Pourquoi marginaliser nos compétences nationales ?
Par Baba Mohamed Fall
Monsieur le Premier Ministre, dans ses réponses aux Députés, suite à sa Déclaration de Politique Générale en date du 04 septembre 2024, a brillamment posé une série de problèmes dont souffrirait notre pays dont, essentiellement, la qualification de nos compétences nationales. Si je suis d’accord avec son Excellence, sur la corrélation entre les principes de développement et de compétences, je le suis, cependant, moins quant à l’inexistence de compétentes nationales dans certains secteurs, qui du reste, et c’est dommage, ne sont pas utilisés.
Dans ma modeste expérience en matières minière et pétrolière, j’ai eu à suivre de bout en bout certains cadres mauritaniens au cours d’une longue procédure arbitrale de 4 ans et ce, dans le cadre du litige minier opposant l’État mauritanien aux sociétés BUMI. Suite à ce litige, un Comité technique a été institué sous la direction des Ministres de tutelle (Ministre des Finances et Ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Mines), par arrêté conjoint en décembre 2015. Les éléments de ce Comité, représentés sur la photo (le Président M. Zakaria THIAM et les membres M. Brahim Abdellahi RAVÉ et M. Ahmed TALEB MOHAMED) ont joué un rôle central, décisif et historique dans la gestion de ce litige.
Leur mission a consisté à assurer la coordination des activités des différents intervenants, à garantir la cohérence des stratégies de défense de l’État mauritanien, à concevoir et superviser les arguments juridiques, à fournir un soutien direct aux avocats engagés, en mettant à leur disposition toute la documentation nécessaire. Conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur, ils ont piloté l’ensemble des actions nécessaires à la résolution du différend et ont veillé à l’exécution des décisions du Gouvernement mauritanien.
Grâce à leur expertise dans les domaines juridique, financier et minier, ainsi qu’à leur connaissance approfondie du secteuret à leur engagement sans faille, ces trois personnes ont apporté une contribution inestimable tout au long du processus. Parmi leurs principales réalisations figurent :
– l’analyse et la validation des stratégies juridiques à traversl’évaluation des options proposées par le cabinet d’avocats et la formulation des recommandations éclairées pour s’assurer que les actions entreprises sont alignées avec les intérêts de l’État.
– le suivi rigoureux des actions et des échéances, garantissant ainsi le respect des délais critiques et anticipant les évolutions potentielles du litige.
– la communication fluide et la coordination entre l’État et le cabinet d’avocats ; ce qui a permis la prise de décision rapide et informée.
– l’expertise technique et le soutien décisionnel grâce à leur connaissance spécifique du secteur minier et des enjeux financiers et techniques du dossier, offrant ainsi un soutien essentiel pour comprendre les aspects complexes du litige.
Leur implication a permis de s’assurer que chaque étape était minutieusement analysée, que les meilleures stratégies étaient adoptées et que la communication avec le cabinet d’avocats était précise et efficace.
Cette approche a, entre autres,conduit, le 27 juillet 2018, à une sentence du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) condamnant BUMI Mauritania à assumer l’intégralité des frais et honoraires des conseils, experts et autres prestataires engagés par la Mauritanie, ainsi que les frais des membres du Tribunal et les redevances pour l’utilisation des services du Centre (soit : 4.228.107,85 € pour les frais et honoraires du Tribunal et du CIRDI en plus des frais et honoraires des conseils, experts et autres prestataires engagés par la Mauritanie pour la procédure).
En dépit de leur rôle clé, qui a permis à la Mauritanie de devenir le premier État à remporter une importante affaire contre un investisseur devant le CIRDI, ces fonctionnairesn’ont pas été récompensés, à la hauteur de leur engagement, de leur professionnalisme et de leur rigueur. Cet engagement et professionnalisme pourtant essentiels au succès de ce processus crucial, a dissuadé tous les investisseurs de l’époque qui attendaient l’issue de la procédure pour voir si elles devaient intenter ou non une action en justice contre la Mauritanie dans d’autres dossiers.
Aussi, ma surprise fut grande de constater que ces experts n’ont jamais été impliqués en quoique ce soit dans la gestion des secteurs minier et pétrolier en question.