Depuis plusieurs années, le pays mise sur la diversification pour sortir de sa dépendance aux matières premières brutes. De la transformation du cacao à la création de zones industrielles modernes, en passant par des projets d’énergies renouvelables et des investissements massifs dans la technologie, la Côte d’Ivoire entreprend un marathon pour transformer son économie. Sur le terrain, acteurs locaux et internationaux se mobilisent pour soutenir cette dynamique.
Montée en puissance de la transformation locale
C’est à San Pedro que le cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial, connaît une véritable effervescence. Inaugurée en 2023, l’usine de cacao GCB, d’une capacité de 240 000 tonnes par an, incarne la volonté du Président Alassane Ouattara d’accroître la valeur ajoutée générée localement.
Actuellement, environ 800 000 tonnes de cacao, soit un tiers de la production nationale, sont transformées dans les 14 usines du pays. L’objectif du gouvernement est de transformer 100 % de la production d’ici à 2030, grâce à des investissements massifs. « Le secteur attire de plus en plus de capitaux étrangers », explique un cadre du ministère de l’Agriculture. « La transformation est devenue la priorité nationale pour créer des emplois et mieux profiter de nos ressources ».
À plusieurs centaines de kilomètres au nord, dans la ville de Bouaké, Ivory Cashew Nuts, l’une des entreprises pionnières de la région, transforme chaque année des milliers de tonnes de noix de cajou, une contribution majeure aux efforts nationaux visant à faire passer la transformation locale des 10 % actuels à des niveaux beaucoup plus élevés dans les années à venir. « Avant, tout partait brut vers l’Asie, mais maintenant, nous traitons les noix ici et nous les exportons directement aux États-Unis », témoigne Kouamé, un jeune opérateur. En effet, neuf usines ivoiriennes ont obtenu la certification nécessaire pour exporter vers les États-Unis, un signe des progrès dans la transformation locale.
Cap sur la diversification et l’autosuffisance
Le secteur agricole, qui pèse plus de 17 % du PIB et emploie plus de 40% de la population, est un pilier incontournable de l’économie ivoirienne. Si le cacao et la noix de cajou dominent largement les productions, le pays cherche désormais à diversifier ses cultures, notamment avec le caoutchouc, l’huile de palme et, plus récemment, le riz. En 2023, la production de riz a atteint 2,1 millions de tonnes, un bond significatif pour un pays qui aspire à l’autosuffisance alimentaire voulue par le gouvernement. Objectif : réduire sa dépendance aux importations, alors que les crises successives, le Covid-19 puis le conflit en Ukraine, ont souligné la vulnérabilité des pays importateurs de denrées alimentaires. Le gouvernement n’a pas tardé à lancer des programmes de soutien à la production locale : mécanisation des cultures, amélioration des semences, irrigation etc.. L’ambition est claire : atteindre l’autosuffisance en riz d’ici 2025. Une révolution verte qui doit permettre de sécuriser l’approvisionnement local tout en créant des emplois.
Zones industrielles : de vastes projets en développement
La zone industrielle Akoupé-Zeudji PK 24, près d’Abidjan, s’étend sur plus de 423 hectares et compte déjà 134 entreprises, dont 33 sont opérationnelles. Avec ce projet, l’ambition est de faire d’Abidjan un pôle industriel majeur en Afrique de l’Ouest. La zone industrielle de San Pedro est en plein développement, et le port, où transitent chaque année des millions de tonnes de cacao, devient progressivement un centre de transformation agro-industrielle et logistique. « Nous voyons ici une opportunité de créer des emplois et d’améliorer la chaîne de valeur du cacao et de la noix de cajou », explique un chef d’entreprise local. Le gouvernement espère que ces zones créeront près de 10 000 emplois et attireront des investissements de plus de 475 milliards FCFA.
L’énergie : une diversification en marche
Sur le front de l’énergie, les avancées sont également visibles. À quelques kilomètres du village de Singrobo, sur le fleuve Bandama, une immense centrale hydroélectrique est en construction. « Cela va permettre à des milliers de foyers d’être connectés à l’électricité, tout en diversifiant nos sources d’énergie », se réjouit un membre du conseil du village.
La récente mise en production du champ pétrolier et gazier de Baleine par Eni marque une avancée majeure dans le secteur des hydrocarbures. Avec des réserves estimées à 2,5 milliards de barils de pétrole et 3 300 milliards de pieds cubes de gaz, ce gisement pourrait permettre de multiplier la production nationale de pétrole par plus de trois, passant de 60 000 à 200 000 barils par jour d’ici 2027. Ces découvertes attirent d’ores et déjà l’attention des investisseurs internationaux. Le secteur pourrait mobiliser plus de 15 milliards de dollars d’investissements dans les prochaines années.
Télécommunication, numérique et innovation : un secteur en plein essor
Le Président Alassane Ouattara l’a compris, la diversification passe aussi par l’innovation. Le programme « Côte d’Ivoire Numérique 2030 » a fait de la capitale économique ivoirienne un terrain fertile pour les start-ups et les entreprises du secteur du numérique et des télécommunications. Ce programme, qui prévoit 2 000 milliards de FCFA d’investissements d’ici 2030, met l’accent sur le développement des infrastructures numériques et l’entrepreneuriat technologique, plaçant ainsi la Côte d’Ivoire sur la voie de la transformation digitale.
La numérique représente actuellement 8 % du PIB ivoirien, mais le gouvernement espère porter ce chiffre à 10 % d’ici 2025. Des initiatives visant à améliorer l’accès à internet et à développer des services publics en ligne sont au cœur de cette stratégie qui vise également à stimuler l’entrepreneuriat dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la justice.
Placer la Côte d’Ivoire sur la carte touristique mondiale
La Côte d’Ivoire mise également sur le tourisme pour diversifier son économie. À Grand-Bassam, ancienne capitale coloniale classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, les plages de sable fin et les bâtiments historiques attirent de plus en plus de visiteurs. En 2022, le pays a accueilli environ 2 millions de touristes, ce qui a généré près de 500 millions de dollars de revenus. « Le gouvernement investit dans la réhabilitation des sites historiques, mais aussi dans l’écotourisme. On voit les infrastructures évoluer, ça commence à bouger » confie Alain, gérant d’une petite auberge en bord de mer.
Mais l’ambition ivoirienne dépasse les frontières de ses joyaux balnéaires. Avec le programme « Sublime Côte d’Ivoire », les autorités veulent faire de tout le pays une destination de premier choix en Afrique. Objectif affiché : attirer 5 millions de visiteurs d’ici 2025 et doubler la part du tourisme dans le PIB, la passant de 6,25 % à 12 %. Pour cela, le pays prévoit d’investir avec des investisseurs privés 3 200 milliards de FCFA (5,4 milliards de dollars) dans la modernisation des infrastructures et s’attend à ce que le programme génère au passage 750 000 emplois, dont 230 000 qualifiés.
Dans les parcs nationaux de Taï et de la Comoé, des safaris se développent, tandis que le district d’Abidjan modernise ses infrastructures hôtelières pour attirer une clientèle d’affaires internationale. Des événements culturels majeurs comme le FEMUA (Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo), qui attire chaque année des milliers de festivaliers, mettent en avant un autre visage de la Côte d’Ivoire : celui de la fête, de la créativité et de l’accueil chaleureux.