A la question de savoir, pour un pays, s’il y a des avantages ou des gains à faire du commerce international, Adam Smith et David Ricardo vont répondre par l’affirmative tout en ayant des approches différentes. Avant d’aller plus loin, il convient de définir les notions de coût (prix) absolu et de coût (prix) relatif. Le prix (coût) absolu d’un bien ou d’un service est exprimé en Euros ou en Dollars ou en CFA, c’est le prix que l’on connaît. Tandis que le prix (coût) relatif est un rapport d’échange entre deux marchandises. Si 1 baguette de pain coûte 175 F CFA et 1 kg de riz 350 F CFA, on dira que 175 CFA et 350 CFA sont les prix absolus du pain et du riz.
Le prix relatif (Pr) est un rapport d’échange entre 2 biens. Si on considère le pain et le riz, le prix relatif du pain est la quantité de riz que l’on obtenir en échangeant 1 baguette de pain contre du riz. C’est le rapport des prix absolus qui le détermine.
Pr pain = . Cela veut dire que concrètement 1 baguette de pain s’échange contre 1demi kilo de riz. On peut dire que 1 baguette de pain coûte 1/2 kg de riz.
Pr riz = : donc 1 kg de riz s’échange contre 2 baguettes de pain. On peut dire que 1 kg de riz coûte 2 baguettes de pain.
Le Modèle d’Adam Smith : les avantages absolus
Dans les modèles d’A. Smith et de D. Ricardo, le coût (prix) absolu d’une marchandise est égale à la quantité de travail nécessaire à sa production. Ces modèles supposent que le travail est l’unique facteur de production. Si une paire de chaussures a nécessité 8 heures de travail pour sa fabrication, son coût (prix) absolu est de 8h. Elle s’échangera avec une autre marchandise qui a nécessité elle aussi 8 heures de travail.
Selon A. Smith, chaque pays a intérêt se spécialiser dans la production des biens pour lesquels il a un avantage absolu ; c’est à dire les biens pour lesquels il supporte des coûts absolus de production plus faibles que ceux de ses partenaires commerciaux.
Illustration : Considérons deux pays I et II et deux biens A et B avec les coûts absolus ci-dessous en heures de travail pour produire respectivement 1 unité de A et 1 unité de B.
Pays I | Pays II | |
A | 8h | 6h |
B | 10 h | 12h |
Dans ces conditions, le Pays I a un avantage absolu dans le bien B pour lequel il supporte le coût absolu de production le plus faible et le pays II dans le bien A où son coût absolu de production est plus faible que celui du pays I. Le pays I a intérêt à se spécialiser dans la production et l’exportation de biens B et le pays II a intérêt à faire de même avec le bien A.
Cela permet aux facteurs de production (le travail) d’être utilisés de façon plus efficiente donc d’accroître globalement les quantités produites des deux biens. Les pays I et II y gagnent.
Le Modèle de D. Ricardo : les avantages comparatifs
D. Ricardo pense que la théorie des avantages absolus a une portée très limitée car elle ne s’applique pas à toutes les situations. Il va introduire la notion de coûts comparatifs ou coûts relatifs et déterminer les conditions d’un commerce international avantageux pour tous les pays participants.
Illustration : Considérons deux pays I et II, avec les coûts absolus ci-dessous en heures de travail pour produire 1kg riz (R) et 1 kilo de maïs (M).
Pays I | Pays II | |
RIZ | 5h | 20 h |
MAÏS | 10 h | 12,5 h |
On remarque ici que le pays I a des coûts absolus plus faibles que ceux du pays II, pour la production du riz (R) et du maïs (M). Au sens de A. Smith, le pays I a un avantage absolu dans la production des deux biens : le pays II n’a donc aucun avantage absolu. Dans ces conditions, selon A. Smith, il ne peut y avoir de commerce entre ces deux pays.
Ricardo va démontrer que le commerce entre ces deux pays est bien possible, si chacun d’eux se spécialise dans le bien où il supporte le coût relatif le plus faible. Rappelons que pour calculer le coût relatif on fait le rapport des coûts absolus. Ainsi, dans le pays I le coût (prix) relatif du riz (R) est égal à 0,5 (5h/10h = 0,5). Ce qui signifie que 1 kilo de riz s’échange contre 0,5 kg de maïs (1R = 0,5M).
