Par Abderrahmane MEBTOUL,
Professeur des universités, expert international en management stratégique, docteur d’État.
Le 16e sommet des BRICS+, composé de la Russie, de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique du Sud et du Brésil, avec l’intégration de cinq nouveaux membres depuis la dernière réunion (l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie, l’Iran, et l’Argentine s’étant retirée), se tiendra à Kazan, Russie, du 22 au 24 octobre 2024. Ce groupe ne doit pas être confondu avec l’Organisation de Shanghai, fondée en 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, ayant intégré l’Inde et le Pakistan en 2016, l’Iran en 2021, et le Bélarus en 2024. Cette organisation vise à assurer la sécurité collective contre le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme.
Le conseiller du président russe pour les Affaires étrangères, Yuri Ushakov, a déclaré que 24 dirigeants ont confirmé leur participation, parmi lesquels les leaders de neuf États membres, dont Xi Jinping, Luiz Inácio Lula da Silva, et Masoud Pezeshkian d’Iran. Des invitations ont été envoyées à 38 États, incluant des membres et des pays intéressés à coopérer avec les BRICS. Selon les organisateurs, 59 pays en voie de développement, d’Asie, d’Afrique, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, ont exprimé leur intérêt pour rejoindre les BRICS, dont la Turquie, le Venezuela, la Thaïlande et la Malaisie. Récemment, même la Serbie, un pays européen, a envisagé de devenir membre des BRICS.
L’acronyme BRIC est apparu pour la première fois en 2001 sous la plume de l’économiste britannique Jim O’Neill, dans un rapport de la banque d’investissement Goldman Sachs intitulé Building Better Global Economic BRICs (le « S » final étant celui du pluriel et non une référence à l’Afrique du Sud). C’est surtout à partir de 2011, avec la tenue régulière de sommets et l’intégration de l’Afrique du Sud, que les BRICS sont devenus un groupe officiel. Leurs objectifs sont notamment la lutte contre le protectionnisme de certains de leurs partenaires du G20, la réforme de la gouvernance du FMI et du système monétaire international, ainsi que la reconnaissance de la multipolarité des équilibres économiques et politiques mondiaux, en rupture avec les organisations héritées de l’après-Seconde Guerre mondiale.
Ainsi, le sommet de Kazan sera un événement central de l’agenda international, offrant une opportunité à ses membres et observateurs de discuter de questions stratégiques autour d’intérêts communs. L’alliance des neuf membres décidera de l’orientation du groupe pour le futur, s’engageant vers un partenariat plus solide. Le président russe a même proposé la création d’un Parlement des BRICS, une alliance économique visant à devenir plus politique, afin de peser dans les discussions internationales et résister aux sanctions unilatérales. Cependant, cette proposition ne fait pas l’unanimité.
Actuellement, la Chine reste le moteur de cette organisation, étant la deuxième économie mondiale, le plus grand exportateur, et un investisseur de plus en plus influent. Pour soutenir ses exportations et sa consommation intérieure, la Chine importe d’énormes volumes de matières premières et de produits semi-finis du monde entier. Des accords commerciaux de libre-échange ont été conclus, notamment entre la Chine et l’Afrique du Sud, ainsi qu’entre le Brésil et la Russie, visant à réduire les barrières commerciales, harmoniser les normes et faciliter les transactions. Une réduction des tarifs douaniers entre les pays membres est prévue pour faciliter la circulation des biens et des services.
Toutefois, les résultats de ces efforts sont mitigés jusqu’à présent. L’intensification du commerce intra-BRICS nécessite des infrastructures économiques et logistiques robustes. Selon certaines données internationales, environ 80 % de l’accroissement des échanges au sein des BRICS impliquent la Chine, avec une augmentation notable des échanges entre l’Inde et la Russie.
En 2022, le PIB des cinq États fondateurs des BRICS était le suivant : la Chine 17.963 milliards de dollars, l’Inde 3.385 milliards de dollars, la Russie 2.240 milliards de dollars, le Brésil 1.920 milliards de dollars, et l’Afrique du Sud 406 milliards de dollars, totalisant 25.914 milliards de dollars, soit près de 26 % du PIB mondial pour une population d’environ 3,2 milliards de personnes, la Chine représentant à elle seule 69,32 % du PIB des BRICS en 2022. Pour les nouveaux membres, le PIB est le suivant : l’Arabie Saoudite 1.108 milliards de dollars, les Émirats arabes unis 508 milliards de dollars, l’Égypte 404 milliards de dollars, l’Iran 388 milliards de dollars, et l’Éthiopie 127 milliards de dollars. Au total, ces 11 pays représentent un PIB de 29.000 milliards de dollars, soit 29 % du PIB mondial pour 2022, avec une population approchant 45 % de la population mondiale.
Afin de s’affranchir des institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), les BRICS ont créé la Banque de développement des BRICS, inaugurée le 15 juillet 2014 à l’occasion du 6e sommet à Fortaleza au Brésil. Des membres comme le Bangladesh, les Émirats arabes unis (depuis 2021), l’Égypte (depuis 2023), et l’Algérie (depuis 2024) y ont adhéré. Dilma Rousseff, actuelle présidente de la NDB et ancienne présidente du Brésil, a déclaré que la banque examine actuellement des demandes d’adhésion d’environ 15 pays, bien qu’elle ne soit susceptible que d’en approuver quatre ou cinq.
En conclusion, le futur des BRICS dépendra de leur taux de développement et de leur capacité à trouver des ententes, malgré des systèmes politiques et économiques divergents. Bien que ce groupe reste non structuré avec des différences importantes, son poids économique croissant devrait modifier l’architecture actuelle des relations internationales, contribuant à un monde multipolaire et à un développement global plus équitable.