Les récentes opérations d’injection de liquidité menées par la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) révèlent une soif insatiable des banques commerciales pour les ressources financières. En effet, le taux de souscription record de 215,08 % à l’offre de liquidité de 250 milliards de francs CFA lancée le 20 août 2024, souligne une demande colossale de 627,7 milliards de francs CFA, bien au-delà des montants proposés. Cette situation est révélatrice des besoins de liquidité dans un marché où le régulateur est avant tout obnubilé (et on ne le lui reprochera pas ) par la gestion des réserves de change.
Depuis la reprise des injections de liquidités en juin 2024, la BEAC enregistre des records de souscription. Chaque émission dépasse largement les attentes, atteignant des taux de souscription vertigineux, comme les 450 % enregistrés le 18 juin ou encore les 425 % franchis 30 juillet. Pourtant, ces chiffres, bien que porteurs de bonnes nouvelles quant à l’appétit des banques pour les financements, révèlent un malaise profond : un assèchement de liquidités qui pourrait compromettre les perspectives de croissance économique.
En dépit d’une prévision de croissance en hausse à 3,3 % pour 2024, contre 2,3 % en 2023, la situation économique reste fragile. Les tensions de liquidités, si elles ne sont pas correctement adressées, risquent de freiner la dynamique de relance. C’est pourquoi la BEAC doit aujourd’hui prendre le taureau par les cornes et initier une politique monétaire audacieuse en sortant de sa zone de confort, à savoir la lutte contre l’inflation et la recherche de l’équilibre des prix.
Plutôt que de se contenter de réponses classiques comme le retrait de liquidité, une politique en décalage par rapport aux besoins comme l’illustre le faible engouement pour l’opération de ponction de 50 milliards de francs CFA réalisée ces derniers jours, le gouverneur de la banque centrale de la CEMAC, Yvon Sana Bangui, doit envisager une approche plus expansive, inspirée des politiques de quantitative easing adoptées par d’autres banques centrales à travers le monde. Une injection massive et soutenue de liquidités dans le système bancaire est nécessaire pour accompagner et stimuler la reprise économique.
Cette politique audacieuse permettrait non seulement de répondre aux besoins pressants des banques commerciales, mais aussi de soutenir l’investissement et la consommation dans l’ensemble de la CEMAC. La BEAC doit ainsi se positionner non pas simplement comme un régulateur prudent, mais comme un acteur clé de la relance économique, capable d’injecter la confiance et les ressources nécessaires pour que les économies de la sous-région puissent retrouver leur pleine capacité de croissance.
En somme, la banque commune aux Etats de l’Afrique centrale ayant en commun le Franc CFA est à la croisée des chemins. Elle peut choisir de continuer à gérer prudemment les excès de liquidités, ou elle peut prendre l’initiative audacieuse d’insuffler une nouvelle dynamique à l’économie régionale. La réponse à cette question déterminera la vitesse et la durabilité de la relance économique dans la CEMAC. Il est temps pour la BEAC de prendre des mesures courageuses, de soutenir fermement les banques commerciales, et ainsi de garantir que la croissance prévue devienne une réalité tangible pour tous. Avec un volume des réserves de change représentant une couverture extérieure de la monnaie de 78,4%, soit 4,79 en mois d’importations de biens et services, contre 4,82 en mois courant 2023, la BEAC a de la marge pour initier une politique tournée vers la relance économique.