En marge de la quarante-troisième assemblée générale de Shelter Afrique Développement Bank, du 11 au 13 juin 2024, Financial Afrik s’est entretenu avec Habib Hann, CEO, en poste depuis un an. L’occasion de revenir sur les mutations de cette institution financière en banque de développement.
Vous avez franchi une étape importante dans la transition de Shelter vers une banque de développement. Quand comptez-vous commencer les premières opérations sous le nouveau statut ?
Tout d’abord, je vous remercie d’avoir pris le temps de venir participer à cette quarante-troisième AGA. Une AG ordinaire pas comme les autres, car c’est la première AG qui marque la transition de notre institution en banque de développement. Lors de l’assemblée générale extraordinaire tenue en octobre 2023 en Algérie, la totalité des actionnaires ont approuvé le changement de statut de Shelter Afrique en Shelter Afrique Développement Banque. Aujourd’hui, nous avons mis en place les différents organes et structures nécessaires pour l’opérationnalisation. Nous avons déjà réalisé des restructurations internes et établi les organes requis pour la mise en œuvre de la stratégie d’une banque de développement. Mes 12 ans à la Banque mondiale, notamment à l’IFC, me permettront de m’inspirer de leur modèle et de ceux d’autres banques de développement comme Afreximbank et la BAD, pour voir comment notre organisation interne doit s’aligner et se positionner. Nous avons une équipe de direction et une équipe autour du directeur général avec des organes qui rendent compte au DG mais aussi au conseil d’administration de la banque. Ce qui nous permettra d’avoir un système de gouvernance qui reflète les meilleures pratiques. Ensuite, au niveau des structures de décision, nous avons instauré une dichotomie et une différenciation entre les différents niveaux de décision pour assurer une bonne gouvernance.
Pouvez-vous détailler ces différents niveaux de décision ?
Tout à fait. Le niveau 1 concerne les opérations pour les transactions qui sont sourcées et la phase de due diligence. Le niveau 2 s’assure que le projet est bancable et qu’il n’expose pas la banque à des risques. Au niveau 3, il y a un audit interne pour vérifier si toutes les transactions sont en ordre et conformes. C’est le préalable avant la transmission du dossier au conseil d’administration de la banque pour prendre la décision adéquate et s’assurer que le risque est géré. Nous avons une équipe de développement des affaires subdivisée en quatre piliers ou secteurs qui englobent toute la chaîne de valeur. Shelter Afrique Développement Banque n’est pas juste là pour financer les quatre murs, mais pour le développement des communautés urbaines et régionales.
Quels sont les principaux défis auxquels cette banque sera confrontée et comment les relever ?
La première priorité est pour nous de renforcer le capital. Étant une banque de développement, il est crucial que le capital reflète nos ambitions et que nous ayons les moyens de lever encore plus de fonds, avec un effet de levier sur le capital dans le marché des capitaux ou auprès des bailleurs traditionnels, pour financer le déficit de logements estimé par certains à 52 millions et par d’autres à 97 millions de logements par an.
Justement, comment peut-on évaluer le déficit en financement de ces logements?
Si on fait juste une simulation simple en se basant sur le prix moyen du logement de 20 000 USD, il faut un minimum de 1 000 milliards de USD pour combler ce vide. Il faut aussi noter que ce déficit s’accroît chaque année. La demande de financement est énorme et, étant la seule banque de développement dédiée uniquement au secteur des logements et du développement urbain, nous avons besoin de renforcer nos capacités financières. Force est de le dire, nous notons un engouement très fort de nos Etats pour travailler ensemble dans leur programme de logements. Cet engouement s’est démontré par la présence des deux tiers des pays membres, une forte délégation ministérielle, des institutions financières et des banques de développement. Nous avons établi des partenariats avec la plupart de ces institutions pour combler le déficit de logements en Afrique car la plupart d’entre elles sont plutôt opérationnelles dans les infrastructures, les énergies, l’agriculture ou autres secteurs. Nous sommes reconnaissants au leadership du président rwandais Paul Kagame qui a permis de réunir tout ce monde et de l’alliance des institutions financières multinationales de financement de développement dont nous sommes membres fondateurs.