Un record de 14,5 millions de touristes en 2023…qui place idéalement le Maroc en orbite vers l’objectif de 26 millions de visiteurs en 2030, année de la co-organisation de la Coupe du Monde.
Propos recueillis à Rabat par Zeinab Filali.
Les résultats enregistrés par le Maroc dans le secteur touristique ne sont pas le fruit du hasard, déclare madame Fatim-Zahra AMMOR, Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Sociale et Solidaire au sein du gouvernement marocain. Dans cet entretien exclusif avec Financial Afrik, elle revient sur les fondements du succès de la destination Maroc. Forte de plus de 25 ans d’expérience professionnelle à des postes de direction exécutive, elle a été membre du comité exécutif d’un des plus grands groupes industriels privés du Maroc, après avoir passé une décennie dans le marketing chez Procter & Gamble. Madame AMMOR a également dirigé plusieurs projets d’envergure internationale, notamment en tant que Commissaire Générale lors de la participation du Maroc à l’Exposition Universelle de Milan en 2015. Ingénieure diplômée de l’École Nationale Supérieure de Techniques Avancées de Paris (ENSTA Paris), elle est également certifiée Administrateur de sociétés par Sciences Po Paris. (1 USD = 9, 867200 MAD).
Quel bilan faites-vous après deux ans à la tête du Ministère ?
Nous sommes très fiers des réalisations de ces deux dernières années. Sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, nous avons atteint des records touristiques en 2023 avec 14,5 millions de touristes et 105 milliards de dirhams de recettes en devises. Cette dynamique continue en 2024, avec déjà 13,1 millions de touristes à fin septembre, soit un bond exceptionnel de 2 millions de touristes en seulement 9 mois. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard. Dès l’arrivée de notre gouvernement, nous avons agi rapidement et de manière ciblée. Nous avons débloqué 2 milliards de dirhams pour aider le secteur touristique à se relever après le Covid. Nous avons aussi renforcé nos plans promotionnels, et les liaisons aériennes. Résultat : Nous sommes un des rares pays à avoir dépassé déjà en 2023 les chiffres de 2019.
Aujourd’hui, nous sommes en plein déploiement de notre nouvelle feuille de route 2023-2026. Avec 6,1 milliards de dirhams d’investissement, nous touchons à tous les aspects cruciaux : l’offre touristique, les liaisons aériennes, la promotion, l’hébergement, l’animation, et bien sûr, la formation de nos talents. C’est la première étape vers une vision encore plus ambitieuse pour 2030.Dans l’artisanat, nous avons créé le Registre National de l’Artisanat, donnant à 407 000 artisans un statut officiel et l’accès aux aides de l’État. Aussi, 652 000 artisans bénéficient maintenant d’une couverture sociale. C’est une avancée majeure pour ce secteur vital de notre économie et de notre culture. Quant à l’économie sociale et solidaire, elle connaît un véritable essor avec plus de 50 000 coopératives regroupant 752 000 membres. Actuellement, nous préparons une nouvelle loi-cadre pour structurer davantage ce secteur, avec l’ambition de créer 50 000 nouveaux emplois chaque année à partir de2035.
Quelle est la place du tourisme dans la vision globale de développement du Maroc ?
Sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc est sur une trajectoire de transformation exceptionnelle. La vision de développement du Maroc porte sur une démarche holistique qui place l’État social au cœur de la croissance économique. Cette vision vise à construire un Maroc plus inclusif tout en favorisant un développement sain et pérenne de secteurs clés, dont le tourisme. En termes de poids dans l’économie, le tourisme représente7% de notre PIB et emploie plus de 800 000 personnes. Et nous sommes convaincus que ce n’est que le début. Notre pays a un potentiel touristique exceptionnel que nous sommes déterminés à exploiter pleinement.
C’est pourquoi notre gouvernement a adopté une approche audacieuse et volontariste. Nous avons fixé une vision ambitieuse d’attirer 26 millions de touristes d’ici 2030. Nous visons également à créer 200 000 nouveaux emplois et à générer 120 milliards de dirhams de revenus en devises d’ici 2026. Pour y parvenir, nous avons élaboré une feuille de route précise et alloué les ressources nécessaires. Chaque jour, nous travaillons à concrétiser cette vision, à faire du Maroc une destination de choix mondiale, tout en veillant à ce que les bénéfices de ce développement profitent à la création d’emploi.
