« Je ne m’excuserai jamais pour mon succès »
Dans un paysage médiatique où les fake news peuvent souvent éclipser la vérité, Yacoub Sidya, PDG de MSS Security, Global Aviation et Phoenix Precious Metals, estime que la désinformation est l’une des armes utilisées par des lobbys qui avancent masqués. Dans cet entretien, celui qui refuse de se considérer comme une victime, parle de l’environnement des affaires en général, de son parcours entrepreneurial et revient sur ces fameuses accointances avec la Russie.
Des journaux vous ont accusé d’accointances avec Nordgold, une société minière appartenant au milliardaire russe sanctionné Alexei Mordashov ?
Pour clarifier les choses, je n’ai jamais nié connaître ou travailler avec NordGold. Ils étaient mes clients, tout comme toute autre compagnie minière en Afrique de l’Ouest. Cependant, lorsqu’ils ont été placés sur la liste des sanctions par les USA et le Royaume-Uni, j’ai rapidement donné mon préavis conformément à la Licence Générale OFAC 37. J’ai été surpris par cette accusation infondée. J’ai immédiatement porté plainte car je crois en la justice. Ces fake news ont été proférées à dessin pour freiner une entreprise en plein essor et lui attirer les foudres de l’administration américaine.
Les mêmes sources vous accusent d’accointances avec le Polisario ?
Je ne suis pas certain qu’ils proviennent de la même source, mais le mode opératoire est identique. Il est notable que cette source soit un média jusque-là inconnu, avec un nouveau site web lancé seulement en janvier 2023. De plus, leurs comptes sur les réseaux sociaux ont été créés récemment et, pour ajouter au mystère, ils ont utilisé des noms de journalistes fictifs. Une autre affabulation. Ces sources ont passé en revue mon portefeuille clientèle er y ont vu une ou deux sociétés marocaines. Quoi de plus facile, pour rompre ces contrats, que de m’accuser d’être un sponsor de ce mouvement que je ne connais pas. De même, je n’ai jamais blanchi de l’or au profit de l’ancien président guinéen Alpha Condé. Je suis leader régional d’une modeste activité de convoyage de l’or et j’ai notamment des contrats avec des banques centrales. C’est cela qui me liait avec la Banque Centrale de Guinée (BCRG) et, aujourd’hui, avec d’autres entités publiques et de nombreuses sociétés minières. Je dispose de toutes les autorisations requises, des assurances internationales les plus respectées au Monde, des capacités techniques et des contrats avec les grandes raffineries. Nos références parlent pour nous.
Est-ce que cette intense campagne de presse vous a fait perdre vos clients ?
Je dois vous le dire, la presse et notamment la presse africaine a un important rôle à jouer dans l’assainissement du monde des affaires. Ces articles ont pour dessein d’entacher la réputation de ma personne et de nos sociétés. Mais seuls les faits sont importants. Cela dit, je crois fermement à l’importance d’une presse solide, indépendante et éthique. Une presse qui respecte ces valeurs joue un rôle clé dans la responsabilisation des acteurs publics et dans la promotion de la transparence. Cependant, dans la région du Sahel, nous constatons un déclin alarmant de l’intégrité journalistique. Certains médias privilégient désormais les intérêts financiers au détriment de la vérité. Bien que des sources d’information crédibles existent encore, la prolifération des plateformes numériques à faible coût a facilité l’apparition de faux journalistes, entraînant une propagation inquiétante de fausses informations.
Vous avez mentionné être victime de campagnes de presse négatives. Comment ces articles ont-ils affecté votre entreprise et votre réputation personnelle ?
Non, je n’ai pas mentionné que j’étais une victime, car je refuse de donner à mes détracteurs la satisfaction de penser qu’ils ont du pouvoir sur moi. Les campagnes de presse négatives peuvent avoir un impact considérable sur une entreprise de plusieurs façons : atteinte à la réputation, pertes financières, tensions avec les partenaires, risques juridiques, et, plus important encore, une baisse du moral des employés. Sur le plan juridique, les risques auxquels nous sommes confrontés sont multiples. Nous avons dû engager des poursuites en diffamation contre des médias qui ont propagé de fausses informations. De plus, certains gouvernements étrangers ont intensifié leurs procédures bureaucratiques, ce qui complique nos activités à l’international. Ces défis juridiques posent des menaces importantes, en particulier lorsque des accusations infondées viennent miner notre crédibilité.
Quant à ma réputation personnelle, elle reste intacte. Ceux qui me connaissent vraiment comprennent mes valeurs et savent ce que je représente. C’est ce qui compte pour moi. Si d’autres me jugent à travers des informations erronées sans chercher à comprendre qui je suis réellement, c’est leur problème, pas le mien. Je ne m’excuserai jamais pour mon succès. J’ai travaillé avec acharnement chaque jour de ma vie, depuis mes années d’étudiant aux États-Unis, et je continuerai à me battre jusqu’à la fin. C’est mon identité et personne ne peut changer cela.
Est-il difficile de contrer les fausses accusations relayées par la presse ?
