Par Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international, docteur d’État
Le cours du dinar sur le marché parallèle en ce mois de septembre 2024, comme je l’annonçais déjà en avril dernier sur Financial Afrik, continue de se déprécier, alors que certains soi-disant experts organiques, ignorant que les lois économiques sont insensibles aux slogans populistes, spéculaient sur une appréciation.
Le 24 septembre 2024, pour 100 euros à l’achat, la cotation est de 24 900 dinars, soit environ 250 dinars pour un euro, représentant un écart de près de 70 % par rapport au taux officiel de la Banque d’Algérie, contre un écart de 50 % en 2023. Cela ne peut qu’aggraver la corruption via les surfacturations.
- Évolution historique du taux de change
Le taux de change officiel du dinar algérien a évolué comme suit : en 1970, 1 dollar équivalait à 4,94 dinars, et en 1980, à 5,03 dinars. En 2001, le taux était de 77,26 dinars pour 1 dollar et de 69,20 dinars pour 1 euro. En 2005, le taux s’élevait à 73,36 dinars pour 1 dollar et à 91,32 dinars pour 1 euro. En 2010, on observait un taux de 74,31 dinars pour 1 dollar et de 103,49 dinars pour 1 euro. En 2015, les chiffres étaient de 100,46 dinars pour 1 dollar et 111,44 dinars pour 1 euro. En 2022, le taux officiel était de 140,24 dinars pour 1 dollar et de 139,30 dinars pour 1 euro. En 2023, le taux officiel variait entre 137,0471 dinars pour 1 dollar et 146,2567 dinars pour 1 euro. Au 24 septembre 2024, 1 euro se cote à 147,2087 dinars à la vente et 1 dollar à 132,4177 dinars. La dépréciation du dinar permet de réduire le déficit budgétaire, en ligne avec les prévisions de la loi de finances 2023, qui table sur un prix du baril supérieur à 150 dollars en 2024. - Raisons de l’écart entre le taux officiel et le marché parallèle
Premièrement, la faiblesse des allocations en devises tant pour les citoyens que pour les entreprises, surtout privées, ainsi que la baisse de la production interne. L’économie algérienne est marquée par une désindustrialisation, un secteur clé pour la croissance. En 2023, le secteur industriel représentait à peine 4,1 % du PIB (source : ministère de l’Industrie et de la Production pharmaceutique).
Deuxièmement, l’augmentation du déficit budgétaire liée à une gestion inefficace et à une demande croissante due à une démographie galopante, dépassant les 47 millions d’habitants, avec une projection de 50 millions d’ici 2030. La loi de finances 2024 prévoit des dépenses publiques de 15 275,28 milliards de DA pour des recettes de 9 105,3 milliards de DA, entraînant un déficit budgétaire d’environ 46 milliards de dollars. La baisse des recettes de Sonatrach par rapport à 2022 n’a fait qu’aggraver la situation.
Troisièmement, la sphère informelle en Algérie continue de croître, représentant environ 33,35 % de la masse monétaire en circulation en 2024, exacerbée par une faible bancarisation. Le marché parallèle est également alimenté par des pratiques de surfacturation, qui génèrent un transfert illégal de devises, estimé entre 100 et 150 milliards de dollars entre 2000 et 2020.
Quatrièmement, la demande de devises sur le marché parallèle est stimulée par les besoins des citoyens, que ce soit pour les voyages, les soins médicaux à l’étranger, ou le pèlerinage, en raison de l’allocation de devises très faible accordée par l’État (environ 100 euros).
Cinquièmement, la détérioration du pouvoir d’achat des Algériens pousse de nombreux ménages à investir dans des actifs tangibles tels que l’immobilier, les pièces détachées, l’or ou les devises fortes pour se prémunir contre l’inflation. - Conclusion
La Banque d’Algérie envisage la numérisation des paiements et l’adoption du dinar numérique algérien, bien qu’il ne faille pas le confondre avec les crypto-monnaies, non régulées. Par ailleurs, les bureaux de change agréés depuis 1995 n’ont jamais été opérationnels, et leur mise en place dépendra d’une stabilisation juridique et monétaire, ainsi que de la maîtrise du processus inflationniste. Enfin, il est essentiel de mettre en place des réformes structurelles pour améliorer la gouvernance économique, afin de restaurer la confiance entre l’État et les citoyens et éviter une nouvelle dépréciation du dinar.