Dans cette vision, quelle est l’importance de l’artisanat dans l’économie marocaine ? Quid de la préservation du patrimoine culturel marocain ?
L’artisanat est doublement important. D’abord, il contribue à hauteur de 7% de notre PIB et emploie pas moins de 2,4 millions de personnes, ce qui représente 22% de notre population active. Mais au-delà des chiffres, l’artisanat est le gardien de notre patrimoine matériel et immatériel. Notre stratégie pour l’artisanat se décline en trois axes.D’abord, nous avons structuré le secteur. Avec le Registre National des Artisans, nous avons donné un statut officiel à 400 000 artisans. Et grâce au chantier royal de Sa Majesté sur l’Assurance Maladie Obligatoire, 620 000 artisans ont maintenant une protection sociale. C’est une avancée dont je suis particulièrement fière.
Pour renforcer la compétitivité de nos artisans, nous avons mis en place quatre programmes stratégiques clés. Ils visent à créer des centres d’excellence, à soutenir les agrégateurs, à encourager la digitalisation et à accompagner nos artisans dans leurs démarches d’exportation. Parallèlement, nous avons élaboré une stratégie de promotion internationale ambitieuse. L’objectif est d’ouvrir de nouveaux marchés à nos artisans et faire rayonner leur savoir-faire unique à l’échelle mondiale.
Enfin, la préservation de nos métiers artisanaux est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Nous agissons sur deux fronts : la formation et des programmes spécifiques de sauvegarde. Entre 2021 et 2023, nous avons réussi à augmenter de 55% le nombre de jeunes en formation, assurant ainsi la transmission de ces précieux savoir-faire. De plus, en collaboration avec l’UNESCO, nous avons lancé le programme ‘Trésors des Arts Traditionnels Marocains’. C’est un projet ambitieux qui vise à protéger 32 métiers menacés d’ici 2026. Chaque métier préservé est une partie de notre patrimoine qui continue de vivre et de s’épanouir.
Que représente le tourisme dans l’économie marocaine en termes de recettes ?
Il faut savoir que le tourisme est l’un des plus grands pourvoyeurs de devises de notre pays. En 2023, nous avons atteint un record historique avec des recettes de 105 milliards de dirhams en devises étrangères. Cette dynamique positive se poursuit en 2024, puisqu’à la fin du mois d’août, nous avions déjà enregistré 76,4 milliards de dirhams de recettes, soit une progression de 7% comparé à 2023. Ces résultats remarquables nous confortent dans notre ambition d’atteindre 120 milliards de dirhams de recettes à l’horizon 2026. C’est un objectif ambitieux, mais nous sommes convaincus que l’on pourra même le dépasser, grâce à tous les efforts déployés dans le cadre de la feuille de route pour élargir et diversifier notre offre d’animation.
Quelle est l’évolution de la capacité d’hébergement du pays ?
Actuellement, notre pays dispose d’une capacité de 280 000lits. Notre feuille de route touristique met l’accent sur l’hébergement, tant en quantité qu’en qualité. Avec la co-organisation de la Coupe du Monde 2030 et notre objectif d’accueillir 26 millions de touristes, nous visons la création de 150 000 nouveaux lits d’ici 2030. C’est un défi, mais nous sommes sur la bonne voie.
Je suis ravie de voir l’intérêt croissant des investisseurs pour notre secteur. En 2023, nous avons ouvert 135 nouveaux hôtels, avec une forte présence de grandes chaînes internationales. C’est un signe clair de la confiance dans le potentiel touristique du Maroc. Pour encourager ces investissements, nous offrons un cadre incitatif attractif. Nous ne soutenons pas seulement la création de nouveaux hôtels, mais aussi la modernisation des infrastructures existantes. Notre but est simple : offrir à nos visiteurs des expériences d’hébergement exceptionnelles.
