Alors que l’Afrique est riche en minerais stratégiques – or, manganèse, bauxite, nickel, lithium pour n’en nommer que quelques-uns – peu de raffineries minières voient le jour sur le continent. Ces installations, pourtant essentielles pour ajouter de la valeur aux matières premières, demeurent rares, obligeant l’Afrique à exporter la majorité de ses ressources à l’état brut. Àqui la faute ?
Manque de confiance, cadre réglementaire instable, instabilité politique
Construire des raffineries minières en Afrique requiert des investissements massifs et des infrastructures lourdes. « On parle de centaines de millions de dollars pour monter une raffinerie, sans compter les coûts énergétiques », explique un expert basé en Afrique de l’Ouest. Transformer des minerais comme le cuivre, l’or ou le nickel nécessite une énergie stable et abondante, un défi majeur pour des pays comme la RDC, la Guinée, le Mali ou le Burkina Faso, où l’approvisionnement en électricité reste limité et souvent instable. Certains investisseurs envisagent de construire des centrales à charbon pour pallier ce manque, mais cette solution coûteuse et polluante rebute les institutions financières et inquiète les défenseurs de l’environnement. Celles-ci n’hésitent pas à monter au créneau. « Utiliser du charbon pour transformer les ressources locales est un non-sens écologique », s’indigne un militant de la société civile togolaise.
Ce besoin criant en énergie et en stabilité se fait particulièrement ressentir dans des pays comme la République Démocratique du Congo, où plusieurs projets de raffineries pour le cuivre et le cobalt ont été envisagés, mais peu se concrétisent. Le projet de Katanga Mining pour transformer localement le cuivre a été abandonné, en raison de problèmes de gouvernance et de sécurité. «Freeport-McMoRan s’est également retiré, confronté à l’opacité des pratiques locales et à des défis de sécurisation des installations », confie un consultant à Kinshasa.
Au Burkina Faso, où le potentiel aurifère est considérable, des projets de raffinerie d’or ont également été envisagés, mais les tensions sécuritaires refroidissent les ardeurs des investisseurs. « Investir dans une zone où les attaques sont régulières est un risque considérable », note un expert du secteur.
En Guinée, bien que le pays dispose déjà d’une raffinerie d’alumine exploitée par le groupe russe Rusal à Friguia, multiplier ces installations reste un défi. Le projet d’aluminerie de Sangarédi, porté par la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG) avec le soutien de Rio Tinto et Alcoa, incarnait l’espoir d’une transformation accrue de la bauxite sur place. Aujourd’hui, la CBG extrait environ 15 millions de tonnes de bauxite par an, mais l’essentiel est exporté à l’état brut. Des projets pour une raffinerie à Kamsar sont en discussion depuis les années 2000, mais leur réalisation a été maintes fois repoussée.
La Guinea Alumina Corporation (GAC) quant à elle, développe un projet de raffinerie de 4 milliards de dollars, avec une capacité annuelle de 1,2 million de tonnes d’alumine d’ici 2026. Mais les conditions de marché, les fluctuations des prix de l’aluminium et les défis internes guinéens – instabilité politique, réformes fiscales fréquentes, et accès limité à l’électricité, dont bénéficie moins de la moitié de la population – compliquent l’engagement des investisseurs. « Transformer la bauxite en alumine demande une énergie soutenue que les infrastructures actuelles ne peuvent pas garantir », souligne un spécialiste basé en Guinée.
Cette problématique illustre un défi plus vaste pour les projets de transformation minière sur le continent. Selon un spécialiste des marchés miniers basé à Londres, développer une raffinerie minière en Afrique nécessite plus que des investissements financiers. « Pour qu’un projet de raffinerie soit durable, il faut un double engagement : d’un côté, les gouvernements doivent garantir un cadre stable et rassurant, et de l’autre, les développeurs doivent mobiliser des investisseurs prêts à s’engager sur le long terme », explique-t-il. Sans cette synergie entre stabilité politique et soutien financier, « ces projets, qui s’étendent sur plusieurs décennies, risquent de s’essouffler », ajoute-t-il.
Un pari risqué pour les États africains
Pour l’Afrique de l’Ouest, l’idée de raffiner sur place ses ressources minières est devenue un défi politique autant qu’économique. Les gouvernements doivent choisir entre sécuriser des investissements risqués, stabiliser leurs cadres réglementaires, et répondre aux pressions écologiques. Un équilibre difficile à trouver, qui rend l’avenir des raffineries minières en Afrique incertain. Comme le résume un expert nigérian en politique énergétique : « Sans une volonté politique forte, des infrastructures énergétiques adéquates, une stabilité à long terme, et, surtout, la confiance des investisseurs envers les gouvernements, indispensable pour sécuriser les financements, il est peu probable que l’Afrique de l’Ouest devienne un centre de raffinage minier dans un avenir proche, »
« En l’état actuel, ces projets sont presque des mirages, des rêves de souveraineté industrielle qui peinent à se concrétiser », conclut un observateur du secteur minier.