Par Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international, docteur d’Etat
Le 13 octobre 2024, le Ministère de l’Énergie et des Mines a publié un arrêté dans le Journal Officiel annonçant la fin des subventions généralisées sur le prix du gaz naturel pour les industriels, tant nationaux qu’internationaux. Cette décision s’appuie sur les recommandations d’une étude réalisée sous la direction du Professeur Abderrahmane Mebtoul en 2008, en collaboration avec Sonatrach et Ernst & Young. Cette étude, composée de 8 volumes et 890 pages, préconisait une politique de subventions ciblées pour améliorer l’efficacité énergétique et renforcer la compétitivité industrielle.
Sonatrach dispose actuellement de cinq raffineries de pétrole brut, avec une capacité totale de 25 millions de tonnes par an, et d’une raffinerie de condensat de 5 millions de tonnes par an. Dans ce cadre, le Conseil des ministres, le 7 janvier 2024, a ordonné la relance de la raffinerie de Hassi Messaoud. Ce projet, lancé en janvier 2020 avec les entreprises Técnicas Reunidas (Espagne) et Samsung Engineering (Corée du Sud), implique un investissement de 3,3 milliards USD pour une raffinerie de pétrole brut à conversion profonde de 5 millions de tonnes par an. Bien que le projet accuse un retard, il devrait être opérationnel en 2026.
La production de cette raffinerie répondra aux normes Euro 5 et couvrira une large gamme de produits, notamment propane, butane, essence, kérosène, gasoil et bitume, tout en répondant à une demande intérieure croissante et en renforçant les exportations.
La consommation nationale de carburant a atteint 17,7 millions de tonnes en 2022, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2021. Cette demande est prévue d’atteindre 41 millions de tonnesd’ici 2050, avec une hausse annuelle de 3 millions de tonnes. La consommation de diesel, qui était de 10,1 millions de tonnes en 2022, devrait augmenter à 12,5 millions de tonnes d’ici 2030 grâce à des projets comme la conversion du fioul en diesel à Skikda.
En parallèle, la consommation de GPL a connu une hausse, atteignant 1,5 million de tonnes en 2022, tandis que celle du kérosène a bondi de 58 %, reflétant une dynamique croissante dans plusieurs secteurs.
L’arrêté du 14 octobre 2024 (Journal Officiel n°74) fixe une transition progressive pour les subventions énergétiques des industriels. D’ici 2025-2026, les entreprises consommant plus de 200 millions de m³ de gaz naturel devront négocier leurs tarifs directement avec les fournisseurs. Ce seuil sera abaissé à 100 millions de m³ en 2027-2028 et à 40 millions de m³ à partir de 2029.
Cette réforme vise à encourager la compétitivité du secteur industriel et à attirer des investisseurs étrangers en garantissant un environnement de marché plus transparent. Les ménages et les petites entreprises continueront, pour leur part, de bénéficier des subventions actuelles.
Cependant, cette transition nécessite une meilleure compréhension de l’économie informelle, qui représentait 33 % de la masse monétaire en 2023, ainsi qu’une adaptation des marges commerciales pour limiter les impacts inflationnistes.
L’Algérie prévoit d’atteindre une production de 200 milliards de m³ de gaz naturel à l’horizon 2030, avec 80 milliards de m³ destinés à la consommation intérieure, 20 milliards de m³ pour la réinjection dans les puits, et 100 milliards de m³ pour l’exportation. Ces ambitions reposent sur plusieurs leviers stratégiques :
- Investissements dans le pétrole et gaz traditionnels.
- Réalisation du gazoduc Nigeria-Algérie (33 milliards de m³/an).
- Exploitation du gaz de schiste, dont l’Algérie possède le troisième plus grand réservoir mondial.
- Développement des énergies renouvelables, avec une cible de 35 % de couverture des besoins nationaux d’ici 2035 et l’exportation de 10 000 MW d’énergie solaire.
L’Algérie cherche à réduire sa dépendance aux hydrocarbures en diversifiant son économie grâce aux revenus énergétiques. Cette transformation repose sur deux piliers fondamentaux : la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, des éléments essentiels pour relever les défis du 21e siècle.