Avec le même raisonnement, on trouve que le (coût) prix relatif du riz dans le pays II est de 1, 6M (20h/12,5h = 1,6). Donc dans le pays II un kilo de riz 1 s’échange contre 1,6 kilo de maïs (1R = 1,6M).
Puisque le prix relatif du riz est plus faible dans le pays I, le pays I a un avantage comparatif dans la production et l’exportation du bien du riz. Le pays II, quant à lui, a un prix relatif plus faible pour le maïs (vous pouvez le vérifier pour vous exercer). Le pays II va donc se spécialiser dans la production du maïs.
Ricardo montre que ces 2 pays, en faisant du commerce entre eux, vont en tirer des gains, à condition que le prix relatif international soit compris entre les prix relatifs domestiques.
En effet, dans le pays I, en autarcie, 1 kg de riz coûte 0,5 kg de maïs. Donc les producteurs de riz vont exporter si on leur propose un prix supérieur à 0,5. Et dans le pays II, les producteurs de maïs sont intéressés à exporter si on leur propose de donner moins de maïs contre la même quantité de riz qu’ils recevaient en autarcie, c’est-à-dire moins de 0,625 kg de maïs. Ainsi, tant que le Prix international évolue entre 0,5 et 0,625, les deux pays vont tirer des avantages mutuels dans le commerce international.
Ici le pays I va se spécialiser dans la production et l’exportation de riz. Il ne produit plus de maïs qu’il importe du pays II. Le pays II, quant à lui, va se spécialiser dans la production et l’exportation du maïs. Il ne produit plus du riz et l’importe du pays I. Chaque pays produit 2kg du bien pour lequel il est spécialisé : 1 kilo pour sa propre consommation et 1 autre kilo qu’il exporte pour satisfaire la consommation de son partenaire. Donc la balance commerciale de chaque pays est équilibrée. Le pays I exporte 1kg de riz et importe 1kg de maïs. Le pays II fait l’inverse en exportant 1kg de maïs et important 1kg de riz.
Le tableau ci-dessous vous permet de voir que les deux pays font des gains en produit et économisent du temps de travail. Grâce au commerce international, la production est devenue plus efficiente dans les deux pays. Le temps économisé servira à produire d’autres biens.
Tableau récapitulatif des gains si les pays I et II s’échangent 1kg de riz contre 1 kg de maïs c’est-à-dire que le prix international est 1R = 1M
Pays I | Pays II | |||
En autarcie | Après l’ouverture | En autarcie | Après l’ouverture | |
Coût absolu RIZ | 5h | 10h | 20 | 0 |
Coût absolu MAÏS | 10 h | 0h | 12,5h | 25h |
Coût total | 15h | 10h | 32,5h | 25h |
Gain en produit | 0,5 kg de maïs pour chaque kg de riz exporté | 0,2 kg de riz pour chaque kg de maïs exporté | ||
Economies ou gains en travail | 5h | 7,5h |
Le modèle de Ricardo peut aisément être généralisé dans un modèle à deux pays et à n biens. Si nous désignons par aLi le coefficient technique du travail de la branche i, c’est-à-dire la quantité de travail nécessaire à la production d’une unité de i dans l’économie domestique (pays I) et par a*Li le même coefficient technique à l’étranger (pays II). Alors, le pays I se spécialisera dans les biens i tels que son salaire relatif w/w* (c’est-à-dire son salaire w rapporté au salaire étranger w*) est inférieur au rapport a*Li / aLi. En effet, dans ce cas,
w x aLi < w x a*Li. Il est alors moins coûteux de produire le bien i dans le pays 1.
En conclusion, selon David Ricardo, les pays gagnent à faire du commerce international sur la base de leurs avantages comparatifs : chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les productions où il a des coûts de production relativement plus faibles que ses partenaires commerciaux. Cela augmente, pour chacun d’eux, l’efficience de la production et la consommation.
A propos de Pr Amath Ndiaye
Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.