Il est incroyablement difficile de faire face à un adversaire invisible. Ce qui se passe dans le Sahel, je le qualifie de véritable terrorisme médiatique. Au départ, j’ai choisi de ne pas réagir, convaincu que les accusations étaient si absurdes que personne ne les prendrait au sérieux. Malheureusement, j’avais sous-estimé leur impact. Aujourd’hui, je n’ai plus d’autre choix que de présenter ma version des faits et de laisser chacun juger par lui-même où se trouve la vérité.
Avez-vous constaté une amélioration ou une dégradation de l’éthique journalistique en Afrique de l’Ouest ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les entreprises privées comme la vôtre ?
La définition de “journaliste” a considérablement évolué au fil du temps. Aujourd’hui, beaucoup de ceux qui se disent journalistes fabriquent leurs propres versions des faits. L’idée que chaque histoire a deux versions s’est affaiblie ; à la place, la perspective de celui qui paie le plus finit souvent par prévaloir. Toutefois, il est essentiel de souligner que cela ne concerne pas tous les journalistes. De nombreux véritables journalistes risquent leur vie pour rapporter la vérité, tandis que d’autres détournent leur plateforme pour servir des intérêts personnels, au lieu d’informer objectivement le public.
Comment gérez-vous vos relations avec la presse, sachant que vous préférez souvent rester en dehors des projecteurs ?
Je n’ai jamais eu de département ou de consultant en relations publiques, et je n’en ai toujours pas. Toutefois, face aux récentes attaques provenant de divers continents, je réfléchis sérieusement à constituer une équipe. Je tiens à préciser que mon silence ne doit en aucun cas être perçu comme une approbation des fausses allégations. Malgré tout, ces médias ne dicteront ni la manière dont je gère mes entreprises, ni ma façon de vivre. Je refuse de leur accorder ce pouvoir sur moi. Je reste fermement attaché à mes principes, peu importe le tumulte extérieur.
Donc, pour vous, il faudrait réguler la presse pour réduire l’utilisation des médias comme relais de fake news ?
Je suis un fervent défenseur de la liberté d’expression et d’une presse libre. Cependant, il est essentiel de faire la distinction entre l’exercice de cette liberté et les attaques personnelles. La prochaine génération de journalistes doit être mieux formée, notamment sur les responsabilités qui accompagnent l’influence que leur plateforme leur confère. Il est également crucial que chacun soit tenu responsable de ses actes. Trouver un équilibre entre la liberté d’expression et la responsabilité est fondamental. En ce qui me concerne, ce n’est pas que j’aie un problème majeur avec les médias, il s’agit plutôt de quelques fausses informations à mon sujet, souvent diffusées par des sources moins connues ou peu fiables. Le véritable défi réside dans le fait que certaines personnes prennent tout ce qu’elles voient en ligne pour des faits. Les réseaux sociaux ont amplifié ces histoires, atteignant un public plus large, y compris ceux qui n’ont peut-être pas les moyens de distinguer le vrai du faux. Cette diffusion élargie rend la gestion de la désinformation plus complexe, mais je reste déterminé à dire la vérité et à rester fidèle à moi-même.
Vous avez engagé des poursuites judiciaires contre plusieurs journaux et médias en ligne à la suite de l’incident de l’avion intercepté à Dakar en 2014 et des accusations concernant vos liens avec des sociétés minières russes. Pensez-vous que ces actions juridiques sont efficaces pour protéger votre image et contrer les fausses nouvelles ?
Contrairement à ceux qui propagent la désinformation, nous avons confiance dans les systèmes juridiques, en Afrique comme ailleurs. C’est pour cette raison que nous avons choisi de suivre des voies légales afin de prouver notre innocence et de protéger notre réputation. Nous croyons fermement que la vérité émergera à travers ces procédures. Nous invitons également les véritables journalistes, désireux de découvrir la vérité, à venir observer nos opérations de près. La transparence est primordiale.
En tant qu’entrepreneur ayant traversé de nombreuses tempêtes médiatiques, quels conseils donneriez-vous à d’autres dirigeants d’entreprise pour gérer les campagnes de fake news ?
Mon conseil aux autres dirigeants d’entreprise est de rester concentrés sur leur travail et de ne pas se laisser distraire par des attaques infondées. Pour les entreprises internationales, je recommande d’user de bon sens et de se poser la question : À qui profite la diffamation ? lorsqu’elles sont confrontées à des articles négatifs sur un prestataire de services. Abordez ces histoires avec prudence et discernement jusqu’à ce que vous les ayez examinées en profondeur. Rappelez-vous que le principe de base est la présomption d’innocence, et non l’inverse.
La presse pourrait-elle jouer un rôle plus constructif dans le développement économique du continent ?
Une presse robuste et indépendante pourrait jouer un rôle crucial dans la croissance de notre continent. Elle serait un véritable pilier de responsabilité, capable de tenir les décideurs politiques, les responsables gouvernementaux et les dirigeants d’entreprise responsables de leurs actions.