Selon la commission des nations unies pour l’Afrique, UNECA, les petites et moyennes entreprises représentent 90% du tissu entrepreneurial privé africain et emploient 60% de la main-d’œuvre. Ces chiffres indiquent ce que tout observateur peut remarquer la première fois qu’il arrive en Afrique : nous sommes un continent de micro et de petites entreprises essentiellement. D’après les experts, la solution au problème du développement du continent viendra de la jeunesse et de sa capacité à acquérir des compétences et à la déployer dans un contexte favorable. En un mot : l’Afrique a besoin de professionnels qualifiés et d’entreprises prospères.
Quand on se penche sur les chiffres, cependant, une autre histoire émerge. En Côte d’Ivoire par exemple, 80% des PME ferment au bout de 3 ans. Si des facteurs structurels comme la difficulté de l’accès au financement ou à l’énergie, expliquent en partie la situation, on ne doit pas perdre de vue une autre raison toute aussi fondamentale : le déficit en information de qualité.
En Afrique, beaucoup plus qu’ailleurs, les entreprises naissent sur une idée ou une opportunité et peinent à aller au-delà. La prédominance du secteur informel dispense par exemple les entreprises de se familiariser avec une gestion administrative et financière saine. En même temps, elle les pénalise puisque les entrepreneurs ignorent les procédures de base et sont privés d’accès au financement bancaire et au soutien public quand il existe. Quant aux choix stratégiques ou de croissance, ils reposent plus sur des coups de chance ou une lecture partielle du contexte que sur des avis éclairés et documentés.
Tout entrepreneur l’apprend très vite, avoir une idée et envie de la matérialiser ne garantit pas qu’on arrivera à bon port. Pour y parvenir, il faudra très vite se familiariser avec des concepts comme la stratégie, la gestion financière, les fonctions de supports, etc.
À ce jeu, l’éducation et la formation sont des atouts. Un MBA par exemple est toujours mieux que pas de MBA dans cette aventure. Mais même dans ce cas, l’aspirant entrepreneur se retrouve confronté à des situations que n’ont pas forcément prévu ses livres. Combien de livres par exemple enseignent sur comment opérer dans un environnement comme le Nigéria où la monnaie a dévissé de près de 40% depuis le début de l’année ?
Il faut donc une bonne dose d’intelligence contextuelle pour survivre et naviguer dans les eaux tumultueuses des économies africaines. Cette mission n’est pas impossible: certains l’ont fait. La question est de savoir “comment?”.
À mon avis, le plus simple est de leur demander. Nous avons aujourd’hui un enjeu de partage de la connaissance et de transmission du savoir. C’est également l’avis de Djerassem Djimhotengar, directeur de la gestion de risques chez EquityBCDC, qui affirme: “Je reçois énormément de sollicitations de mentoring de mes jeunes cadet.tes qui viennent de démarrer ou qui ont une carrière ascendante dans le secteur bancaire. Impossible de répondre à tous.”
Il y a aujourd’hui en Afrique un impératif de transmission et d’accompagnement. Cette responsabilité n’est pas toujours celle des Etats. Ces derniers ont mené des expériences plus ou moins intéressantes, avec des incubateurs et autres structures d’accompagnement de l’entrepreneuriat avec des résultats qui mettent du temps à se matérialiser.
La responsabilité de transmettre est d’abord celle des professionnels et celle des entreprises. Déjà parce qu’ils sont en première ligne. Ils paient le coût le plus élevé de ce déficit de transmission. Ensuite, par nature, leur mission est de créer de la valeur par la satisfaction d’un besoin, la résolution d’un problème. Enfin, ils sont les bénéficiaires d’un environnement des affaires disposant d’un tissu entrepreneurial dense, et de cadres bien formés.
C’est cette conviction qui m’amène à penser que la solution viendra de la rencontre de l’envie de partager des uns et du désir d’apprendre des autres. Une plateforme où des experts africains de premier plan guide la prochaine génération d’entrepreneurs et de managers pourrait contribuer durablement au développement de notre continent.
Raodath Aminou
Raodath Aminou est une entrepreneure béninoise. Ingénieure de formation, titulaire d’un Master de l’École Polytechnique, et d’un MBA de l’Asia School of Business et du MIT Sloan, elle est également consultante en stratégie d’innovation et entrepreneuriat. Elle collabore avec des organisations publiques et privées (PNUD, l’OIF, la Banque Mondiale, PwC, Enabel, Fanaka&Co…) pour concevoir et mettre en œuvre des programmes d’appui au développement du secteur privé en Afrique. Elle prépare le lancement prochain de sa plateforme Entourage www.entourage.africa pour démocratiser l’accès aux experts de premier plan en Afrique