Dans cette interview, Abdeslam Alaoui Smaili, directeur général du groupe Hightech Payment Systems (HPS), revient sur la stratégie d’expansion de son groupe, une entreprise 100% africaine dont la technologie est utilisée dans 95 pays. Exclusif.
Le groupe HPS vient d’acter le rachat du groupe irlandais CR2. Quelle est la portée stratégique de cet investissement ?
Notre projet de transformation AccelR8 comporte une composante de croissance externe qui est articulée autour de deux axes majeurs : le premier étant l’acquisition de technologies de pointe obéissant à nos exigences d’architecture et le second axe étant l’acquisition d’entreprises qui nous ouvre de nouveaux marchés que ce soient de nouveaux segments ou de nouvelles géographies. L’acquisition de CR2 rentre dans la première catégorie, avec notamment un produit de Digital Banking qui vient compléter la suite de solutions proposées par HPS. Nous pourrons alors proposer à nos clients une offre de distribution de produits financiers et de paiement par les canaux digitaux. Notre offre devient plus globale, plus riche. Notre volonté d’être le « One Stop Shop » se confirme encore plus.
Je rappelle que CR2 a le même âge que HPS, avec de nombreuses similitudes au niveau des ADN. HPS est un« grossiste » de la transaction, alors que CR2 qui, au travers de sa technologie, permet la distribution des produits de la Banque ou de l’Institution Financière de manière générale à leurs clients finaux et se positionne comme un distributeur.CR2 aussi est arrivée à un niveau de croissance où elle avait besoin d’être amarrée à un groupe plus important qui allait lui permettre de continuer sa success story autour du triptyque des 3S : Simple, Seamless, Secure.
Cette acquisition va aussi nous permettre de nous installer dans des marchés où CR2 est déjà bien établie comme l’Éthiopie, le Nigeria ou l’Égypte.
Notre modèle d’intégration des acquisitions est de créer des associations et non pas de simples acquisitions. La phase de croissance externe dans laquelle nous embarquons va nous permettre d’aller plus vite grâce à l’acquisition de technologies clés ou l’implantation sur de nouveaux marchés.
On vous annonce en Australie. Comment se présente vos activités au Maroc, en Afrique et dans le reste du monde ?
Aujourd’hui notre croissance est confirmée un peu partout où le groupe est présent. Nous sommes organisés par régions. En plus des régions Afrique francophone, et Afrique anglophone, nous avons une région qui s’occupe du Moyen-Orient, une autre du sous contient Indien, d’Asie Pacifique sans oublier nos bureaux en Europe et en Amérique du Nord.
Alors que nos activités poursuivaient leur rythme de croissance, nous avions constaté que nous ne tirions pas suffisamment profit du dynamisme incroyable que nous observions dans la région Asie Pacifique. Il y a une forte activité dans cette partie du monde et il était donc, à nos yeux, tout à fait naturel de mieux nous déployer dans cette région que nous pilotions depuis Dubaï .
Nous avons alors décidé de faire un spin off, en ouvrant un bureau à Singapour afin de travailler sur l’Asie depuis cette région et laisser le bureau de Dubaï travailler sur le Moyen-Orient. Par la suite, l’aventure singapourienne ayant bien pris, nous avons décidé de séparer l’Asie-Pacifique du reste du sous-continent indien. Nous avons donc ouvert un bureau à Pune qui s’occupe de l’Inde, du Sri Lanka et du Bangladesh, laissant le bureau de Singapour s’occuper de l’Asie-Pacifique.
Cette séparation a permis de se concentrer sur des pays en particulier en privilégiant la proximité, une valeur cardinale pour notre groupe.
L’Australie étant un marché extrêmement grand et porteur pour l’industrie de paiement, nous avons eu la chance de convaincre des clients en Australie et en Nouvelle-Zélande. C’est alors que nous avons décidé d’avoir encore plus de proximité en installant une équipe à Sydney. Nous croyons beaucoup dans cette aventure australienne, qui aura un effet significatif sur nos chiffres globaux.
Récemment, HPS a ouvert son capital à ses salariés. Comment l’opération a-t-elle été structurée ?
Cette opération, inédite dans l’histoire du groupe, nous rend fiers. Si HPS arrive aujourd’hui à vendre ses services sur les 5 continents, avec une qualité et un savoir-faire reconnus par tous les grands acteurs publics et privés du secteurs, c’est d’abord grâce à nos 1150 talents. La valeur se créé avec eux, et non sans eux.
C’est lors de l’Assemblée Générale Extraordinaire du 3 août 2020 que nous avons approuvé cette opération, menée avec succès il y a un an maintenant.
Nous avons effectivement décidé d’ouvrir à tous les salariés 5% du capital du groupe, soit 37.000 actions sous forme de stock option à des conditions très avantageuses.