Nous travaillons aussi sur une réforme réglementaire importante. L’idée est d’intégrer de nouveaux types d’hébergement, comme les logements chez l’habitant ou d’autres formes alternatives. Cela nous permettra d’augmenter notre capacité tout en diversifiant notre offre pour répondre aux nouvelles tendances du tourisme.
La qualité est tout aussi importante que la quantité. C’est pourquoi nous avons lancé « Cap Hospitality », un mécanisme de soutien innovant , pour financer les travaux de rénovation et modernisation des hôtels. Cap Hospitality prévoit l’octroi de crédits allant de 3 à 100 millions de dirhams pour les hôteliers, avec une maturité de 12 ans incluant 2 ans de différé, avec une mobilisation sans précédent de l’État qui prend en charge les intérêts relatifs au crédit d’investissement.
Le durable devient une norme mondiale. Quid de la stratégie du réceptif hôtelier Marocain en la matière?
Sous le leadership éclairé de Sa Majesté, que Dieu l’assiste, le Maroc s’est engagé depuis longtemps dans la voie de l’énergie propre et du développement durable. Pour nous, dans le tourisme, ce n’est pas juste une option, c’est une priorité, car notre industrie touristique repose entre autres sur nos ressources naturelles. Il est donc crucial de les préserver. Nous constatons une vraie prise de conscience : les touristes, comme nos concitoyens, veulent un tourisme qui respecte l’environnement et qui soutient nos communautés locales. C’est pourquoi notre feuille de route met la durabilité au premier plan. Nous avons même créé une filière spéciale dédiée au développement durable pour s’assurer que chaque maillon de la chaîne touristique soit éco-responsable.
Avec notre programme GO SIYAHA, nous donnons un vrai coup de pouce aux entreprises touristiques pour qu’elles passent au vert. Nous prenons en charge jusqu’à 40% des investissements pour les hôtels et restaurants qui adoptent des technologies vertes. Nous développons également de nouvelles offres touristiques centrées sur l’écotourisme : randonnées dans la nature, aventures dans le désert, circuits culturels… autant d’expériences qui mettent en valeur notre patrimoine tout en le préservant. Sans oublier notre focus sur le tourisme rural, qui vise à impliquer nos villages dans l’aventure touristique, pour que les retombées économiques profitent directement aux communautés locales.
Enfin, et dans le cadre de la nouvelle réglementation, nous allons développer des hébergements alternatifs éco-touristiques comme des écolodges et des cabanes, C’est l’occasion pour nos visiteurs de vivre une expérience authentique, au plus près de la nature et de la culture marocaines.
Au-delà de Marrakech et Agadir, quelles sont les autres destinations qui montent?
Il est vrai que Marrakech et Agadir sont des destinations phares du Maroc, mais notre pays offre bien plus que ces deux villes emblématiques. Notre vision du tourisme marocain est beaucoup plus vaste et inclusive. Dans notre feuille de route, nous avons adopté une approche novatrice qui se concentre sur les expériences plutôt que sur des destinations spécifiques. Cette stratégie permettra à toutes les régions du Maroc de bénéficier du développement touristique. Nous développons activement une variété d’offres touristiques, allant des sports nautiques sur nos magnifiques côtes méditerranéennes et atlantiques, aux activités dans le désert mettant en valeur nos paysages sahariens uniques. Nous mettons également l’accent sur les expériences culturelles, permettant aux visiteurs de s’immerger dans notre riche patrimoine, ainsi que sur les circuits culinaires qui font découvrir la diversité et la richesse de notre gastronomie.
Pour soutenir cette diversification, nous avons considérablement amélioré la connectivité aérienne du Maroc. Nous avons ajouté 100 nouvelles routes internationales vers des destinations émergentes, ouvrant ainsi de nouvelles portes vers le Maroc. De plus, nous avons pris une décision inédite en autorisant, pour la première fois, une compagnie aérienne étrangère à opérer des vols domestiques. Cette mesure augmente la flexibilité et les options de voyage à l’intérieur du pays, et encouragent les touristes à explorer des régions moins connues du Maroc, contribuant ainsi à une répartition plus équilibrée des flux touristiques et des retombées économiques à travers le pays.