Par Nephthali Messanh Ledy, de retour de Kinshasa
Portées par des productions locales et un secteur humoristique en plein essor, les industries créatives et culturelles ont le vent en poupe ces dernières années en République démocratique du Congo (RDC). Grand reportage.
L’ambiance est plutôt festive ce mercredi soir (10.07.24) au club « Baullers » de Kinshasa, situé sur l’avenue Mondjiba dans la commune de Nagaliema. Ici, les techniciens procèdent, sous la supervision du réalisateur français Pierre Bessard, aux derniers réglages de ce qui va être le premier tournage du « Canal Comedy Club » à Kinshasa, présenté par Herman Amisi, humoriste bien connu en RDC mais aussi à l’international par le biais de ses concepts « Surveillez le Fleuve » et « Je suis dans le bruit ». En attente, une cinquantaine de spectateurs tous impatients de voir les acteurs sur scène.
A la question de savoir si le métier de comédien qui, par le passé, intéressait peu la jeunesse, nourrit aujourd’hui son homme, l’un des acteurs répond. « Ça va faire une année que j’ai arrêté la médecine à l’université pour me consacrer uniquement à l’humour. J’ai arrêté parce qu’il y a des exemples concrets qui montrent que réellement, on peut vivre uniquement de l’humour actuellement. C’est tout un univers , un marché qui est tellement sollicité et nous, nous sommes de cette génération qui en profite ».
Tonton Cado, son nom d’acteur, 26 ans, fait d’ailleurs savoir qu’ici en RDC, une prestation d’artiste comédien varie en fonction du profil. En effet, précise-t-il, les tarifs varient de 100 à 1.500 dollars américains, voire plus.
Mais avant de monter sur scène le soir-là, ce comédien, actif sur les plateformes sociales dont Facebook et Tiktok, a bénéficié d’une formation donnée par Herman Amisi, l’un des humoristes à succès qui allie stand-up et contenus destinés aux réseaux sociaux.
Interrogé sur sa carrière, le comédien de 31 ans répond : « j’ai l’occasion de monter sur scène pour la première fois, professionnellement parlant, en 2018. Avec l’avènement de la Covid-19 deux ans plus tard, tout était K.O. Or, j’avais besoin du public pour faire mon boulot. Il fallait chercher un moyen par lequel il fallait s’adapter. C’est comme ça qu’on s’est retourné tout de suite vers les réseaux sociaux pour essayer de rester en contact permanent avec le public ».
« Nous nous battons, chacun dans son coin, chacun dans son domaine, pour essayer de relever la culture congolaise et pour essayer de ramener plus haut les drapeaux de l’humour congolais », conclut celui qui a rempli le Casino de Paris le 30 juin dernier avec un spectacle d’humour en one man show.
Il sied de noter que l’acteur a coaché ses « jeunes frères », avant ce tournage, dans le cadre du programme Canal+ University.
Elever la qualité des productions locales
« En RDC, Canal+ University a déjà offert plusieurs formations en 2024, permettant aux journalistes, réalisateurs, acteurs, scénaristes et producteurs d’améliorer leurs compétences. Ces formations contribuent directement à l’élévation de la qualité des productions locales. Par ailleurs, nous avons soutenu plusieurs festivals (cinéma, musique, humour, etc.) dans le pays, renforçant ainsi la visibilité des œuvres congolaises et offrant une plateforme pour les talents locaux », renseigne Grace Loubassou, directrice des Relations institutionnelles et Projets sociétaux de Canal+ en Afrique.
Et d’ajouter : « Canal+ s’engage dans le développement des industries culturelles et créatives en Afrique parce que nous croyons fermement que ces secteurs sont essentiels pour le développement économique et social du continent. Les industries créatives contribuent à la diversification de l’économie et offrent des opportunités d’emploi aux jeunes. Par exemple, notre initiative Canal+ University a mené 3 154 heures de formations en 2023 à travers 14 pays d’Afrique, visant à améliorer les compétences des professionnels locaux. En investissant dans la production locale et en soutenant les talents africains, nous contribuons à la création d’un écosystème médiatique vibrant et durable. À travers nos activités de production et coproduction, nous investissons dans des productions locales comme « Marabout Chéri » et « Lex Africana », des séries qui ont rencontré un succès notable et qui mettent en lumière des histoires africaines authentiques. Nous renforçons cela en prenant des participations dans des sociétés comme Marodi TV au Sénégal ».
D’ailleurs en RDC, le groupe a créé Maboke TV, une chaîne dédiée à l’univers du Maboke (groupe théâtrale), véritable symbole de la culture congolaise.
« Maboke est un langage qu’on a toujours utilisé pour parler de théâtre de chez nous. C’est ce qu’on présente en terme de séries et qu’on diffuse, et ça marche plutôt bien. Ça a été lancé en novembre 2021. C’est des séries et des films qu’on passe majoritairement en lingala. On prend des films du Congo et de la RDC puisque les 2 capitales parlent bien le lingala », nous explique Mireille Kabamba, directrice générale de Canal+ RDC rencontrée plus tôt.
« Notre démarche, poursuit-elle, consiste à créer un écosystème sur le secteur de l’audiovisuel et permettre à la plupart des gens qui sont dans le secteur de pouvoir vivre de leur métier. On a fait des masterclass pour les former sur l’écriture de scénario, sur la prise de son, etc. », ajoute-t-elle, tout en précisant que l’initiative permet de découvrir des talents congolais sur cette chaine dont la série « Consultations pastorale » a cartonné avec ses 3 saisons diffusées jusque-là. « On crée des stars », renchérit Francis Djempe, Manager Régional en charge de Kinshasa, Bandundu et Equateur.
« Ça donne de l’espoir »
Pour sa part, souligne Emmanuel Lupia, un producteur congolais que nous avons rencontré, l’avantage dont profite les acteurs avec l’accompagnement de Canal+ est réel. « Dix ans auparavant, il y avait très peu d’espoir, il y avait très peu de choses qui se faisaient. Il y avait très peu de formations qui étaient organisées à destination de passionnés de l’audiovisuel, du cinéma. Mais l’arrivée de Canal+ a été pour nous, qui sommes producteurs, un boost. Puisqu’on avait désormais la possibilité de trouver de l’argent, la possibilité de développer des projets qui pouvaient aboutir à l’écran. Alors qu’auparavant, on avait beaucoup de projets qui se terminaient dans nos ordinateurs».
Aussi, s’empresse d’ajouter le responsable Tosala Film, « il y a de plus en plus accès au matériel audiovisuel de nos jours. Il y a de plus en plus de jeunes qui sont formés, qui sont outillés des connaissances pour pouvoir produire et travailler. Il y a de plus en plus de projets, des talents qui se développent, qui émergent au niveau international. Et ça donne de l’espoir. Ça veut dire que dans les dix prochaines années, il peut y avoir un vrai développement au niveau de la production audiovisuelle, un vrai développement au niveau du cinéma ».