« Le Sénégal est plus que jamais le pays le plus attractif de l’Afrique de l’Ouest»
Récemment nommé à la tête de l’Agence sénégalaise pour la Promotion de l’Investissement et des Grands Travaux (APIX), Bakary Séga Bathily a participé à la 7e édition du Forum International Afrique Développement (FIAD), organisée du 27 au 28 juin à Casablanca par le groupe Attijariwafa Bank et le fonds panafricain Al Mada. Dans cet entretien, M. Bathily revient sur les missions de sa structure face aux défis d’investissement dans les secteurs stratégiques.
Propos recueillis à Casablanca par Amadjiguéne Ndoye
Vous participez aujourd’hui à l’édition 2024 du Forum International Afrique Développement (FIAD 2024). Quels sont les enjeux de la participation de l’Apix à cet événement?
Nous sommes ici sur invitation du groupe Attijariwafa Bank et nous sommes très heureux d’échanger sur les opportunités d’investissement au Sénégal. Le Sénégal est plus que jamais le pays le plus attractif de l’Afrique de l’Ouest. Selon le récent rapport de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) sur les investissements, le Sénégal est encore une fois le premier pays à attirer le plus les investissements directs étrangers (IDE). Nous sommes à 2,6 milliards USD d’IDE, ce qui nous place en tête en Afrique de l’Ouest et dans le top 5 en Afrique. L’année dernière également, nous étions au 1er rang et cette année nous occupons de nouveau la première place. Cela montre clairement l’attractivité du Sénégal.
En quoi consiste cette attractivité?
Malgré les difficultés et quelques tensions politiques des derniers mois, le Sénégal reste très attractif selon plusieurs critères. Avec l’arrivée au pouvoir de Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Faye, président de la République du Sénégal, nous venons de récolter notre premier baril de pétrole. Cette réalisation fait entrer le pays dans le cercle restreint des pays producteurs de pétrole et surtout de gaz. Cela apportera des opportunités non seulement sur les revenus pétroliers et gaziers, mais surtout sur ce que nous pouvons développer avec ces ressources. Nous comptons transformer ces ressources naturelles au Sénégal pour développer notre industrie. Les ressources telles que l’or, les phosphates, les engrais, le pétrole et le gaz seront transformées localement. Avec le pétrole et le gaz, l’objectif est de réduire le coût de l’électricité et de promouvoir l’industrialisation.
Le second volet de la transformation structurelle de notre économie par l’industrialisation commence par la réduction des coûts des facteurs de production. Un autre élément facilitant l’investissement au Sénégal est l’accessibilité au foncier. C’est pourquoi, au niveau de l’Apix, nous avons mis en place des zones aménagées pour l’investissement. Avec l’appui de notre partenaire, la Caisse de Dépôt et de Consignation (CDC), nous aménagerons des zones dans les différents pôles de développement que l’Etat du Sénégal souhaite mettre en place, pour accueillir les investisseurs. Cela inclut des zones dédiées à l’artisanat, l’élevage, le tourisme, l’industrie, etc. L’Etat compte mobiliser ces investissements dans le secteur primaire pour augmenter nos capacités de production de produits horticoles et céréaliers, notamment le riz, pour atteindre l’autosuffisance. Aujourd’hui, le besoin est situé à 1,5 million de tonnes et avec un taux de croissance démographique de 3% par an, la demande augmentera naturellement.
Quels sont les mécanismes à mettre en place?
Il faut augmenter nos capacités de production, notamment en augmentant notre capacité d’emblavement, ce qui nécessite une réelle maîtrise de l’eau. Dans le secteur primaire, des investissements importants sont attendus dans l’aménagement des zones et la maîtrise de l’eau. Le gouvernement en a fait une priorité et nous travaillerons avec le secteur privé pour cela. Avec la vision des nouvelles autorités, il faut donner plus de place au secteur privé et inverser la tendance actuelle où la majorité des investissements est réalisée par le secteur public. Sur 6000 milliards de FCFA d’investissements dans l’économie sénégalaise, 4000 milliards sont réalisés par l’État, ce qui cause l’endettement. Il est essentiel de faciliter l’accès aux financements et aux fonciers, faire des réformes pour apporter plus d’incitatifs à l’investissement, afin que le secteur privé puisse investir davantage dans les secteurs productifs et les infrastructures structurantes.
Quels sont les axes sur lesquels le Sénégal doit davantage travailler pour rendre son environnement des affaires plus attractif?
Il faut poursuivre les réformes. Nous avons récemment terminé un programme de dix ans sur l’environnement des affaires et la compétitivité, et nous sommes en train d’évaluer ce que nous avons pu accomplir. Il est crucial de mesurer l’impact des réformes mises en place. Après cette évaluation, nous devrons formuler de nouvelles réformes pour créer un pacte entre le secteur privé national et l’État. L’État du Sénégal est prêt à accorder des facilités au secteur privé, et en contrepartie, ce dernier doit s’engager, notamment en matière de fiscalité et de respect des paiements des impôts.
Nous encourageons également le secteur privé local à se regrouper et à favoriser les joint-ventures. C’est notre message à ce forum : venez au Sénégal, vous trouverez des acteurs compétents qui ont besoin de vos financements pour conquérir l’Afrique de l’Ouest. Nous recherchons des partenaires techniques et financiers pour accompagner notre industrie locale et notre secteur privé. Avec les nombreuses crises politiques et sécuritaires dans le monde, les chaînes d’approvisionnement sont perturbées et les IDE sont en net recul, d’où l’importance des partenariats Sud-Sud.
Il est question dans le discours des nouvelles autorités de souveraineté économique et de renégociation des contrats. Cela ne pourrait-il pas décourager les investisseurs?
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un investisseur, qu’il soit national ou international, a une aversion au risque. La non-transparence est un risque, ce n’est pas la transparence. Le non-respect des droits et la concurrence déloyale constituent également des risques. Un investisseur qui vient dans un pays où le droit des affaires est bien réglementé et garanti n’aura pas peur d’investir. Un État souverain doit garantir ses intérêts. Ce n’est pas parce qu’on veut attirer les investisseurs qu’on ne doit pas garantir les intérêts du Sénégal. La renégociation des contrats est donc nécessaire pour permettre la viabilité des projets.
Et qu’en est-il de la réforme du code des investissements prévue avant fin 2024?
Les réformes sont évolutives et non figées. Il y a plusieurs versions du code des investissements, qui évoluent en fonction du contexte et des opportunités. Par exemple, en 1974, le code pétrolier offrait tout aux investisseurs car nous étions en phase de recherche. Aujourd’hui, nous avons trouvé des ressources. Lorsque nous sommes en phase de recherche, nous devons ouvrir le marché pour attirer davantage d’investisseurs. Actuellement, Petrosen monte en puissance sur le plan technologique et en termes de ressources pour pouvoir compétir avec les entreprises étrangères qui souhaitent investir au Sénégal. Nous continuerons à accompagner, assister et soutenir les investisseurs, comme nous l’avons toujours fait.