Faire de Madagascar un pays émergent à l’horizon 2038, tel est l’objectif du « Plan Emergence Madagascar » lancé en 2022 par le président Andry Rajoelina. Centrée sur l’autosuffisance alimentaire et l’industrialisation, cette ambition est notamment portée par des organismes publics et privés qui promeuvent l’émergence d’une génération de jeunes entrepreneurs. La modernisation de l’économie malgache ne se fera pas sans le soutien, l’accompagnement et l’inclusion financière des entrepreneurs locaux, acteurs clés de la transformation économique.
Fihariana, un incubateur public à l’origine de 200 000 emplois agricoles
C’est tout le sens du programme public Fihariana, qui propose aux entrepreneurs malgaches du secteur de l’agriculture les services d’un incubateur. Il s’agit d’une offre avantageuse de financement pour les porteurs de projets, les start-ups, les petites et les moyennes entreprises formelles. En souscrivant au programme, ils ont accès à des taux préférentiels de 9 à 11% au sein de trois grandes banques partenaires (BNI Madagascar, BOA Madagascar et Société Générale Madagascar). L’Etat se porte ensuite garant du prêt octroyé, tandis que les organismes bancaires accordent un différé de six mois pour que les entrepreneurs agricoles puissent payer après la récolte.
En plus de l’inclusion financière, l’offre de Fihariana comprend un accompagnement technique dans l’élaboration du business plan et un panel de formations aux compétences entrepreneuriales pour garantir l’autonomisation des entrepreneurs et la viabilité des projets. Depuis son lancement en 2019, le programme a déjà soutenu 26 000 porteurs de projets et alloué environ 37 millions d’euros. Il a contribué à la création de 200 000 emplois directs et indirects à l’échelle de Madagascar.
Fihariana participe également aux initiatives Fanoro et « Titre vert » qui ont vocation à développer la filière laitière dans la région d’Antsirabe, au centre du pays. La consommation de lait à Madagascar étant en moyenne de 7 litres par individu chaque année, contre une moyenne de 40 litres en Afrique, l’ambition de ces projets est de renouveler le cheptel de la région pour atteindre une production annuelle de 30 litres par individu chaque année.
Avec Fanoro, les entrepreneurs agricoles de la région peuvent recevoir de l’Etat un hectare de terre de culture fourragère et une vache importée. En 2021, 160 vaches normandes – qui produisent 25 à 30 litres de lait par jour contre 4 pour les vaches locales – ont ainsi été importées et réparties à des éleveurs locaux. Sont financés par la suite la formation à l’insémination artificielle, l’achat d’équipements nécessaires et le suivi de la performance des nouvelles vaches. De quoi servir efficacement l’objectif d’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2038.
Le projet SEED au plus près de l’entrepreneuriat malgache
Plusieurs ONG implantées à Madagascar ont également pris le parti de miser sur l’entrepreneuriat. C’est notamment le cas de l’association People Power Inclusion (PPI), qui agit en faveur de l’inclusion financière des populations africaines défavorisées. Via son projet SEED lancé en 2023 (« Soutien à l’Ecosystème Entrepreneurial pour l’Emploi Décent ») en partenariat avec le Centre d’Excellence en Entrepreneuriat (association malgache), elle s’est résolument engagée pour l’inclusion à l’emploi à travers le soutien de l’écosystème d’incubation à Madagascar. Le projet SEED s’inscrit dans le cadre du programme IncuBoost de l’Union européenne et bénéficie de financements européens à hauteur de 2 millions d’euros répartis sur trois ans.
Partant du constat que l’écosystème d’incubation malgache peine encore à se structurer et à assurer sa pérennité financière, la mission de SEED est double : cartographier les diverses structures privées et publiques qui proposent des services d’accompagnement aux entrepreneurs, et sélectionner 20 organismes afin de leur proposer un parcours sur mesure (principalement dans l’agrobusiness). L’incubateur public Efta Analamalotra, dont le développement est limité par un financement exclusivement à base de subventions publiques, a ainsi bénéficié du programme pour diversifier ses sources de revenus. Il propose désormais des formations payantes destinées aux entrepreneurs de la production agro-alimentaire et projette d’implanter des usines de transformation pour les fruits et les épices.
Dans un pays où près de 90% de la population n’est pas bancarisée, ces nouvelles solutions de financement de l’entrepreneuriat proposées par des acteurs comme Fihariana ou PPI sont un espoir pour l’avenir. Une dynamique qui s’inscrit dans les succès de la microfinance et des services d’argent mobiles à Madagascar depuis une quinzaine d’années.
L’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur bancaire traditionnel, qui mettent l’accompagnement des entrepreneurs au cœur de leur stratégie, pourrait également offrir de nouveaux accès à l’investissement. La BRED Banque populaire, connue pour son engagement en faveur de l’entrepreneuriat, a par exemple annoncé en 2024 la signature d’un accord pour l’acquisition de la Société Générale Madagasikara, qui compte 1 000 collaborateurs, près de 300 000 clients, et opère à travers un réseau de 70 agences réparties sur l’ensemble du territoire malgache.