjeuner privé à l’invitation d’Emmanuela del Re est organisé en amont de la conférence sur l’AES durant lequel protagonistes et décideurs dans cette région échanger dans un cadre non officieux. Une délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères de Guinée Conakry (Morissanda Kouyaté), participe également à ce Forum qui a mis au cœur des thématiques discutées « Face à un bouleversement permanent, l’état de nos démocraties pèse sur notre monde de demain. »
Forte délégation marocaine
Alors que le changement climatique ravage des régions entières en Afrique et ailleurs, projetant des populations vers les plus grands dangers, que les inégalités sociales et la pauvreté ne cessent de dominer, que la famine se répand au sein des populations les plus vulnérables, cette 36ème session du Forum de Crans-Montana s’interroge sur la légitimité de la gouvernance et l’opportunité de nombreuses politiques. C’est ainsi qu’en pleine crise mondiale, politique, sécuritaire, sanitaire, économique et financière, ses organisateurs se réjouissent que lors de ces « États généraux du Monde », ils parviennent à réunir autant de responsables publics, privés et de la société civile pour leur permettre d’évaluer l’état de la planète et tenter d’ouvrir -ensemble- de nouvelles avenues vers un monde espéré meilleur, selon le programme officiel.
Après une session d’ouverture à laquelle participent le Président Azali Assoumani des Comores qui a assuré la présidence de l’Union africaine en 2023 ainsi que le ministre libyen des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du gouvernement d’unité nationale, Al-Taher al-Baour, qui remplace son Premier ministre, Abdulhamid Dubiba, les deux journées du Forum de Carans-Montana seront scandées par une succession de rencontres avec des thématiques aussi variées que l’intégration de l’Afrique à l’industrie maritime mondiale, le monde du crypto, les financements innovants ou les crimes économiques, la corruption et les sanctions internationales. D’autres thématiques comme les BRICS, le changement climatique, l’énergie avec notamment l’avenir de l’hydrogène vert seront également abordés avec des intervenants venant de toute l’Afrique, voire du monde entier. Mais c’est dans les grands sujets de société et notamment un panel consacré aux jeunes (« La jeunesse détient les clés de l’avenir ») et un autre aux femmes (« La femme, la démocratie et la cohésion sociale ») que la présence marocaine est la plus active. A noter également la venue de Amina Benkhadra, Directrice Générale de l’ONHYM (Mines Maroc) ainsi que de la Première Dame de la Sierra Leone, Fatima Maada Bio parmiles nombreux invités de marque qui ont fait le déplacement à Bruxelles.