Par Abderrahmane Mebtoul, Professeur des universités
Résiliation du contrat avec Samsung (Corée du Sud) et formation d’un nouveau consortium entre Sonatrach, Técnicas Reunidas (Espagne) et Sinopec (Chine).
Le projet de la nouvelle raffinerie de Hassi Messaoud, dont l’appel d’offres a été lancé par Sonatrach en 2017, connaît un retard considérable. Ce projet, initialement confié à un consortium comprenant Técnicas Reunidas et Samsung Engineering, fait aujourd’hui l’objet d’un important remaniement. Selon la déclaration officielle du PDG de Sonatrach du 27 novembre 2024, Samsung Engineering a été remplacé par le groupe chinois Sinopec, partenaire stratégique de Técnicas Reunidas.
D’après l’agence sud-coréenne Yonhap, Samsung Engineering détenait un contrat de 1,3 milliard de dollars signé en 2020, mais les modalités de résiliation n’ont pas été précisées par Sonatrach. Désormais, dans un nouveau document adressé à la Commission nationale espagnole des marchés de valeurs mobilières (CNMV), Técnicas Reunidas annonce que les travaux seront réalisés dans le cadre d’une co-entreprise formée par Técnicas Reunidas (51 %) et Sinopec (49 %).
1. Un projet restructuré
Ce projet, initialement évalué à 3,3 milliards de dollars, a vu son coût réévalué à 4 milliards de dollars, dont plus de 2 milliards iront à Técnicas Reunidas. Le délai initial de livraison, prévu pour mars 2024, a été prolongé à 65 mois, avec une mise en service des premières unités prévue fin 2027 et une réception finale envisagée entre 2029 et 2030.
La nouvelle raffinerie produira des produits conformes à la norme Euro 5 : propane (127 000 tonnes/an), butane (180 000 tonnes/an), essence (1 725 000 tonnes/an), kérosène (228 000 tonnes/an), gasoil (2 659 000 tonnes/an) et bitume (134 000 tonnes/an). Ces capacités viendront s’ajouter à celles des cinq raffineries de pétrole brut et d’une raffinerie de condensats déjà en activité.
2. Une stratégie énergétique adaptée
Cette restructuration s’inscrit dans une stratégie visant à répondre à la forte consommation intérieure, appuyée par un arrêté du 14 octobre 2024 encadrant les subventions aux entreprises énergivores. Cette politique cible une réduction progressive du seuil de consommation bénéficiant de subventions : de 200 millions de m³ en 2025-2026 à 40 millions de m³ à partir de 2029.
La digitalisation des paiements, qui reste faible (moins de 20 % des transactions), et le poids de l’informel (33,99 % de la masse monétaire selon la Banque d’Algérie) posent encore des défis.
3. Perspectives énergétiques
Sonatrach prévoit une production de 200 milliards de m³ de gaz naturel d’ici 2030, avec 80 milliards destinés à la consommation intérieure et 100 milliards à l’exportation. Une part de 20 milliards sera réinjectée pour préserver les réserves.
Le gazoduc Nigéria-Algérie et le développement du gaz de schiste (l’Algérie étant le troisième réservoir mondial avec 19 500 milliards de m³ de réserves) devraient jouer un rôle clé, tout comme les énergies renouvelables. Avec un ensoleillement de 3 000 heures par an, l’Algérie vise une couverture de 35 % de ses besoins énergétiques grâce au solaire à l’horizon 2030-2035, et une capacité exportable de 10 000 MW.
4. Coopération avec l’Europe
L’Algérie, deuxième fournisseur d’énergie de l’Europe (19 % en 2023), ambitionne de couvrir 30 % des besoins énergétiques européens d’ici 2035. Cette coopération a atteint un record de 50 milliards d’euros d’échanges commerciaux en 2023, témoignant de l’importance croissante de ce partenariat.
En conclusion, ce remaniement dans le projet de raffinerie de Hassi Messaoud reflète la volonté de Sonatrach de s’adapter aux contraintes du marché international, tout en renforçant sa position de partenaire stratégique pour l’Europe dans le domaine énergétique.