Par Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des universités, expert international, Docteur d’État .
Il convient de rappeler qu’une loi de finances ne saurait remplacer une planification stratégique, qui fait cruellement défaut en Algérie. En effet, elle retrace annuellement l’évolution des dépenses et des recettes budgétaires. La population algérienne, qui devrait atteindre 47,3 millions d’habitants en 2024 et 47,8 millions en 2025, est un élément clé à considérer.
Pour l’année 2024, le budget de l’État prévoyait des dépenses de 15 275,28 milliards DA (soit 117,35 milliards de dollars) et des recettes de 9 105,3 milliards DA (soit 67,95 milliards de dollars), avec un déficit budgétaire d’environ 46 milliards de dollars.
La loi de finances prévisionnelle 2025, élaborée sur la base d’un prix de référence fiscal du baril de pétrole à 60 dollars et d’un prix de marché à 70 dollars (comme en 2024), prévoit une croissance économique de 4,5 % en 2025, ainsi qu’une augmentation des volumes d’exportation des hydrocarbures de 1,9 %. Les dépenses budgétaires prévues pour 2025 s’élèvent à 16 794,61 milliards de dinars, soit 125,34 milliards de dollars, une hausse de 9,9 % par rapport à 2024. Les recettes budgétaires sont quant à elles estimées à 8 523,06 milliards de DA (63,60 milliards de dollars), en augmentation de 3,5 % par rapport à 2024, principalement grâce à une hausse de 9 % des recettes fiscales.
Par conséquent, le déficit budgétaire devrait s’accentuer, passant de 7 039,66 milliards DA (19,8 % du PIB) en 2024 à 8 271,55 milliards DA (21,8 % du PIB) en 2025, soit 61,72 milliards de dollars au taux de change de 134 dinars pour un dollar.
Pour l’Algérie, 92 % des recettes en devises proviennent des hydrocarbures bruts et, si l’on inclut les dérivés, plus de 67 % sont classées comme « exportations hors hydrocarbures ». En 2023, selon la Banque d’Algérie, les recettes hors hydrocarbures s’élevaient à 5,01 milliards de dollars (source : APS), soit environ 98 % des recettes totales. Pour équilibrer le budget, le FMI estime qu’un prix du baril de 100 à 110 dollars serait nécessaire pour la période 2021-2022, 140 dollars pour la loi de finances 2023, et plus de 150 dollars pour 2024, avec des prévisions encore plus élevées pour 2025. Le prix fiscal et le prix du marché, fixés à 60 et 70 dollars respectivement pour les lois de finances de 2023 et 2024, ne sont donc qu’un artifice comptable. La dépréciation officielle du dinar, cotée au 13 octobre 2024, permet d’augmenter artificiellement les recettes fiscales issues des hydrocarbures (par la conversion des exportations en dinars) ainsi que la fiscalité ordinaire (via les importations, qu’elles soient libellées en dollars ou en euros et converties en dinars dévalués). Cela exacerbe l’inflation sur les produits importés, notamment les équipements, les matières premières et les biens, cette inflation étant accentuée par la taxe douanière appliquée à la valeur du dinar. Finalement, c’est le consommateur qui supporte cette charge sous la forme d’un impôt indirect, à moins que les entreprises ne puissent compenser ces coûts par une amélioration de leur productivité. Afin de maintenir une certaine cohésion sociale, le gouvernement a prévu un montant important pour les transferts sociaux, qui s’élevaient à environ 37,31 milliards de dollars en 2023.
À titre d’exemple, pour la loi de finances 2025, 660 milliards de dinars sont prévus pour les subventions des produits de grande consommation, dont 348,96 milliards pour les céréales, 100 milliards pour le lait, 88 milliards pour l’eau dessalée, 23 milliards pour l’énergie et 100 milliards pour la stabilisation des prix du sucre et de l’huile.
L’augmentation du déficit budgétaire, qui, selon une loi universelle, accélère le processus inflationniste, est préoccupante. En 2024, le budget de l’État prévoit des dépenses de 15 275,28 milliards DA et des recettes de 9 105,3 milliards DA, soit un déficit budgétaire d’environ 46 milliards de dollars. Pour équilibrer son budget, l’Algérie aurait besoin d’un prix du baril supérieur à 140 dollars pour la loi de finances 2023 et de plus de 150 dollars pour 2024, contre 110 dollars pour 2021-2022. La dépréciation du dinar officiel, qui présente un écart de plus de 65 % par rapport au marché parallèle (avec un taux de 253 à 257 dinars pour un euro entre le 10 et le 13 octobre 2024), accentue artificiellement les recettes fiscales en dinars issues des exportations d’hydrocarbures, tout en aggravant l’inflation des biens importés.
En conclusion, malgré un cadre macroéconomique relativement stable, principalement grâce aux recettes des hydrocarbures, les réserves de change, estimées à 70 milliards de dollars fin 2023 (83 milliards si l’on inclut les réserves d’or de 173 tonnes), et une dette extérieure modeste (1,6 % du PIB), l’inflation et le chômage restent élevés. Selon le FMI et d’autres institutions internationales, la dette nationale brute par rapport au PIB atteindrait 55,1 % en 2023, 58,8 % en 2024 et 63,9 % en 2025 (bien que le gouvernement, après réévaluation du PIB, présente un ratio inférieur). Ces éléments soulignent la nécessité d’une gestion efficace des finances publiques pour assurer une stabilité économique à long terme.