J’insiste sur le fait que tous les collaborateurs (hors fondateurs), incluant toutes les nouvelles recrues et les collaborateurs issus des acquisitions, ont été concernés par cette opération qu’ils ont accueillie avec satisfaction. La fidélisation de nos talents est cruciale pour un groupe technologique comme HPS.
Quelles sont les branches d’activité dominantes dans votre chiffre d’affaires ?
On parle ici de trois activités complémentaires autour des métiers du paiement électronique, avec une large empreinte géographique, déployée à travers des modèles économiques résilients et à forte valeur ajoutée.
Pour vous donner des chiffres précis : le paiement, qui fait partie de notre core business représente à peu près 84% de notre CA. Le testing quant à lui 9% et puis le switching 7%.
Comment l’industrie du paiement devrait-elle évoluer en Afrique à l’heure de l’intelligence artificielle et de la transition énergétique ?
Vous avez raison de pointer ces enjeux importants pour permettre le « leapfrog » du continent. Il faut savoir que la valeur des paiements électroniques en Afrique devrait augmenter d’environ 20% par an, pour atteindre 40 milliards de dollars d’ici à 2025 selon une étude de McKinsey.
Les freins culturels, qui favorisent la confiance envers le cash au détriment du paiement électronique, sont toujours présents mais commencent à se dissiper. La jeune génération africaine d’aujourd’hui est plus familiarisée avec le mobile banking qu’avec le cash proprement dit. C’est pourquoi la modernisation des infrastructures technologiques africaines est un facteur clé et cela fait partie de nos interactions quotidiennes avec nos interlocuteurs du continent. Notre seul objectif est d’améliorer l’expérience utilisateur, sécuriser les traitements des transactions, et favoriser ainsi la bancarisation et l’accès aux services financiers.
L’intelligence artificielle accélèrera la bancarisation du continent. De notre point de vue, elle permettra la modernisation de tout l’écosystème financier et servira assurément le saut technologique tant attendu avec l’avènement d’une industrie africaine de paiement robuste.
Et puis au-delà même de l’Afrique, l’intégration de l’intelligence artificielle va accentuer la simplicité et la fluidité des cas d’usages, mais aussi la sécurité au niveau de l’authentification de la personne, de la gestion de la fraude et de l’hyperpersonnalisation des offres.
Tout cela évidemment a un coût énergétique. À l’heure où dans les pays développés l’on parle de sobriété énergétique, l’Afrique, elle, a besoin d’investissements massifs dans les infrastructures énergétiques pour accompagner le boom démographique du continent d’abord, ainsi que le tissu productif local. Nous ne pouvons pas freiner cet élan économique, nous devons très vite composer avec les freins réglementaires. L’Afrique a ce formidable atout de la résilience, il faudra plutôt accompagner le continent dans la création d’écosystèmes énergétiques vertueux qui vont de pair avec la financiarisation de l’économie africaine.
Par ailleurs, nous faisons de la réduction de l’empreinte carbone de HPS une priorité absolue. Et à travers 5 piliers (intégrité et éthique, respect des droits de l’homme, protection de l’environnement, engagement communautaire & transparence et responsabilité), HPS aligne ses enjeux de développement économique avec une vision sociétale de long terme partout où le groupe est présent.
HPS est une multinationale plutôt atypique car originaire du Sud. Votre actionnariat reflète-t-il cette particularité ?
Sénèque disait : Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. Je compléterai cette belle citation avec la nécessité de savoir aussi, d’où l’on vient. Et chez HPS, nous sommes très attachés à notre histoire. Au début, nous avons commencé l’aventure dans un petit appartement à Casablanca. Nous étions une dizaine d’ingénieurs acharnés de travail.
Aujourd’hui, HPS est non seulement une entreprise 100% africaine innovante dont la technologie est utilisée dans 95 pays , mais elle bénéficie aussi de la caution des institutions africaines et européennes. La plateforme HPS est aujourd’hui la deuxième solution de paiement au niveau mondial. 5 des 50 premières banques (par actifs) sont des clients de HPS pour la gestion de systèmes critiques.
La diversité de notre actionnariat y est aussi pour quelque chose. Vous aurez d’ailleurs l’occasion de croiser quelques-uns de nos investisseurs dans les différents événements dans lesquels nous participons.
Au-delà de la mise en place des mécanismes de continuité d’activité de notre groupe, nous avons identifié les différents hauts potentiels pour assurer une succession à la fois fidèle à notre histoire, valorisant l’interne et tournée vers l’avenir pour que la pérennité de notre entreprise soit assurée dans la sérénité.
La responsabilisation des équipes est un élément essentiel et elle devrait préparer les équipes à leurs futurs rôles au sein du groupe.